Un autre capitalisme n’est pas possible par rémy herrera

Le dernier livre de remy Herrera n’est pas facile, mais il est incontournable pour qui veut un peu se repérer dans le maquis des différents diktats économiques qui nous tombent dessus sans que nous puissions toujours deviner ce qui relève du fatalisme scientifico-technico-économique et ce qui relève d’un choix citoyen. « Se repérer », cela ne suffit pas pour dire l’ambition de ce livre. Rémy Herrera est un de nos auteurs marxistes parmi les plus brillants, un individu rare dans sa génération. Il enseigne l’économie à la Sorbonne, et comme il  s’agit d’un point de vue marxiste, le projet de ce livre est de passer de la critique au combat pour transformer le monde, pour dépasser (abolir et conserver) un capitalisme qui n’a pas de relève possible. Le pari est réussi, « l’arme de la critique n’a pas effacé la nécessité de   la critiques des armes… »


Disons que depuis une trentaine d’années (ce que l’on appelle l’ère néo-libérale), tout y compris la production académique, les médias, et donc un large public de non spécialistes, les politiques y compris de gauche partagent une vision dont le postulat de base est que les phénomènes socio-économiques peuvent et doivent être expliqués à partir des seuls comportements individuels à la recherche de leurs interêts et que ceux-ci, par les seuls mécanismes du marché, sont à même de conduire la société vers une harmonie collective. Pour ces « théoriciens »l n’y a plus de capitalisme, il n’y a plus que l’économie de marché, la main invisible qui rétablit les équilibres, ce qui repose nous dit rémy herrera sur une « dénégation » têtue: la crise n’existe pas. Alors Rémy herrera, à partir d’une problématique marxiste qui fait du capital non pas de l’argent, ou un autre objet, mais un rapport social démontre d’abord la non scientificité de l’hypothèse de base sur « l’individualisme méthodologique » et les autrse théories qui vont de l’assaut anarchique contre l’Etat à l’acceptation de son rôle « régulateur » mais toujours pour le plus grand profit du capital. Ensuite, la démonstration de la non scientificité étant accomplie, il démontre  le fait qu’il s’agit bien d’un système totalement réactionnaire et sans issue. La seule chose qui le maintient est la croyance en son caractère incontournable, la manière dont les dirigeants de gauche sont pétrifiés devant sa domination. 
 

Dans une première partie, un peu savante pour qui ignore tout des écoles économiques et de la théorie néoclassique, Remy Herrera se livre avec brio à la démolition en règle de ces nouveaux modèles de croissance, « critiquables radicalement par l’arbitraire de leurs méthodes, la vulnérabilité de leur socle théorique et la confusion des tentatives de vérification empirique que par les propositions nettement réactionnaires que leurs conclusions véhiculent. L’essentiel réside cependant dans les fonctions non scientifique de la théorie néoclassique, soit là même où se découvre son point de contact avec la politique du néolibéralisme.(..) Dés lors l’Etat n’est plus mobilisé que pour encourager cette accumulation, dans une logique du profit« . (p.55).
A partir de ce constat, Rémy Herrera qui a démonté la pseudo scientificité de la théorie dominante, celle qui s’est imposé pratiquement sans concurrence y compris chez les dirigeants de gauche et dans les cercles académiques, va effectivement démontrer les points de contact avec cette « science » et l’extrême-droite et ceci des les fonds baptismaux qui, comme on le sait eurent lieu sous l’égide de Pinochet au Chili.
 
Rémy Herrera démonte en particulier le rôle de l’Etat, son caractère on l’a vu au Chili parfois dictatorial et en tous les cas toujours répressif des intérêts populaires, ce rôle est simple et unique: il s’agit à la fois de démanteler un service public et d’être totalement l’Etat du capital qui appuie un marché aujourd’hui totalement sous la coupe des transationale. Il donne des exemples précis, convainquants qui vont de la Défense de plus en plus privatisée, échappant de fait à tout contrôle citoyen au gros morceau à savoir l’éducation. Si l’on sait que le total des dépenses d’éducation dans le monde dépasserait 2000 milliards de dollars, dont une large majorité provient des budgets publics. les profits attendus par les firmes multinationales d’une manchardisation plus poussée de ce secteur sont gigantesques.

Tout ce qui analysé en divers points du livre dans ce domaine est passionnant. on mesure comment il y a à la fois destruction du service public que l’on asphyxie, multinationales aux aguets et intervenant déjà massivement et discours pseudo scientifique, démonstration sur la nécessité de respecter les choix individuels. L’économiste néo-classique intervient sur tous les plateaux de télévision pour expliquer à quel point la bureaucratie étatique est incompétente, l’école publique est nulle, et ils ajoutent que l’on doit respecter le choix individuel de celui qui a payé des impôts et qui souhaite les voir attribué à l’école de son choix : une école privée.

