RETOUR SUR L’ATTAQUE DE LA CORVETTE COREENNE par Nicolas

Je suis assez contente que Nicolas ait repris cet article que j’avais inséré dans l’indifférence générale, il est en effet d’une grande importance pour qui veut comprendre les rapports de force dans le monde,  :
https://socio13.wordpress.com/2010/06/01/pekin-contre-lattitude-disrael-dans-un-nouveau-contexte-de-tension-avec-les-etats-unis/#comments
Est-ce un hasard si le thème est repris par Fidel dans sa dernière chronique qui pour une bonne part est centrée sur cette question comme elle l’a été recemment sur la drogue et l’Empire. Il y a quelque chose de parfaitement irritant dans le côté moutonnier de ce qui intéresse les gens. L’émotion face à ce qui s’est passé pour la flotille est légitime, mais ne pas tenter de voir les évidences en particulier que sans les Etats-Unis jamais israél n’agirait ainsi et que l’ennemi d’aujourd’hui est l’Iran, celui de demain est la Chine. Il m’arrive de me dire que je vais désormais consacrer la quasi-totalité des articles aux Etats-Unis et à la Chine pour développer l’intelligence stratégique de mes contemporains en évacuant si possible les émotions, parce que visiblement ni la Chine , ni les USA ne provoquent les passions suscitées par israël, le seul problème est que chacun croit savoir… On peut donc tenter d’apporter des informations et pas celles  où un clou chasse l’autre: tout sur le tremblement de terre de haïti puis tout sur la flotille et Israél tandis que Fidel lui n’oublie jamais l’essentiel: les Etats-Unis. note de danielle Bleitrach

Ce que les médias ne disent pas, c’est que même en Corée, le débat est vif entre les conservateurs (favorable à une politique intransigeante envers le Nord) et l’opposition de gauche (favorable à l’apaisement), sur fond d’élection. Même en Corée, les gens ne croient pas à la thèse de torpille nord-coréenne. L’opposition pose plusieurs questions :

– pourquoi le gouvernement sud coréen a-t-il tant hésité dans un premier temps à dénoncer le Nord (l’attaque remonte à fin mars)?

– comment se fait-il qu’apparaisse encore distinctement la marque à la peinture «numéro 1» sur une torpille déchiquetée ?

– pourquoi le Nord aurait-il laissé une telle signature ?

– pourquoi y a-t-il systématiquement des crises avec le Nord à la veille d’élections (un scrutin est prévu le 2 juin) ?

– pourquoi le gouvernement censure-t-il des sites d’information qui relayent ces interrogations ?

Sur le plan politique, le dictateur de la Corée du Nord n’aurait rien à gagner a provoquer une guerre. D’autant qu’en cas de provocation si grossière, il pourrait perdre le soutien de la Chine. Par contre le Pentagone a tout intérêt à entretenir la tension sur la zone car il existe de sérieuses menaces de réduction de ses crédits militaires. Qui dit tensions et mouvements de troupes dit maintient des crédits.

Sur le plan scientifique, il y a de nombreuses doutes sur la preuve. Je cite ici l’article de Morice :

« Une torpille, au goût de Golfe du Tonkin

Et voilà, on y est : la corvette Chenoan à peine relevée du fond où elle gisait, les militaires de Corée du Sud nous présentent sur un plateau la preuve de l’implication de la Corée du Nord, sous la forme des vestiges d’une torpille qui, selon eux, aurait été à l’origine de la catastrophe. Présentée lors d’une conférence de presse à laquelle assistait un vice-amiral américain, cette fameuse torpille est apparue fortuitement tel un lapin sorti du chapeau. Un peu trop vite, à mon goût : il a comme un arrière-goût de Golfe du Tonkin, cet engin de mort. Nul envie chez moi d’aider l’Ubu rouge, dont j’ai tracé naguère un portrait qu’on ne peut accuser de complaisant. Non, en aucune sorte : mais les va-t-en-guerre qui voudraient lui régler son compte seraient mieux tentés d’être plus crédibles, avec leur accusations : cette torpille n’a rien de nord-coréenne, et n’a pas été tirée il y a moins de deux mois. On a affaire à un montage
éhonté, à une opération de manipulation manifeste. La Corvette Chenoan a bien été envoyée par le fond, mais par autre chose que cet artefact grossier.

