Il y en a assez du féminisme de classe moyenne

Carrie Hamilton
The Guardian

je partage bien des remarques de cette analyse en particulier le fait que le féminisme tel qu’il se pratique est une manière de limiter les femmes à être les « personnes du sexe »  et rien d’autre.Mais je voudrais prolonger l’analyse sur le fait que le féminisme aujourd’hui comme d’autres mouvements nécessaires est pris dans une vague  globale réactionnaire qui fait du féminisme un communautarisme de plus, basé sur l’individualisme, la négation de tout engagement collectif contre le capitalisme. Le contraire du féminisme historique d’une Clara zetkin.  je voudrais ajouter que la négation des luttes réelles des femmes dans le temps comme dans l’espace est insupportable. A titre d’exemple il faut  citer la manière dont on a transformé cette réactionnaire royaliste d’Olympes de Gouges en porte-parole du féminisme.  Si cette « militante » feuillant a été exécutée ce n’est pas à cause de son féminisme mais parce qu’elle défendait le roi alors que les troupes ennemies des rois coalisés prétendaient imposer aux révolutionnaires leur soumission à leur « cousin » Louis XVI(1).Que la droite et les sociaux démocrates s’emparent du personnage passe encore mais que les communistes en fassent autant, cela relève d’une déchéance du PCF qui s’intéresse plus à l’image sur une boîte de camembert qu’à la situation réelle des femmes.  Est-ce  qu’on va faire  de Charlotte Corday une héroïne féministe? . Tout cela est digne de l’incurie intellectuelle, de la renonciation à l’Histoire et d’un féminisme contre la Révolution des masses. Bref de ce « féminisme » dit de la classe moyenne, mais surtout bourgeois, qui veut faire du combat des femmes un combat « communautariste », quitte à l’utiliser pour légitimer  des invasions qui font leur malheur comme dans le cas des femmes afghanes. Il  mérite une critique radicale, qui ne peut d’ailleurs que l’aider. Parce que le problème n’est pas de condamner ce feminisme, ce qui serait aussi absurde que ceux qui ont condamné les sufragettes bourgeoises, mais bien de donner à tous les feminismes une véritable perspective de lutte contre les violences que subissent les êtres humains. Note et traduction de danielle Bleitrach.


Le féminisme académique urbain, été obsédé de l’abolition des cabarets et des revues pornographiques pour les « messieurs », il est incapable de voir la forêt.

Le documentaire récent de la BBC « Mère », diffusé en quatres parties, a été conçu pour faire pleurer de désespoir n’importe quelle féministe expérimentée. Après la première émission de rigueur sur les  féministes célèbres de la deuxième vague, et de l’émoi  dans la deuxième semaine sur le sujet des mères consommatrices post-féministes, il était nécessaire de voir la fin. Les « activistes » ont promis célébrer la résurgence de l’activisme féministe dans l’ Angleterre d’aujourd’hui. Il est très malheureux que ce nouveau féminisme  apparaîsse seulement comme celui d’ petit groupe de femmes londoniennes qui ont attiré l’attention des médias pendant ces dernières années avec une consigne unique : dénoncer la violence contre les femmes.

On peut parcourir de long en large la planète et l’on ne trouvera pas une seule féministe qui ne soit pas indignée par la violence sexuelle et domestique, ainsi que de la complicité évidente, écrasante des gouvernements et des policiers ou du système judiciaire qui perpétue la violence en protégeant les auteurs de ces crimes.   Il est donc correct  que la violence contre les femmes soit  la plus grande préoccupation des mouvements féministes. Cependant, ce grave problème ne peut pas être entendu – ni affronté – sans le mettre en relation avec d’autres formes de violence ou d’oppression, comme le racisme, les lois qui restreignent le travail et la migration, et la pauvreté. Mais les groupes caractérisés comme « des activistes » – Object et London Feminist Networ k –  réfléchissent toujours à la violence exercée sur les femmes en l’isolant . Il y a des  milliers de choses à dire sur la manière dans laquelle les médias changent les femmes en objets mais, étrangement, peu à  dire sur la surconsommation ou sur le capitalisme. 

