Nouveau rapport sur les migrations de remplacement publié par la Division de la population des Nations Unies

Communiqué de presse
  La Division de la population du Département des affaires économiques et sociales a publié un nouveau rapport intitulé « Migration de remplacement: est-ce une solution pour les populations en déclin et vieillissantes ? ». Le concept de migration de remplacement correspond à la migration internationale dont un pays aurait besoin pour éviter le déclin et le vieillissement de la population qui résultent des taux bas de fécondité et de mortalité.

    Les projections des Nations Unies indiquent que, entre 1995 et 2050, la population du Japon ainsi que celles de pratiquement tous les pays d’Europe va probablement diminuer. Dans de nombreux cas, comprenant l’Estonie, la Bulgarie et l’Italie, des pays vont perdre entre un quart et un tiers de leur population. Le vieillissement de la population sera généralisé, élevant l’age médian de la population à des hauts niveaux sans précédents historiques. Par exemple, en Italie, l’age médian augmentera de 41 ans en 2000 à 53 ans en 2050. Le rapport de support potentiel, c’est-à-dire le nombre de personnes en age de travailler (15-64 ans) par personne de plus de 65 ans, diminuera souvent de moitié, de 4 ou 5 à 2.

    Le rapport se concentre sur ces deux tendances remarquables et cruciales, et examine en détail le cas de huit pays à basse fécondité (Allemagne, Etats-Unis, Fédération de Russie, France, Italie, Japon, République de Corée et Royaume-Uni) et deux régions (Europe et Union Européenne). Dans chaque cas on considère différents scénarios pour la période 1995-2050, en mettant en relief l’impact que différents niveaux d’immigration auraient sur la taille et le vieillissement de la population.

    Les principaux résultats de ce rapport comprennent:

Les projections indiquent que, dans les prochaines 50 années, les populations de presque tous les pays développés deviendront plus petites et plus vieilles, en conséquence de la faible fécondité et de l’accroissement de la longévité. Par contre, la population des Etats-Unis augmentera de presque un quart. La variante moyenne des projections des Nations-Unies indique que, parmi les pays étudiés dans ce rapport, c’est l’Italie qui subira la plus grande perte relative de population, moins 28 pour cent entre 1995 et 2050. La population de l’Union Européenne surpassait celle des Etats-Unis de 105 millions en 1995, mais sera inférieure de 18 millions en 2050.
Le déclin de la population est inévitable, en l’absence de migration de remplacement. La fécondité peut rebondir dans les décades à venir, mais peu de spécialistes croient qu’elle pourra remonter suffisamment dans la plupart des pays pour atteindre le niveau de remplacement dans un futur prévisible.
Tous les pays et régions étudiés dans ce rapport auront besoin d’immigration pour éviter que leur population ne diminue. Cependant le niveau d’immigration, relatif à l’expérience passée, varie beaucoup. Pour l’Union Européenne, une continuation des niveaux d’immigration observés dans les années 1990s suffirait à peu près à éviter une diminution de la population totale, tandis que pour l’Europe dans son ensemble, il faudrait deux fois le niveau d’immigration observé dans les années 1990s. La République de Corée n’aurait besoin que d’un niveau modeste d’immigration, mais c’est cependant un changement majeur pour un pays qui jusqu’ici était un pays d’émigration. L’Italie et le Japon auraient besoin d’une forte augmentation de leur nombre d’immigrants. Par contre, la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis pourraient conserver leur nombre d’habitants avec moins d’immigrants que ce qu’ils ont reçu dans le passé récent.
Les nombres d’immigrants nécessaires pour éviter un déclin de la population totale sont beaucoup plus grands que ceux qui ont été envisagés dans les projections des Nations-Unies. La seule exception concerne les Etats-Unis.
Les nombres d’immigrants nécessaires pour éviter les déclins de la population en âge de travailler sont plus grands que ceux nécessaires pour éviter les déclins de la population totale. Dans quelques cas, comme ceux de la République de Corée, de la France, du Royaume-Uni ou des Etats-Unis, ils sont de deux à quatre fois plus grands. Si de tels flux d’immigrants se produisaient, les immigrants d’après 1995 et leurs descendants constitueraient une fraction impressionnante de la population totale en 2050 – entre 30 et 39 pour cent dans le cas du Japon, de l’Allemagne et de l’Italie.
Relativement à la taille de leur population, l’Italie et l’Allemagne auraient besoin du plus grand nombre d’immigrants pour conserver la taille de leurs populations d’age actif. L’Italie aurait besoin en moyenne chaque année de 6.500 immigrants par million d’habitants et l’Allemagne de 6.000. Les Etats-Unis auraient besoin du plus petit nombre – 1.300 immigrants annuellement par million d’habitants.
Les niveaux d’immigration nécessaires pour éviter le vieillissement de la population sont beaucoup de fois plus élevés que ceux qui sont nécessaires pour éviter le déclin de la population. Maintenir à leurs niveaux les rapports de support potentiel demanderait dans tous les cas des volumes d’immigration sans aucune commune mesure avec l’expérience passée et avec ce que l’on peut raisonnablement attendre.
En l’absence d’immigration, on pourrait maintenir à leurs niveaux actuels les rapports de support potentiel en augmentant la limite supérieure de l’age actif à environ 75 ans.
Les nouveaux défis posés par des populations en déclin et vieillissantes exigeront le réexamen fondamental de beaucoup de politiques et de programmes établis, avec une perspective à long terme. Les questions cruciales qu’il faut examiner comprennent: (a) les ages appropriés pour la retraite; (b) les niveaux, types et natures des prestations de retraite et de soins de santé pour les personnes âgées; (c) la participation à l’activité économique; (d) les montants des contributions des travailleurs et des employeurs pour financer les retraites et soins de santé des retraités; et (d) les politiques et programmes ayant trait aux migrations internationales, en particulier aux migrations de remplacement et à l’intégration de grands nombres d’immigrants récents et de leurs descendants.
On peut accéder à ce rapport sur le site internet de la Division de la population