Puisque les pays qui réussiront « seront ceux qui auront su améliorer le fonctionnement des marchés et exploiter le pouvoir du savoir pour éclairer l’existence de tout un chacun » Les mesures préconisée coulent alors de source: 1) mise en concurrence et privatisation comme remède aux défaillances des monopoles d’Etat, lesquels entraveraient l’offre, 2) promotion de l’éducation privée, 3) recherche publique place sous la tutelle des marchés ».

Ce qui est tout à fait éclairent dans cette analyse, et  que le terme de néolibéralisme nous masque souvent,  est le fait que le capital comme ses théoriciens néo-classiques ont tous bien compris que le système capitaliste, en crise structurelle ne pourra être sauvé sans l’Etat. Cet Etat est d’abord indispensable pour privatiser ses fonctions. On vient de le voir à propos de l’école mais Rémy herrera analyse également la privatisation des activités de défense: « la part dans la structure de propriété du capital des grands groupes de l’armement détenue par des investissements institutionnels, eux mêmes contrôlés par les oligopoles bancaires et financiers, tend à s’accroître au cours des dernières années. le reste n’en est que la conséquence: débauchage de responsables de l’Etat par ces sociétés, participation au travers de portefeuille boursiers d’honnêtes citoyens- sans même le savoir- au capital de compagnies de mercenaires coupables d’exactions aux quatre coins du monde, douteuses cohabitation d’actionnaires, scandales divers et nauséabonds » (P.75) Voilà j’ai enfin ma réponse pourquoi la question de la guerre et de la paix ne concerne plus le citoyen français et pourquoi les médias n’en parlent plus.

Il faudrait également présenter les pages passionnantes sur la crise financière, les défis auxquels sont confrontés les gouvernants de « gauche » avec la crise dite financière, Rémy Herrera propose le terme de « capital fictif » ce qui ne veut pas dire irréel mais qui peut jouer à des jeux spéculatifs à cause des multiples mécanismes de « crédit ». C’est tout à fait éclairant et expliqué à la fois d’une manière théorique (marxiste) et trés concrète. C’est même parfois trés drôle surtout quand il s’agit de décrire les collègues économistes et la manière dont ils aboutissent à un véritable déni de réalité. En tous les cas, lisez le ce sera peut-être la première fois où vous aurez la chance d’avoir quelques fulgurances quand vous entendrez les économistes de choc vous raconter n’importe quoi sur un plateau de télé, ou madame Lagarde au meilleur de sa forme.

Mais le plus passionnant de ce livre et je vous laisse le découvrir quand vous l’aurez acheté et lu, c’est l’analyse des politiques de « gauche » par exemple celle mise en oeuvre par françois Mitterrand(p.127) ou dans un tout autre genre celle de Hugo Chavez(p.169) ou encore le modèle brésilien de Lula.En commençant au titre des leurres de gauche par Obama. Rémy ne leur passe rien… Même Chavez même s’il réserve légitimement l’essentiel de la critique à Obama..; et Mitterrand…

C’est un livre on le voit essentiel, je dois dire que j’ai presqu’envie  de vous conseiller la lecture à la manière dont Althusser proposait de lire le livre I du capital, en sautant toute la première partie sur la valeur où Marx avait été trop inspiré par hegel, et de passer directement à l’analyse de la plus value. Dans le cas du livre de rémy herrera, il s’agirait de passer directement à l’analyse de la crise systémique, c’est-àdire la deuxième partie, l’analyse des politiques de gauche intitulé : « pratique. la gauche, c’est par où déjà? tourner trois fois à droite… »(p.102) Un régal… Mais je n’ai jamais été d’accord avec la méthode de lecture reccommandée par Althusser et je crois que la plus value doit être comprise à partir de l’analyse de la valeur. En ce qui concerne le livre de rémy herrera si l’on ne le lit pas depuis le début, malgré la difficulté des deux premiers chapitres, on perdra ce qui fait l’originalité de ce travail. Rémy herrera eszt inctontestablement un chercheur qui maîtrise autant sinon plus que bien de ses collègues universitaires les formalisations mathématiques (il nous les économise rassurez-vous) et tout l’appareillage pseudo scientifique et il les combat de l’intérieur, il en démontre la non scientificité avant de leur dire: maibntenant parlons clair vous faites de la politique et une politique réactionnaire parce que le capitalisme que vous prétendez soutenir n’est qu’une force réactionnaire et à ce titre destructrice: un autre capitalisme n’est pas possible.

