La Chine s’est mise aux fonds souverains….

8ff449c8881b5631ffcdc808b29bf2b511.jpgCe matin 30 septembre 2007  la radio annonce que la Chine va consacrer 300 milliards de dollars au fond d’investissement public créé en août 2007 par l’Etat et qui utiliserait ses énormes réserves de change pour venir acheter des grandes entreprises. Angela Merkel la chancelière allemande est très préoccupée, d’ailleurs dès l’annonce de la création d’un fond d’investissement public chinois, l’Allemagne a voté une loi qui lui permet de contrôler de près les investisseurs étrangers. Tandis que notre Zébulon présidentiel proteste contre la côte de l’Euro, propose- ce que personne ne lui demande d’ailleurs- de réintégrer le commandement de l’OTAN, et au passage tout en protestant contre les spéculateurs se plaint que Trichet (la BCE) ne baisse pas les taux d’intérêt (1), les Allemands sont proches de redécouvrir les vertus du protectionnisme au point d’envisager la création d’un contre-fonds souverain destinés à lutter contre les OPA de ces fonds publics (2).  Sommes-nous dans la guerre hors limite ?

Danielle Bleitrach

Disons tout de suite que si 300 milliards c’est considérable et pour donner un ordre de grandeur, cela permettrait le rachat de la société générale,BNP, Parisbas, le crédit agricole et Axa réunis mais les Chinois ne sont pas les seuls à pratiquer ainsi.  D’autres Etats pratiquent ainsi, en particulier ceux qui investissent les fonds générés par le pétrole pour prévenir l’avenir. Ainsi font les Emirats arabes unis (875 milliards le plus gros), l’Arabie Saoudite, le Koweit , la Russie, la Norvège et le Venezuela qui sont devenus de gros investisseurs financiers. Les pays émergents en Asie suivent l’exemple de Singapour qui gère depuis les années 70 un fond de 450 milliards. On voit que la Chine et ses 300 milliards n’a rien d’exceptionnel. De surcroît on estime à environ 2500 milliards l’ensemble de ces fonds souverains, alors que les fonds de pension représentent 22.600 milliards, les fonds d’investissement 21 700 et les compagnies d’assurance 15 200, et les fonds spéculatifs 2000. Donc ces fonds souverains ne représentent que 4% des actifs financiers mondiaux. Mais ils sont étroitement imbriqués avec les fonds spéculatifs dont la récente crise financière a démontré la capacité de désordre et de crise systémiques qu’ils pouvaient engendrer. Savoir la Chine en possession de cette arme remplit d’effroi les gouvernements occidentaux. C’est un lieu difficile à maîtriser si un pays jugé hostile a priori vouait provoquer une panique. On ne voit pas très bien l’intérêt de la Chine, mais la paranoïa occidentale ne cesse de grandir. Pour le moment la Banque Centrale de Chine (comme d’ailleurs d’autres pays asiatiques)  achète du dollars pour éviter la montée du yuan et maintenir sa  compétitivité en soutenant la monnaie nord-américaine. Les réserves en dollars s’enflent et la Chine en a suffisamment pour se protéger d’une fuite des capitaux, donc elle peut rechercher pour une part plus importante de hauts rendements. Mais la Chine n’est pas la seule à agir ainsi, d’autres pays asiatiques, d’autres pays pétroliers en font autant.

Les fonds se sont investis jusqu’ici dans des bons du trésor en particulier des Etats-Unis pour 60% et 40% sur les marchés boursiers où ils ont des liens avec les fonds spéculatifs. Ils sont déjà présents dans les grandes entreprises, mais le choix de la Chine témoigne d’une volonté de déserter partiellement les bons du Trésor pour augmenter considérablement la part des fonds. Le prix du pétrole est élevé, les réserves augmentent, les capitaux placés à fonds pépère en bon du trésor sont, comme nous venons de le dire suffisant pour couvrir les risques de crise, donc désormais les fonds souverains sont en situation de s’emparer de grandes entreprises, fleurons de l’économie occidentale.
Les occidentaux soupçonnent quelques pays comme la Russie et la Chine (mais aussi le Venezuela, l’Iran), de ne pas être animés simplement d’une volonté financière et par l’appât du gain. A point que non seulement les Allemands protestent contre l’opacité des montages de ces fonds souverains mais les Etats-Unis réclament une intervention du FMI pour les inciter à se bien conduire, ce que personne n’a jamais exigé des fonds de pension nord-américains. Un travail intéressant en perspective pour DSK, nul doute qu’il a obtenu le soutien des Etats-Unis qu’à la condition de leur rendre de petits services de ce type.(3)

En fait là est bien le problème pour les pays occidentaux, non seulement nous assistons à la mise en place de nouveaux rapports sud-sud, mais les Etats du sud récupèrent leurs capacités d’action, le gouvernail étatique, c’est cela que les Etats-Unis et les pays occidentaux jugent insupportable et le gouvernement russe a déclaré que la protection du secteur énergétique par l’Europe était « hystérique ».  La Chine en rétorsion est en train de préparer une loi sur le contrôle de l’acquisition des entreprises chinoises. Sud contre nord, Etats souverains contre capital, on voit que la mondialisation nous réserve bien des surprises, jusqu’à peut-être favoriser le retour du protectionnisme dans le nord.(4)

On comprend peut-être mieux dans un tel contexte l’excitation des Etats-Unis dans son soutien à la démocratie birmane, il s’agit de s’assurer que les réserves gazières ne tombent pas dans une mauvaise escarcelle. 

(1) Ce qui reviendrait de fait à soutenir les spéculateurs en abaissant le coût de financement de leurs opérations. La Fed Nord américaine a été obligée d’abaisser ses taux directeurs pour cause de récession de l’économie nord-américaine.
(2) ( 2) Décidemment Dominique de Villepin a été un grand incompris, puisque c’est lui qui à la fin 2005 et le début 2006 lance cette protection contre les capitaux étrangers. A cette époque, la Commission européenne à la concurrence le traite comme le dernier des derniers nationalistes. Aujourd’hui la même fait silence sur l’initiative de la chancelière.
(3) Là encore on notera le deux poids deux mesures, jamais personne n’avait exigé de la Banque Mondiale ou du Fmi une telle surveillance quand le néo-libéralisme éventrait les économies du Tiers monde, forçant à la vente le secteur public de ces pays.
(4) Sur ce sujet lire article d’alternatives économiques d’octobre : la montée des Fonds souverains. Un article du Monde Diplomatique de mars 2007 avait également abordé la question. 

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