(http://www.un.org/esa/population/unpop.htm). Pour plus d’information, s’adresser au bureau de Mme. Hania Zlotnik, Directeur de la Division de la Population, Nations Unies, New York 10017, USA; tel : +1-212-963-3179, fax +1-212-963-2147.
 

11 commentaires

  1. en 2007 le gouvernement italien a régularisé un million de sans papiers

  2. Voila bien une approche communiste de l’immigration, tout les hommes sont identiques un Sénégalais peut remplacé un japonais ils sont interchangeables. Si un tiers des allemands ou des japonais sont d’origine immigrés ne pensez vous pas que l’on risque à terme une balkanisation de ces nations. Surtout quand on connait la mentalité japonaise, ces derniers ayant purement interdit l’immigration, il préfèrent les robots parait-il . Ne jouez pas trop avec la démographie si vous ne voulez pas provoquer des explosions de violence dans l’avenir.Les difficultés en France et dans les différents pays européens montre qu’il n’est pas si facile d’assimiler des populations d’origines diverses.

    De plus la natalité mondiale baisse trés vite, l’Amérique du sud est passé sous le seuil de reproduction comme la chine. Les pays d’Afrique du nord on vue leur natalité s’effondrer, ce qui veut dire que la transition démographique est générale et produira rapidement un déclin démographique sur la planète entière, dans ces conditions ou irez vous chercher vos immigrés sur Mars? Pierre Chaunu avait écrit un livre en 2006 sur la transition démographique dans lequel il s’inquiétait réellement du devenir d’une humanité qui finirait par avoir un taux de natalité à la japonaise. Il me semble qu’il est plus urgent de construire des systèmes et des sociétés favorisant la natalité plutôt que de se lancer dans un système immigrationniste délirant tel que le propose l’ONU, ONU qui d’ailleurs à toujours eu des statistiques surestimé sur l’augmentation de la population mondiale. Les différences de natalité entre la France, dans laquelle il y a une vrai politique familliale, et les autres pays de l’UE comme l’Allemagne (ou l’on fait encore l’apologie de la KKK « Kinder kuchen kitchen » fraue) montre que certaine politique peuvent permettre de ramener la natalité à un niveau raisonnable.

    voir :
    « Essai de prospective démographique » Pierre Chaunu édition Fayard

  3. Il y a un moment où la partialité frise la stupidité à moins que vous pensiez que la division population de l’ONU soit un nid de bolcheviks je ne vois pas à quoi riment vos remarques sur l’approche communiste d’un rapport de la dite division.