Danielle bleitrach

Rémy Herrera, un autre capitalisme n’est pas possible, Sylleps, construire les alternatives, Paris, 2010, 204 pages, 20 E

4 commentaires

  1. Bonsoir, puisqu’il s’agit d’une force réactionnaire, je pose la question suivante: de quel action est née cette réaction? Même régulé, un Etat a besoin d’impôts et par réaction a besoin d’un marché pour assurer ses missions. Le marché, c’est le commerce et les échanges, ils existent depuis la nuit des temps bien avant que naissent et malheureusement de façon inapproprié les termes capitalisme et communisme. C’est encore une fois, la versatilité de l’humanité qui perdure au détriment de sa propre descendance. Bonne soirée.

  2. Bonjour,

    Je me permets de conseiller aussi un livre qui traite un peu du même sujet quoique par un abord un peu différent :

    Pierre Dardot, Christian Laval, La nouvelle raison du monde, La découverte, 2009.

    Il est bien question de nouvelle « rationalité » du monde, et les auteurs montrent en quoi le « néo »-libéralisme n’a en définitive pas grand rapport avec le libéralisme, rappels historiques à l’appui.

    On y apprend par exemple, pour répondre à vox343, que le nouveau rôle de l’Etat est avant tout d’assurer la concurrence libre et non faussée. Ce qui suppose juste que l’Etat soit source du droit en la matière et qu’il maintienne l’ordre aussi bien économique que social. Toutes ses autres missions habituelles sont alors caduques et livrées au privé. Mieux, l’Etat lui-même doit se considérer comme une entreprise en concurrence avec les autres, privées, et s’organiser comme telle…

    En dernier ressort, tout devient marchandise, y compris les individus, qui deviennent entrepreneurs d’eux-mêmes, en concurrence libre et non faussée avec les autres individus…

    Je résume très mal et le bouquin est beaucoup plus riche que ce que je peux en dire.

    On peut trouver quelques entretiens avec les auteurs ici :
    http://jaidulouperunepisode.org/006_Laval_toutes_les_interviews.htm

    A+

  3. je voudrais signaler à ceux qui habitent la région marseillaise, voir la région PACA que comme je l’avais indiqué déjà, nous organisons avec un groupe d’amis un débat sur « la perspective politique ». Ces amis en effet sont comme nous tous, et -comme ils sont jeunes- peut-être encore plus que moi, préoccupés par le vide abyssal organisationnel auquel ils sont confrontés.

    j’y reviendrai, voici déjà l’adresse et la date du rendez vous (le 30 avril à partir de 19 heures) et quelques mots extraits de leur invitation, parce que ces amis ont eux-mêmes des idées et des inquiétudes. Ils sont en général salariés, confrontés à des conditions de travail qui se dégradent et à la solitude de l’absence d’organisation digne de ce nom. Ils ont tenté diverses expériences, ils ont découvert partout des partis électoralistes, désorganisés, autour de personnalités qui en dehors de leur propre promotion n’avaiten pas grand chose à proposer. Comment expliquer leur profil non exclusif d’autres, le mien en particulier: ils sont d’abord contre l’Europe, ils ne supportent plus cette perte de souveraineté au profit du capital qui détruit leur vie et leur avenir. Ils sont effrayés par la manière dont dans les partis dit de gauche il y a un abandon total de l’hypothèse socialiste voir communiste comme émancipation face au capital, la manière de » se réfugier dans le sociétal, dans la défense des moeurs, aux dépends de la lutte des classes, l’absence de formation, de militantisme réel, seulement un médiocre activisme éléctoral, l’abandon des quartiers populaires, des entreprises, le peuple laissé à l’extrême-droite…

    Les guerres privatisées au profit du capital, le silence, l’impuissance, ce qu’ils dénoncent comme un « totalitarisme » et face à laquelle ils veulent réfléchir aux conditions d’une résistance. je partage beaucoup de leurs inquiétudes, c’est pour cela que nous avons décidé de cette rencontre. En ce qui me concerne, j’espère qu’elle sera suivie d’autres, en particulier ce qui me préoccupe est la transmission du « savoir » politique, et des rencontres autour de ceux qui continuent à porter une problématique marxiste, chercheurs et autres. Peur-être que je me trompe, et il faut en discuter, mais je crois que la situation ne peut que se dégrader et donc je partage leur idée de résistance. Leur attitude de générosité personnelle, d’engagement total m’intéresse également parce que je crois que c’est au prix du sacrifice total d’une minorité militante que l’on peut reconstruire une résistance de masse, à la manière des Cubains, sans modèle mais avec l’exemple d’un combat désintéressé. Je n’ai pas de solution mais quelques idées, d’autres également, parfois contradictoires avec les miennes.

    Donc voilà, si réfléchir ensemble dans notre région à tout cela vous intéresse, téléphonez au numéro indiqué, inscrivez-vous:

    Force est de constater qu’il n’y a pas aujourd’hui de force politique formée et organisée pour résister réellement à ce totalitarisme.