La première chose qui m’a intrigué et dont j’ai fait part en post sur un autre fil ici, c’est la présence sur les vestiges de la torpille montrée de ce qui semble être des balanes, ou des équivalents dont je n’ai pas le nom (je ne suis pas un spécialiste en fonds marins !). Visibles sur un cliché qui ouvre cet article. Je ne sais à quelle vitesse ces animaux se reproduisent et colonisent un rocher, mais leur présence sur les pales des deux hélices contra-rotatives de l’engin qui nous a été montré m’a assez interloqué. Revenons en effet à un calcul simple : la Corvette Chenoan a été envoyée par le fond le 26 mars seulement. Nous sommes le 20 mai. Entre les deux dates : 55 jours. Des balanes ou des animaux marins peuvent-ils en aussi peu de temps, au fond de l’eau, investir autant du métal ? J’en doute, à voir la colonisation visible, et j’en doute d’autant plus que sur les meilleurs clichés que j’ai pu observer, il semble bien qu’o
 n ait
gratté le surplus de coquilles ayant envahi l’arrière de la torpille. Visiblement, il y en a avait une épaisseur supérieure à celle qui reste aujourd’hui. C’est le premier point douteux, je dirais le plus flagrant. Cette torpille est plus ancienne que ce qu’on en a dit, c’est du moins ce qui semble.
 
Le deuxième, c’est de profil cette fois qu’il faut aller le chercher. Dans un autre document photographique, les sud-coréens et leurs amis américains et anglais nous montrent cette fois l’appareillage qui soutient les pales de direction de cette fameuse torpille. Très bien, c’est très visible, et on distingue même qu’un judicieux décrochage des arêtes de gouvernails sert probablement d’emplacement à un anneau chargé de canaliser le flux généré par les hélices et de minimiser la cavitation. Bien, à part que si l’on commence à feuilleter le catalogue des torpilles chinoises achetées par la Corée du Nord, pas un seul de ces appareillages arrière ne correspond à notre configuration passablement rouillée. La torpille YU-5 a deux hélices beaucoup plus grandes et nettement quadripales (à pales longues) , et elle est d’un format bien plus imposant. La YU-7 a des ailettes qui ne correspondent pas à l’arrière de notre modèle et sont doublet
d’hélice est tripale. La Yu-4 à un doublet tripale à pales bien détachées du corps, La YU-2 a un montage annulaire totalement différent, la YU-1 pourrait être la plus proche : mais elle date de 40 ans, et l’arrangement de ses gouvernails est totalement différent.
 
Ne reste alors que la YU-3 déclarée « meilleure candidate » par les « spécalistes US dont le dénommé Bae Myung-jin, professeur au « Sound Engineering Research Lab » de la Soongsil University, qui joue un peu les devins ou les rouletabille en déclarant sans hésiter que « par conséquent, nous présumons que la torpille a foncé sur le Cheonan à la vitesse de 65,7 km / h et a explosé sous l’eau à 2,3 m à partir du navire avec une puissance équivalente à 206 kg de TNT.  » Un spécialiste sorti du chapeau qui nous décrit tout ça grâce à des « relevés acoustiques » fournis par les sud-coréens, là je dis chapeau. Surtout qu’il a réussi à placer que la torpille avait touché la corvette sous l’eau, au cas ou au dernier moment elle aurait fait un double salto pour retomber sur le pont. Pour lui, c’est donc clair : c’est une torpille YU-3 et pas une autre. Celle dont on va nous montrer le plan, lors de l’exposé du jour… à plusieurs détails près. Car le
problème, c’est que la fameuse YU-3 a des pales triples et plus longues également, ainsi que des ailerons de directions montés en bout de gouvernail et non articulés par leur sommet : ce n’est donc pas celle-là non plus ! Aucune torpille chinoise ne correspond aux morceaux montrés, et surtout pas la YU-3 indiquée !
 