 Les sujets préférés de ces organisations semblent être les cabarets, la pornographie, les revues le porno pour les hommes et l’industrie du sexe en général. C’est une tendance croissante du féminisme de classe moyenne : les Feminist writers et les bloggers can’t seem to get enough de prostitution et de pornographie. Mais, pour la majorité des femmes ce ne sont pas les sujets les plus importants. Pourquoi une travailleuse du sexe incarne-t-elle mieux sexisme qu’une femme professionnelle compétentequi doit renoncer à une promotion en face d’un collègue homme plus jeune?   Ou une jeune fille qui ne reçoit pas l’éducation qu’elle mérite parce que sa famille est trop pauvre pour jouer le postcode lottery [cette expression est née pour rapporter à l’impossibilité d’accéder au traitement de HIV de la part des pauvres familles, et ielle signifie que le lieu dans lequel on vit  détermine la qualité et l’accès à l’attention de la santé. n.de T] ou pour payer les cotisations ? Ou qu’qu’une femme immigrante qui a son fils enfermé dans un centre de détention?
 Les problèmes sérieux de violence contre des femmes, et l’oppression sexiste en général, semblent grossièrement simplifiés quand on leur associe  constamment à l’industrie du sexe. Les campagne féministes pour éliminer le travail sexuel sous le prétexte qu’il s’agit de la même chose  que la violence contre les femmes ne sont pas seulement négatives mauvaises pour les travailleuses du sexe celles qu’elles désirent protéger; c’est aussi une chose mauvaise pour le féminisme.

Centrer l’attention sur la violence  machiste exercée sur les femmes est mauvais pour le féminisme parce qu’il place les femmes avant tout dans une position de victimes, tandis que cela octroie un pouvoir à la police masculine et aux hommes politiques pour qu’ils  nous « protègent » des « hommes mauvais ». Nous retrocèdons au modèle creux de deux genres opposés : un homme – masculin-agressif contre la  femme – la femme innocente passive. Ceci empêche l’analyse – et par cela même, une opposition politique effective  – sur la manière àtravers laquelle la violence contre les femmes se rattache à d’autres formes de  violence que subissent les femmes (et des hommes). Mais, avant tout, c’est mauvais pour le féminisme parce que cela limite  les expériences féminines au sexe et à lasexualité exclusivement dans des termes  de crainte et de danger, en réservant aux hommes le terrain privilégié du désir et du plaisir.

Dans les 25 dernières années, tous ceux qui avons suivi de près cette question nous avons perçu les échos des débats féministes sur « les guerres des sexes » des années 80. Le plus déprimant de cette histoire répétée consiste en ce que les groupes comme Object et LFN ignorent la richesse de la théorie féministe de la représentation, du désir et de la sexualité, et aussi les études des intersections entre un sexisme, racisme et les classes sociales qui ont été réalisées depuis  quelques décennies.
  Un retour du dialogue entre le féminisme académique et l’activisme pourrait nous aider à comprendre pourquoi tant de jeunes femmes d’aujourd’hui se sentent attirées par les formes de féminisme qui soulignent la violence masculine sur les femmes, sur n’importe quelle autre forme de sexisme. D’autres personnes ont observé que les actuels groupes de jeunes féministes en Angleterre sont composés par des femmes « prédominamment blanches, d’une classe moyenne et des étudiantes ». Pourquoi  ces femmes privilégiées sont-elles attirées par un mouvement qui les place d’abord et fondamentalement comme des victimes du patriarcat ?