    Vous êtes d’ailleurs un récidiviste de ce type d’égarement puisque dernièrement, sans même avoir lu mon analyse, vous m’accusiez de partialité communiste sur la Chine. Analyse depuis confirmée par tous les dangereux marxistes de la presse économique et financière patronale ! Prenez donc la saine habitude de lire au lieu de sortir vos élucubrations anticommunistes. Ca se soigne… les alccoliques au dernier stade de leur intoxication voient des cafards ramper sur les murs, vous en êtes à voir des petites faucilles et marteaux, attention à l’obsession qui ronge. Si vous vous obstinez à ne pas lire je serai obligée de supprimer vos commentaires.
    Cela dit personnellement OUI je pense qu’un Sénégalais en tant qu’être humain vaut totalement un allemand, et que le même Sénégalais s’il est attentif, respectueux des autres vaut infiniment mieux qu’un français arrogant qui ne prend pas la peine de lire avant de faire un procés d’intention.
    Danielle Bleitrach

  4. Quand je parle de différence entre un Sénégalais et un Japonais ce n’est pas dans le sens raciste, apprenez à lire vous aussi, je constate simplement que leur culture et leurs tradition rendra l’assimilation trés difficile. Continuez à parlez entre gens de même obédience puisque c’est ainsi que vous pensez avancez la contradiction n’est apparemment pas votre première préoccupation, le rapport de l’ONU est délirant proposant une quasi colonisation de l’Europe quoique vous en pensiez. Dans la vision de l’immigration les libéraux et les communistes ont exactement les mêmes approches (j’admet que les motivations diverges) celle de facilité les mouvements de population en pensant qu’elle ne génère aucun problème, vous avez d’ailleurs une vision de l’homme trés économique, les pays riche devant bien évidement faire venir des immigrès pour « dynamiser » leurs économie. Je dis que vous êtes communiste et vous prenez ça pour une insulte, le problème c’est que toute vos références vienne de cet univers de pensez, et j’ai trés bien lu vos propos seulement voyez vous je n’interprète pas cela de la même manière. Vous avez tout à fait le droit de pensez comme vous le faites mais accéptez tout de même qu’il y est des individus qui pensent différement.

    D’ailleurs vous n’avez pas répondu à mes propos votre croyance dans le fait qu’il faille soutenir notre démographique par l’immigration ne veut pas se mettre en face du dilemme de la baisse de la natalité mondiale. Vers 2050 la planète entière manquera de main d’oeuvre à moins que votre égalitarisme soit à géométrie variable et qu’il exclus le fait que la transition démographique fusse un phénomène international. Mieux vaut essayer de relancer notre natatalié (pas si mauvaise d’ailleurs en France) que de se lancer dans les délirium d’une immigration infinie. Et puis je vous signales que vos envies d’immigrés sont similaire à celle du rapport Attali ce qui devrait vous faire doutez de votre approche, car pour les libéraux l’immigration est un bon moyen de faire pression sur les salaires n’est-ce pas. Je ne comprend pas une personne de gauche devrait se réjouir de la baisse mondiale de la natalité puisqu’il me semble que cela favorise les salarié au détriment du capital non?

  5. ainsi posé on peut discuter:
    – Vous n’ignorez pas que les communistes ont toujours voulu soutenir la natalité pour les raisons que vous dites.
    – Il est vrai que la planète entre dans la transition démographique, la manière dont la Chine a pesé sur sa propre démographie y est pour beaucoup mais il y a aussi le passage du rural à l’urbain, l’évolution positive de la condition féminine.
    – Moins parce que je suis communiste que parce que je suis féministe je crois qu’il faut désormais aborder d’une autre manière les questions de démographie.
    – Non le rapport de l’ONu n’est pas délirant, il tient au contraire compte des évolutions actuelles et du fait incontestable que l’humanité est en mouvement. la démographie est peut-être l’aspect le plus exact des sciences sociales mais la temporalité en longue…
    – paradoxalement je crois que la manière dont vous abordez le problème n’est pas « objective » au sens où comme la démographie elle s’appuierait sur des faits, mais c’est un positionnement politique qui renvoie à ce que je tente d’analyser dans » plaidoyer pour le spectre » la tentation du passé face à la crise…
    – Cela dit quand on peut s’entendre sur ce qui est réellement dit le dialogue hors chapelle est trés important, c’est pourquoi je ne supprime jamais les contributions, je proteste contre les déformations mais je ne censure pas en laissant le lecteur libre y compris de me désavouer. J’aimerais bien que le fonctionnement général et institutionnel soit celui-là.

    Amicalement
    danielle Bleitrach

  6. Je viens de découvrir ce blog, et je n’ai pas tout lu (normal, quand c’est vraiment intéressant, ça prend du temps, comme les livres…).
    Mais j’ai déjà une question, si vous le permettez :
    « soutenir la natalité » ou autre mesure censée avoir le même effet. Est-ce nécessaire, et en vertu de quoi ? Ne peut-on pas imaginer un monde où la population se stabiliserait à un niveau plus faible ?