Quant au coup du « numéro de série » découvert sur les vestiges, on tombe dans le grotesque là, avec un plan comme on ne l’imagine plus : le coup du personnage haut placé qui fait dans l’aparté. « Un fonctionnaire de haut rang du gouvernement a déclaré la preuve découverte sur les lieux comprend une paire d’hélices, un arbre de propulsion et quatre gouvernails d’une torpille. « L’arbre de propulsion arbre porte le numéro de série « 1 » et le même nombre en Coréen. » S’il avait été gravé, pour sûr, on y aurait cru. Le hic, c’est que cette marque infaillible de « Coréennité »…. est une marque au feutre… indélébile (ou du moins il faut l’espérer personnellement, je suis persuadé que si on replonge la pièce dans l’eau… ça s’efface) !
 
Non, rien ne tient dans cette description hâtive : les éléments montrés ne correspondent pas à ce qui est décrit. Car il faut bien tenter de trouver d’où peut bien venir, ce bout de torpille. Pas du côté chinois, et donc pas chez les Coréens du Nord qui ne font leur marché qu’à Pékin. Non, ces éléments correspondent bien à un type de torpille : c’est la Mk-44, l’une des torpilles les plus répandues aux Etats-Unis. L’arrière et son doublet d’hélices à pales courtes, le montage des pales de direction et de l’anneau anti-cavitation qui vient s’articuler pile dessus, tout y est. On trouvait son prédécesseur MK43 accrochée sous l’aile des Skyraiders pendant la guerre du Viet-Nam.
 
On est donc en face d’un nouveau coup du Golfe du Tonkin, dont le père de Jim Morrison avait fait les frais dans sa carrière. Ici, nous avons aussi retrouvé le vice-amiral qui a tenu la conférence de presse pour annoncer à la face du monde que la Corée avait torpillé : il s’appelle Thomas J. Eccles, il est « Chief Engineer and Deputy Commander for Naval Systems Engineering, » au « Naval Sea Systems Command ». Autrement dit, ce n’est pas une buse de quartier. Mieux que ça : il doit sacrément s’y connaître, en torpilles, le bougre. Davantage qu’en beaux discours. Dans sa carrière, il a été nommé responsable de la gamme de sous-marins SeaWolf, tenez vous bien, depuis le lancement de… l’USS Jimmy Carter (SSN 23), puis est devenu responsable de « l’Advanced Undersea Systems », et responsable du projet Cutthroat (LSV 2), un sous-marin entièrement guidé, sorte de maquette imposante de classe SeaWolf. Drôle de jouet !
 
Notre ex-responsable du Jimmy Carter doit bien savoir ce qui s’est passé. Comme moi, il a feuilleté les photos de l’épave de la corvette coulée. Et en a trouvé une intrigante : celle où l’on voit son sonar, situé un peu en retrait de l’étrave, en dessous bien entendu du navire : profondément entaillé horizontalement par ce qui a dû être un câble. Les photos du relevage montrent que les sangles passées n’étaient pas à l’origine de ces dégâts et n’ont pas heurté le sonar. La corvette a profondément été entaillée par un câble disposé presque qu’à l’horizontale : on songe aussitôt à celui d’une mine flottante, dont un nombre considérable reste dans les parages : la corvette aurait attiré à elle la mine, qui aurait sauté à l’arrière, entraînée dans le sens de la marche par son câble qui cisaillait à ce moment là le sonar.
 