 Il y a heureusement beaucoup d’autres féministes, qui ont des origines sociales  différentes et appartiennent à d’autres  générations , qui cherchent ce qui unit la violence contre des femmes à d’autres oppressions. Un groupe  a récemment rédigé un Manifeste pour un Féminisme du XXIe siècle, dans lequel ellesmettent l’accent sur l’exploitation des femmes dans toutes les formes du marché de travail et pas seulement dans l’industrie du sexe, et elles reconnaissent que le sexualisation de la société fait partie du capitalisme consommateur d’aujourd’hui. C’est le type de féminisme dont nous avons besoin de la renaissance aujourd’hui.
Carrie Hamilton est une activite féministe britannique, professeur dans l’Ecole des Arts  de L’Université  Roehampton en Londres, où elle est directrice du  Centre for Research in Sex, Gender and Sexuality (SeGS).

Traducción para www.sinpermiso,info : María Julia Bertomeu
Tomado de: http://www.sinpermiso.info/textos/index.php?id=3225

(1) on oublie en revanche que Robespierre, un de ses adversaires pour des raisons politiques, s’était prononcé avec un petit groupe de députés pour le droit de vote des femmes. Pourquoi avoir réservé à Olympes de Gouges le monopole du féminisme sous la révolution et avoir complètement occulté celui d’un Claire lacombe, sinon que l’une était royaliste et vivant entretenue d’une manière « bourgeoise » alors que l’autre était une fille du peuple, une enragée et à ce titre elle s’opposa aussi aux jacobins, et lors de son procès défendit la cause des femmes. Pourquoi peut-être pour cette « déclaration des droits de la femme qui fut dédiée… à Marie Antoinette.  je ne me souviens plus trés bien si c’est Olympe de Gouges ou théroigne de méricourt (mais je suis a peu près sûre que ce fut Olympe) qui fit un défilé déguisé jusqu’à l’assemblée nationale après l’assassinat du maire d’Etampes par le peuple révolté de cette ville qui accusait le dit maire d’être un accapareur alors que le peuple crevait littéralement de faim. Donc la dite Olympe était venue avec quelques autres écervelées en grand voile de deuil demander le châtiment des meurtriers. C’est ce qui devient aujourd’hui sa protestation contre la violence révolutionnaire… contre quasiment , j’invente à peine, le totalitarisme stalinien des révolutionnaires qui eux se prononçaient dans cette affaire sinon contre le maire d’Etampes à tout le moins pour une comprehension des affamés.

4 commentaires

  1. Excellent article que je vais faire tourner même si la pique sur les socdems est un peu superflue et injuste

  2. Merci, mais je ne vois pas en quoi la pique sur les socio-dem est injuste… Un exemple c’est dans leurs rangs qu’est né ni putes ni soumises qui a accordé une large et quasi excluive publicité aux « tournantes » et au « voile » comme symboles de l’oppresion « machiste » des banlieues, je ne nie pas que cela existe, mais si l’on ne relie pas ces phénomènes à l’oppression plus large on se retrouve dans le gouvernement de sarkozy… Parce que le capitalisme néo-libéral a eu et a encore l’art de récupérer toutes les luttes isolées de la question de l’impérialisme et du capitalisme… rriver d’ailleurs à les isoler est d’ailleurs un véritable « travail »…Auquel je confirme que la social démocratie et en particulier « la génération  » mitterrand a apporté une grande contribution comme au thème de la démocratie et de l’ingérence humanitaire, tout cela avance ensemble.
    Et enfin, il faut lire le chapitre que Remy Herrera consacre à la politique de Françaois Mitterrand, celui qui a ouvert les vannes au néolibéralisme: or j’affirme que la question du service public est centrale pour la condition fémine. C’est à partir du service public que l’on a pu mener un combat plus égalitaire pour les salaires, pour la protection sociale des femmes, de leurs enfants. sans service public de santé et d’éducation les femmes ne sont pas libérées économiquement mais astreintes au seul travail domestique… Enfin, il suffit de voir dans l’actualité le cas de cette pauvre mère affligée d’un fils malade mental qui a poussé un homme sous les rails du métro et qui se plaint de se heurter au refus d’aide de la police, de l’absence de place dans les hopitaux, une femme dans ce cas est seule, souvent abandonnée par le conjoint et les amis sans parler des parents… La destruction des services publics, la violence elle sait ce que c’est…
    Danielle Bleitrach

  3. Une très bonne analyse, nous avons exactement ce problème en Suède. On voit ici de plus en plus de « féministes libéraux » qui se disent ne pas aimer ni le machisme ni le mot inégalité. Ils s’enlisent dans des discours où un voile couvrant les cheveux serait une violence et « le droit à l’emploi » doit être soutenu par l’état par un système de bonnes subventionnées (je ne parle pas du système déjà éxistant servant les retraités et les handicapés mais unn système parallèle pour les classes moyennes et supérieures).