    Nous vous proposons de nous réunir

    autour du thème :

    QUE FAIRE?

    pour créer concrètement cette résistance

    ne serait-ce qu’au niveau local

    LE VENDREDI 30 AVRIL 2010

    à 19H00

    Au

    16 bis rue de la Fourane

    13090 AIX EN PROVENCE

    Contacte téléphonique : 06 50 46 51 41

    Cet horaires coincidant avec le repas du soir,nous vous proposons que chacun amène quelque chose pour que nous nous restaurions collectivement.

    Voilà donc ma proposition de soutien de cette initiative.Par parenthèse si certains amis, un petit nombre veulent venir, à condition que ce ne soit pas woodstock on peut s’arranger, je pense à vous Astrée et Marc… et à d’autres n’est pas PAM et Pascal… Et bien d’autres aussi ont des idées, des expériences, le tout est d’être prêts à s’écouter sans fourguer tout de suite « sa marchandise »… parce que personnellement je sais ce que je ne supporte plus, les gourous , les groupuscules avec leur vademecum tout prêt autour du grand homme, les jalousies, les mesquineries liées à l’absence de perspective. En ce qui me concerne donc pas question d’une organisation de plus, que chacun reste où il est mais sans « esprit de parti devenu esprit partisan » qui interdit la réflexion collective… mais des actions concrètes sur ce qui paraît important et surtout la confrontation. Après on verra…

    Il y a dans mon attitude un paradoxe, ce n’est pas un hasard si j’ai placé cette invitation sous le compte-rendu du livre de Rémy Herrera. Bien sûr qu’il existe d’autres livres sur le sujet, sur l’analyse encore que celle-ci soit plus « sérieuse » que bien des discours sur le sujet, mais ce qui la rend importante c’est justement la dénonciation de l’hypothèse de « l’individualisme », le capital est un rapport social, il faut en tirer les leçons, c’est un rapport social d’exploitation et donc la lutte que l’on mène contre lui a besoin d’être recentré sur l’organisation collective contre lui, la patrie et la lutte des classes. Ma France que chantait Ferrat, celle des travailleurs, l’internationaliste contre la mondialisation capitaliste…

    Donc il y a quelque paradoxe de ma part si je suis consciente de cela à repousser l’idée d’organisation, c’est parce que cela me paraît justement essentiel et la chose la plus difficle qui soit. Comme le disait Fidel en citant Cespedes, le « père de la patrie »‘cubaine, il suffit de 12 hommes décidés pour faire la Révolution, étant bien entendu qu’il s’agit d’êtres humains pas nécessairement des êtres masculins.
    Danielle Bleitrach

  4. Francis juchereau qui a toujours des choses pertinentes à dire mais qui ne sait pas les inscrire sur ce blog (dieu sait pourquoi?) m’a envoyé ce texte à verser dans le débat. je le fais volontiers mais je demande de bénéficier d’un tour supplémentaire de réponse (j’essaye d’alterner (moi et les autres) pour éviter qu’une seule personne paraisse monopoliser mais je voudrais bien répondre sur la question de l’Etat palestinien.

    Bonjour,
    Depuis deux ans, un mouvement est devenu visible dans le monde intellectuel académique, universitaire notamment, ce qui est réjouissant. Des chercheurs comme Rémy Herrera, leurs hypothèses, thèses et analyses sur l’impasse, voire la fin du capitalisme et l’après capitalisme commencent à être visibles et audibles. Avec la radicalisation de la crise économique et la prise de conscience de la crise écologique, qui se généralise et entre dans une phase aiguë, leurs voix commencent à percer les murs de la grande édition et des grands médias – cf le succès de l’émission de Taddéï où des figures importantes de la pensée anticapitalistes ont droit de cité. En économie, l’école néo libérale (de la « fin de l’Histoire » par la société et l’anthropologie de marché qui avait balayé une autre téléologie de la « fin de l’histoire », celle d’un certain communisme (vulgate), est remise fondamentalement en question par la conjugaison de la double réalité de cette crise qui prend les allures d’une crise finale. A mon sens, la crise économique, bien appréhendée semble-t-il par Herrera (les outils marxiens sont efficaces pour cela) et d’autres, ne suffit pas. C’est la crise écologique qui montre les limites historiques du capitalisme (cf l’article testament d’André Gorz de 2007 « le travail dans la sortie du capitalisme alias la sortie du capitalisme a déjà commencé »). Mais cet après capitalisme qui se profile (voir Immanuel Walerstein « L’utopistique ») peut prendre des allures de catastrophes, politique, sociale et anthropologique (généralisation de gouvernances dictatoriales ou extinction de l’espèce humaine) ou au contraire se présenter comme un mieux social, politique et écologique pour les générations à venir. L’enjeu est clair, la tâche immense.
    « Groupons-nous et demain… ! »
    Fraternellement
    Francis


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