  7. C’st exactement la question qui est posée. Parce qu’il est vrai que pour avoir une psyramide des âges qui ne soit pas vieillissante (en meule de foin) donc qui n’assure ni la croissance, ni les retraites, il faut une natalité qui dépasse les deux enfants par couple. Et Yann a tout à fait raison de noter que le monde est entré dans une transition démographique et qu’en 2050, il y aura un manque de main d’oeuvre généralisée. Ce sera le cas dès 2020 en Chine mais ce la oblige dès maintenant les Chinois à prévoir un système de retraite (ils font actuellement le tour de la planète pour voir le meilleur système). Il a également raison de noter que le taux de natalité est bon en France mais ce qu’il ne dit pas c’est que sous la double influence de l’immigration et d’un système d’allocation, d’aide de toutes sortes dont la maternelle.
    Donc je crois que l’on ne peut pas être simplement nataliste, il faut réflechir à ce qui est en train de se transformer. Par exemple si on arrive un jour à faire payer des impôts sur les « machines » et pas seulement sur les salaires, une redistribution de cette fiscalité bref aller vers des formes nouvelles de croissance plus justes et moins « marchandisées », peut-être que l’on pourra reconsidérer les phénomènes. Aujourd’hui il suffit d’aller voir le rapport du BIT que je cite dans l’article sur les incidences de la crise financière sur notre vie quotidienne pour mesurer que même si partout il y a un manque de main d’oeuvre en 2050, l’immigration se poursuivra au vu du type d’emploi offert. Là encore quand on parle de la Chine et du Viet nam on ne mesure pas les évolutions.
    Bref comme vous le voyez derrière des tendances lourdes du rapport de l’ONU ou même le rapport Attali (Yann a raison il dit à peu près la même chose et soulève les mêmes réticences à droite comme à gauche alors que le patronat est déjà au niveau de l’entreprise dans cette logique), se posent une foule de questions qui ne se résument pas à un « culturalisme » sur la différence entre le japonais et le sénégalais.
    Danielle bleitrach

  8. Merci de votre réponse. Mais elle ne vaut, me semble-t-il, que dans une hypothèse capitaliste (avec ou sans aménagement du genre taxation des machines), avec croissance et tutti quanti…

  9. Pas seulement,je ne crois pas qu’en attendant le temps de l’utopie réalisée le communisme (à chacun selon ses besoins)nous ne puissions pas nous abstraire ni de la loi de la valeur, ni de la nécessisté de la croissance,mais il est nécessaire de penser la croissance autrement en particulier en mettant au coeur la justice sociale, le développement de l’être humain, et la préservation de la planète,nous ne partons pas de rien. par exemple, la question de la solidarité entre générations est au contraire déjà sous la forme des retraites une forme non marchande à l’intérieur du marchand comme l’a trés bien analysée Marcel mauss dans son texte célèbre sur le don… Il y a au contraire tout un apport du mouvement ouvrier et des luttes qui a réussi à apporter des solutions qui remettent en question le capitalisme et c’est ce que l’on tente de détruire.

    je plaide souvent pourtant qu’on analyse l’expérience soviétique autrement que du point de vue des vainqueurs. Fidel castro insite souvent sur le type de relations internationales nouvelles qui ont pu apparaître à l’état embryonnaire, mais si on lit attentivement Emannuel Todd, la manière dont lui aussi analyse la transition démographique, le niveau d’éducation planétaire qui a monté au siècle dernier et comment il l’attribue au socialisme, je propose une analyse qui aille dans ce sens. Aujourd’hui comment apprécier le rôle joué par la Chine dans l’émergence d’un Afrique que tout le monde condamnait. Il y a encore ce qui se passe autour de l’ALBA en Amérique latine… C’est pour cela que je suis résolument contre la table rase, il faut accepter l’héritage, les dettes comme les leçons.
    Danielle bleitrach

  10. Ça mériterait de sérieuses discussions sur un certain nombre de présupposés, qu’internet ne permet guère. Pour suggérer, seulement, à quoi je pense, je voudrais citer ceci :
    « Nous avons introduit quelques moyens de distraction pour les enfants. Nous leur apprenons à chanter pendant le travail, à compter également en travaillant : cela les distrait et leur fait accepter avec courage ces douze heures de travail qui sont nécessaires pour leur procurer des moyens d’existence »
    Bruxelles, congrès de bienfaisance, 1857. Cité par Lafargue, Le droit à la paresse
    Il me paraît clair qu’un certain nombre d’idées communistes et, dans la pratique, de luttes, sont issues de ce contexte. Une des questions qui me paraît fondamentale est celle-ci : que devient « [se] procurer des moyens d’existence » dans le contexte actuel (et futur dans le cadre d’une utopie communiste) ? La question ne demande pas de réponse hâtive, c’est plus un sujet de réflexion.