    Ce que je vois d’inquiétant est l’usage des musulmanes dans une lutte autosuffisante et démonisant. Il y a peu de temps nous avons eu un débat d’inspiration francaise sur la burqa (bien que seulement 2 femmes, dans toute l’histoire du pays, ont été licenciées ou renvoyées de la fac à cause d’un niqab. Burqa, jamais vue). Quelques semaines après, Sverigedemokraterna, notre FN à nous, sont au-dessus du seuil pour entrer dans l’assemblée nationale, et quant au FN … Il y a un rapport étroit là, où nos deux gouvernemennts prèfèrent des votes à l’extrême-droite ou à une gauche contente des lois « féministes » sur le voile et l’islam.

    /AM

  4. Bien d’accord avec toute cette analyse, même si je pense que se battre contre les violences machismes n’est pas antagoniste à la lutte féministe et « de classe »…
    Toute violence qui s’exerce contre une catégorie particulière ou ethnie entière relève de conduites réactionnaires et fascisantes.
    La droite passe son temps à récupérer les mouvements qui naissent car le capitalisme sait qu’il lui faut l’assentiment d’une majorité pour régner, or les femmes sont la moitié de l’humanité. C’est à ce titre que nous sommes une force, d’ailleurs, qui se bat aux côtés des hommes pour leur, notre, émancipation à tous et contre l’exploitation. Une fois qu’on a évoqué ces deux aspects principaux sur lesquels sont bâtis la lutte et l’inégalité, on peut même se dire qu’un parti qui ne serait pas féministe actuellement serait carrément de droite extrême.
    Les femmes qui travaillent aujourd’hui ne veulent plus d’enfants, pour se réaliser totalement, je crois que la droite a compris le signal en accordant les fameuses 20 semaines de congé maternité en Europe… mais ce ne sera pas suffisant, je pense que l’agressivité actuelle contre les femmes prouve qu’elles sont en train de gagner et que les pouvoirs (souvent très machistes) doivent compter avec elles aujourd’hui. Ils tentent de les ramener à la cuisine. Y parviendront-ils, j’en doute.
    J’ai bon espoir. Et puis toutes les langues se délient, on finit par apprendre ce que sont les prêtres, ces plus fervents machistes, grâce auxquels il ne pourrait pas y avoir pouvoir idéologiques des hommes sur les femmes.
    Je crois que nous approchons des jours où la liberté sera totalement conquise, quand le capitalisme cèdera la place, pourri de contradictions internes ingérables. Les prêtres pédophiles en est une de taille par exemple. Quelle mère confiera ses enfants aux prêtres aujourd’hui?
    Les églises ne peuvent pas manquer de décroître, responsables qu’elles sont des pires sévices et de guerres.
    Les gens ont bien analysé aujourd’hui la capacité idéologique des états, fondée sur la religion. En un sens le combat outré, exagéré des islamistes nous sert. Il met en valeur le pire de la religion: le fanatisme qui semblait disparu…
    J’adore! Parler d’ailleurs de religions raisonnables est un paradoxe. La croyance n’a rien à voir avec la raison et elle peut même rendre fou.A Assise,en Italie, les milliers de chrétiens qui rendent leur culte à St François ressemblent à des hallucinés.ça fait peur, je vous assure, vu de l’extérieur.
    Voilà j’ai été un peu longue mais j’espère que tout s’enchaîne. Pas de féminisme sans lutte de classes c’est certain.
    Nous sommes toutes des « enragées »! Enfin, moi…


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