Car des choses ne sont pas à négliger : la corvette a été touchée alors qu’elle était en marche, à bonne ou à pleine vitesse. Un bloggueur intelligent fait remarquer, à propos de la version de la corvette : « la version ASW ? Voilà qui devrait mettre fin aux absurdités à propos des « hommes torpilles » qui peuvent être lues dans certains journaux. Un tel mini sous-marin n’aurait jamais réussi à venir assez près d’un navire ASW. Il ne pouvait pas non plus fonctionner à haute vitesse, car il aurait alors été détecté, et il n’aurait probablement pas eu les réservoirs d’oxygène pour une longue poursuite à terme. Et sur son approche d’attaque finale, il aurait été détecté, et le Cheonan aurait pu lui envoyer un « message ». Une attaque au sous-marin est donc plus que douteuse : même avec ces sous-marins plus gros, la corvette aurait été difficilement atteignable, affirme notre curieux. Tour le monde a oublié que la corvette allait vite quand
 elle a été touchée. Notre bloggueur malin continue : « Non, deux faits rapportés dans le point de presse pointent dans une autre direction, à mon humble avis : Tout d’abord, le navire a été coulé en eaux peu profondes, ou bien il n’aurait pas pu être récupéré. Et d’autre part, les experts disent que cela ressemble à une explosion sous le navire, la création d’une bulle qui a brisé sa quille. En eau peu profonde, lors d’une explosion sous le navire, le premier suspect doit être une mine de fond ». Et personnellement, je pense exactement la même chose. En prime, rien ne dit non plus que la mine soit nord-coréenne. Depuis des années des mines ont été posées dans le secteur… par tout le monde, pendant la guerre de Corée notamment.
 
Les français qui participaient aux opérations s’en étaient aperçus : « nous pûmes voir un bâtiment US qui avait sauté sur une mine et constater de visu ce qu’une mine peut causer comme dommages à un bateau. C’était probablement l’USS BRUSH (DD745). La proue était détruite. Un de nos marins se rappelle parfaitement de ce qu’il a vu : « …tout l’avant y compris la première tourelle avait disparu, comme coupé à la scie. Cependant le bateau avançait à petite vitesse par ses propres moyens. La poupe se dressait en l’air et les hélices étaient quasiment hors de l’eau… » Un autre ajoute : « Il y avait de nombreuses victimes, peut-être une cinquantaine… et je crois qu’il y avait au moins cinq marins tués… C’était tout à fait possible, car comme dans notre Marine, les postes d’équipage sont placés à l’avant des bateaux, non loin des soutes… Dieu ait leur âme ! »
 
Mais là les dés avaient été jetés depuis longtemps. Le ministre de la défense sud-coréen avait jeté son poids dans la balance bien avant : dès le 2 avril, il appuyait déjà la thèse de la torpille  ! Certains avaient même déjà le scénario et le motif : la revanche !!!  Pour Reuters, la torpille était même… allemande  ! Cette histoire de torpille respire en fait le coup monté. Dans la grande tradition des coups montés servant d’excuse à des représailles. Un coup à la L.B. Johnson, expliquant aux américains qu’un de ses destroyers avait été attaqué par des vedettes viet-congs. Du pipeau complet, mais qui lui permettait de reprendre les bombardements au Nord-Viet-Nam, tant attendus par ses amis du lobby militaro-industriel… cette torpille démantibulée a décidément un arrière goût prononcé de 4 août 1964… »

Un commentaire

  1. Bonjour Danielle,
    Non, tout le monde n’est pas assis et ne reste pas insensible à ce qui se passe. Mais vous savez comme moi il est si difficile de s’extraire de sa condition, les sacrifices et les engagements qu’ils imposent. Je suis persuadé que c’est l’espoir qui manque à beaucoup pour se « jeter » à l’eau. Néanmoins, il faut continuer à informer comme vous le faites avec la collaboration de tous ceux qui peuvent étayer et montrer pour ouvrir et éveiller les consciences. Comme ce très bel article qui montre une fois de plus la puissance des médias et les manipulations des lobbies militaro-financiers. Car c’est une évidence, la Corée du Nord n’a aucun intérêt à jeter de l’huile sur le feu, la Chine veille très bien à la stabilité de la zone au grand dam des Américains. Ce qui leur fait peur, c’est une possible réunification des deux Corées dans une modèle socialiste proche des Chinois.


Comments RSS TrackBack Identifier URI

Laisser un commentaire