Une combine digne de Charles Ponzi, par Irwin Stelzer

source : The Wall Street Journal, 9 Mai 2011

traduit de l’anglais par Marc Harpon pour Changement de Société

Publié dans le très progressiste Wall Street Journal, l’article ci-dessous a été écrit par un chercheur du Hudson Institute, un think tank particulièrement marqué à droite. Pourtant, la politique menée par le FMI vis-à-vis de la Grèce et du Portugal, y est très sévèrement critiquée et comparée aux combines du célèbre escroc américain des années 20, Charles Ponzi. Comment donc le PCF-PGE peut-il continuer à défendre une Europe du Capital dont même des néoconservateurs  voient les tares ?

Cela fait un an que la numenklatura de la zone euro a conçu un plan pour tirer la Grèce d’un problème de liquidités et la ramener dans le pré ensoleillé de la fiscalité soutenable. Depuis lors, la situation fiscale de la Grèce s’est détériorée, l’économie est entrée en récession, et il est certain que l’équipe envoyée maintenant pour vérifier les progrès de la Grèce aura du mal à trouver les mots pour traduire la réalité de l’échec du pays- à atteindre ses objectifs de réduction des déficits- dans le vocabulaire de la  « réussite » du nov-langue européen. Portés par la vague du succès, les pays de la zone euro administrent le même remède au Portugal. La patient à peu de chances de guérir.

En échange de la promesse d’une réduction des déficits de 9,1% à 3% du PIB d’ici à 2013- en un an de moins que la Grèce et l’Irlande- le Portugal obtiendra un prêt de 26 milliards d’euros (37 milliards de dollars) du Fond Monétaire International à un taux d’intérêt de 3,25% et un prêt européen de 52 milliards d’euros à un taux qui sera annoncé à la réunion des minsitres des finances de l’UE les 16 et 17 Mai, où le train de mesures sera formellement approuvée. A moins, bien sûr, que la Finlande, respectant la force montrée lors des dernières élections à l’Edskunta par le Parti des Vrais Finlandais, opposé au sauvetage, n’oppose son veto au fait de puiser dans les 440 milliards d’euros du Mécanisme de Stabilistation Financière Européen.

La dette insoutenablement élevée du Portugal sera soignée si, euh, on prête plus d’argent au Portugal. Le nouveau prêt de 78 milliards fera monter la dette publique du pays à 120% du PIB. A la façon du grand financier Charles Ponzi, le Portugal emprunte l’argent pour payer ses créanciers. Ne vous inqiétez pas, une fois sorti de cette trouble crise de liquidités, il sera capable d’emprunter sur les marchés internationaux pour rembourser les prêts reçus du FMI et de ses partenaires européens, prêts utilisés pour rembourser d’autres prêts, contractés avec de l’argent emprunté à des investisseurs privés. Si vous n’y comprenez rien c’est que vous avez tout compris.

Mais si vous y comprenez quelque chose, vous comprendrez peut-etre deux autres questions soulevées par l’accord. La première est celle de savoir comment on peut stimuler la croissance avec un train de mesure qui inclut :

-la réduction des pensions supérieures à 1500 euros par mois

-une limitation des allocations chômage à 1048 euros par mois pour 18 mois au lieu des trois années actuelles

-des coupes dans la couvertue santé

-un gel des salaires du secteur public

-une augmentation de droits d’acises

Si vous doutez que ces mesures puissent ramener le deficit budgétaire de 9,1% du PIB à 3% en 2013 dans un pays sur le point de passer d’une croissance proche de zéro à un déclin significatif, vous n’êtes pas le seul. Le système éducatif du Portugal est parmi les pires d’Europe, ses travailleurs sont largement sous-qualifiés, son marché du travail est rigide. Son économie n’est pas compétitive face à l’Europe Centrale, encore moins  face à la Chine et aux autres pays asiatiques. Cela explique pourquoi la croissance du Portugal a été suelement de 1% par en en moyenne durant la dernière décennie, et le taux de chômage supérieur à 11%.

Les mesures adoptées pour réaliser ce que Poul Thomsen, chef de la mission du FMI au Portugal, appelle «  un rythme d’ajustement décidé et ambitieux quels que soient les critères retenus » causera une contraction de plus de 2% de l’activité entre cette année et l’an prochain. C’est ce que prévoit maintenant le Ministre des Finances Portugais Fernando Teixeira dos Santos, en remplacement des 0,9% et 0,3% de croissance qu’il avait annoncés respectivement pour 2011 et 2012, avant l’approbation provisoire du sauvetage.

Que l’activité recule tandis que le pays croûle sous la dette indique qu’une restructuration est probable dans le futur du Portugal. C’est ce que les marchés ont commencé à réaliser : quand l’accord a été annoncé les obligations d’Etat Portugaises sont montées de 16 points de base et ont atteint 9,68%, soit 6,52 points de plus que les obligations d’Etat allemandes.

La seconde question difficile à comprendre dans le plan de sauvetage est qu’environ 15% seront utilisés pour soutenir les banques sous capitalisées du pays. Les banques dans la tourmente seront recapitalisées avec l’argent de l’Etat s’ils elles échouent à lever assez de fonds sur le marché pour leurs fonds propres de première catégorie- la mesure de la solidité d’une banque- à 9% cette année et 10% d’ici la fin de 2012. Le gouvernement émettra jusqu’à 35 milliards d’euros d’obligations couvertes par l’Etat si, comme on peut s’y attendre, le secteur privé ne voit pas l’investissement dans les banques portugaises comme l’opportunité juteuse à saisir à tout prix. On ne nous explique pas pourquoi la garantie par un gouvernement d’une économie surendettée et en recul encouragerait-elle les investisseurs à fournir des liquidités à des banques qui vivent sous perfusion de la Banque Centrale Européenne.

Le gouvernement sortant comme le parti d’opposition se sont, d’après la rumeur, mis d’accord là-dessus. Compréhensible, vue la situation dans laquelle se trouve le Portugal, et la tendance des politiciens à « shooter la canette un peu plus loin sur la route », pour reprendre l’expression favorite du Président Barack Obama quand il s’agit de discréditer ses opposants, sans se rendre compte qu’il est le chef des shooteurs de canettes d’Amérique. Mais il semble que ce soit un tour de force pour le Premier Ministre José Socrates, candidat à sa propre ré-élection le 5 Juin, de glousser que le plan de sauvetage « est un succès ».

Il semble à sa place dans le monde de la zone euro, allergique à la réalité. La Ministre des Finances Française, Christine Lagarde, affirme que la restructuration de la dette d’un quelconque pays de la zone euro n’est même pas au programme. Jean-Claude Juncker, du Luxembourg, président de l’Eurogroupe, est d’accord, bien qu’il soit ouvert à « des ajustement ultérieurs » dans le langage employé concernant le sauvetage grec. Mieux vaut ça qu’une restructuration de la dette grecque élaborée par les fonctionnaires allemands et grecs, ou qu’un abandon de l’euro pour la bonne vieille drachme, comme le prédisait la rumeur à la fin de la semaine dernière. Parce que s’il y a restructuration ou sortie de l’euro du côté de la Grèce, le Portugal ne risque-t-il pas de suivre?

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