Les réformes de 1978, « l’économie socialiste de marché » par Rolf Berthold

Liu Shaoqi, Zhou Enlai et Deng Xiaoping

Mao Zedong meurt en septembre 1976, après l’épisode tumultueux de la mise à l’écart de la « Bande des quatre », en août 1977, le 11 e Congrès du Parti Communiste Chinois proclame la fin de la Révolution culturelle sans condamnation cependant. C’est en décembre 1978 qu’est décidée une politique de réforme et d’ouverture. Deng Xiaoping est au centre des réformes. La situation est problématique à bien des égards. C’est le début de la crise du capitalisme qui se répand en onde de choc, la Chine doit rectifier ses propres erreurs, mais elle ne peut pas retourner au modèle soviétique dont la crise s’annonce, ni reprendre les réformes qui seront celles de Gorbatchev dans les années 1980. La Chine décide d’un socialisme à la Chinoise. Il s’agit d’un processus dans lequel entre la Chine et pour laquelle il n’y a pas de recettes pré-établies, on peut dire qu’elle y est encore, avec d’indéniables acquis mais aussi des problèmes très importants. Voici la manière Dont Rolf Berthold, ancien ambassadeur de la RDA en Chine analyse cette réforme de 1978.(1). Le processus de cette date à nos jours mérite d’être compris et analysé dans sa complexité.

Lors de la troisième session du 11 e Congrès du PCC,en décembre 1978, Deng Xiaoping tient un discours intitulé « Libérer l’esprit, rechercher la vérité à partir des faits, s’unir unanimement et regarder vers l’avenir ». Ce Congrès constitue un tournant dans le développement du pays. Il oriente le travail vers les réformes et l’ouverture à l’étranger et fait du développement économique la tâche centrale. C’est à ce moment qu’apparaît la tendance à se distancier du rôle prépondérant du Parti et du socialisme. Quatre principes de base sont alors formulés, lors d’une conférence en mars 1979, sur le travail théorique du parti : s’en tenir à l’option socialiste, à la dictature du prolétariat et à la dictature de la démocratie populaire, au rôle dirigeant du Parti communiste chinois et au marxisme et aux idées de Mao Zedong. La politique des réformes et d’ouverture conserve ainsi une orientation socialiste évidente.

Les réformes commencent par l’agriculture : les structures des communes populaires sont progressivement démantelées, les paysans ont à nouveau le droit de disposer eux-mêmes de la terre qu’il travaillent et il s’ensuit donc qu’ils peuvent vendre librement ce qu’ils produisent. La majorité de la population (dont 80% vit toujours dans les campagnes) se voit ainsi allouer une base matérielle solide. L’économie reprend rapidement le dessus et le niveau de vie progresse visiblement. Ensuite les réformes sont aussi appliquées au commerce, aux petites entreprises artisanales et à l’industrie. Sur le plan économique, la Chine collabore davantage avec l’étranger et crée les conditions favorables pour attirer les investissements étrangers. Les compétences des organes du parti et de l’Etat sont modifiées progressivement : les tâches de l’appareil du Parti et de l’Etat sont bien délimitées, les institutions financières se voient attribuer une description claire de leurs tâches, la direction de l’économie passe aux mains des organisations économiques, les parlement se voient confier un rôle plus grand, tant au niveau central qu’au niveau local. Etape par étape la législation s’étoffe. Pour la première fois ont lieu des élections directes à la base et on assiste à l’apparition de mécanisme de contrôle de l’Etat et du parlement.
« L’économie socialiste de marché », tel est le nom qui recouvre la nouvelle politique économique. L’Etat se consacre avant tout à la maîtrise des processus économiques  de base (la macropolitique). La planification de l’économie, jusque là fortement centralisée et qui était responsable au plus haut degré de la reconstruction d’après-guerre diminue et les entreprises se voient dotées de prérogatives parfois considérables.
Les changements engendrés par ces réformes sont très vite perceptibles, le calme revient, l’économie reçoit un nouvel élan, l’approvisionnement s’améliore considérablement. La politique d’ouverture orientée vers une intense collaboration économique avec l’étranger, sur les plans économiques, techniques et scientifiques, met un terme à l’isolement international. Le gouvernement instaure des zones économiques spéciales , ouvre certaines villes côtières et prend de nouvelles mesures destinées à faciliter encore la collaboration avec l’étranger.
En novembre 1979 est rédigé un texte de projet « concernant quelques questions historiques sur le parti depuis sa création de la République populaire de Chine ». le Comité central l’adopte en juin 1981. Dans sa résolution figure une évaluation critique de la politique menée dans le passé récent. La Révolution culturelle est rejetée dans son ensemble. L’évaluation de mao Zedong conclut que ses mérites vis-à-vis de la révolution chinoise ont été bien plus grands que ses fautes et erreurs. Une ligne de démarcation très nette est tirée entre les fautes de ses dernières années et ses idées correctes qui constituent le patrimoine du Parti Communiste Chinois.

(1) Le socialisme à la chinoise, Etudes marxistes, Octobre-décembre 2003. EPO. Bruxelles. p,27 et 28

3 commentaires

  1. Pour ce qui est de la perception de Mao Zedong en Chine, je dirai qu’elle qu’elle ne coincide pas avec celle qui domine chez nous…

    Face à une statue de Mao, à la pose un peu grandiloquante que l’on peut imaginer, j’ai tâté un peu les réactions des Chinois. Réponse significatve: mais vous n’y comprenez rien, Mao, pour nous c’est comme Washington pour les Américains. Malgré toutes les erreurs et les crimes commis dans le contexte de la Révolution culturelle, il nous a permis de retrouver notre indépendance et notre dignité.C’est tout simple. Et il nous est même arrivé de dîner dans un restaurant sous les portraits de Marx, Lénine, Staline, Mao… Inconcevable pour nous…

    Et savez vous qu’en Chine aucune rue ne porte le nom de Mao ? Non parce que les Chinois les auraient débaptisées mais simplement parce qu’il n’est pas dans les habitudes, là-bas de donner le nom d’une personne à une rue. Seule exception: Zhong Shan (Sun Yat Sen), fondateur de la République chinoise de 1911 et du Guomindang qui, dans pratiquement toutes les villes a donné son nom aux avenues les plus prestigieuses !

    Contrairement aux Européens, les Chinois n’ont pas l’âme inconoclaste. On ne casse pas les monuments. Même des arcs de triomphe érigés par les occupants japonais subsitent jusqu’à nos jours. Ils ont simplement été débaptisés.

    L’histoire semble perçue de manière plus dialectique que chez nous; les traces de ses côtés sombres n’ont pas à être effacées ou « reconstruites ». Une attitude qui aide peut-être à mieux comprendre le caractère un peu bizarre pour nous du concept « un pays, deux systèmes » appliqués à Hong-Kong, Macao et Taïwan. A propos de cette dernière province, nos média n’ont guère insisté sur l’évolution récente des rapports entre « les deux rives du détroit » comme disent les Chinois: outre les maillages économiques, il y a le rétablissement de liaisons aériennes régulières, des échanges de délégations officielles avec, entre autres, la visite du Président du Guomindang en Chine continentale; de quoi donner des frissons à tous ceux qui misent, avec le Dalai, sur la partition de la Chine!

  2. Cher Luoge, les médias certes mais ce blog a consacré deux articles à l’évolution de Taiwan où tous les aspects que tu notes y compris le transport sont décrits.
    Danielle Bleitrach

  3. comment adam smith explique-t-il l’apparition de la société de marché ??


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