  11. Sur cet question démographique je me permet de mettre un texte un peu long de Keynes sur la question démographique et son rapport avec l’économie et le développement humain.

    Quelques conséquences du déclin de la population !

    Quelques conséquences d’un déclin de la population :
    Par J.M. Keynes (1937) texte réédité dans « La pauvreté dans l’abondance »
    Editions TEL Gallimard

    I

    Le future, nous le savons bien, ne ressemble jamais au passé. Mais nos capacités d’imagination et de connaissance sont en général trop faibles pour nous indiquer à quels changements précis nous attendre. Nous ne savons pas ce que le futur nous réserve. En tant qu’être vivants et animés, nous devons néanmoins réagir. Pour conserver notre tranquillité d’esprit , nous dissimulons la faiblesse de notre capacité de prévision. Comme malgré tout l’hypothèse doit nous guider, nous avons tendance à substituer à la connaissance qui est inaccessible certaines conventions dont la principale consiste à supposer, contre toute vraisemblance, que le futur ressemblera au passé. C’est ainsi que nous agissons en pratique. Cependant, l’autosatisfaction qui caractérise le XIX siècle provenait en partie de ce que, dans leur réflexions philosophiques sur le comportement humain, les gens de cette époque acceptaient le truc extraordinaire conçu par l’école benthamienne, en vertu duquel à chacune des conséquences possibles de chacune des actions envisageables on pouvait associer une premier nombre exprimant son avantage relatif, et un second exprimant la probabilité que cette conséquence procède de l’action en question ; en multipliant les deux nombres associés aux diverses conséquences possibles d’une même action et en additionnant les résultats, on était censé trouver ce qu’il fallait faire. De cette manière, un système mythique de connaissance probable était utilisé pour ramener le future au même statut calculable que le présent. Jamais personne n’a agi conformément à cette théorie. Mais, même de nos jours, il me semble que notre manière de penser est quelquefois influencée par de telles pseudo-rationalisations.

    Je souhaiterais insister aujourd’hui sur l’importance de la convention d’après laquelle nous supposons que le futur sera semblable au passé beaucoup plus qu’il n’est raisonnable de le penser – une convention dont aucun d’entre nous ne peu se passer -, parce qu’elle continue à influer sur notre esprit, même dans les cas où nous avons de bonnes raisons de nous attendre à un changement bien déterminé. Et peut-être la prospective des populations constitue-t-elle l’exemple le plus évident des cas où nous disposons réellement d’un très grand pouvoir de prévision. Nous savons beaucoup plus sûrement que nous n’avons jamais prévu quelque autre phénomène sociale ou économique futur que, au lieu de la croissance régulière et même accéléré que nous avons connue pendant de longues décennies, nous aurons à faire face d’ici très peu de temps à une population stationnaire ou même déclinante. Nous ne savons pas encore précisément quel sera le taux de diminution, mais il est quasiment certain que, comparé à ce que nous avons connu, le changement sera considérable. Si nous bénéficions ainsi d’un degrés inhabituel de connaissance du futur, c’est qu’en matière démographique, les délais sont longs mais néanmoins définis. Et pourtant l’idée que le futur sera différent du présent répugne tellement à nos modes de penser et d’agir conventionnels que la plupart d’entre nous renâclent beaucoup à agir en s’y conformant. On peut d’ores et déjà prédire plusieurs conséquences sociales importantes qu’aura le passage d’une situation de croissance démographique à une situation de déclin. Je me propose de traiter aujourd’hui plus particulièrement de l’une des conséquences économiques majeures de ce changement imminent, – si je réussis à vous persuader de vous écarter suffisamment des modes de penser conventionnels pour accepter l’idée que l’avenir diffèrera du passé.

    II

    La croissance de la population a des implications importantes sur la demande de capital. Non seulement, en dehors des changements techniques et de l’élévation du niveau de vie, la demande de capital augmente plus ou moins au même rythme que la population, mais les anticipations du monde des affaires étant fondées beaucoup plus sur la demande présente que sur la demande à venir, une croissance démographique soutenue tend à inspirer l’optimisme, puisque la demande sera généralement supérieure à ce qu’on espérait. En outre, dans de telles circonstances, une erreur de prévision, se traduisant par une surproduction transitoire d’un type particulier de capital, peut être rapidement corrigée. En période de déclin démographique, c’est l’inverse qui est vrai. La demande tend à être inférieure à ce qui était prévu et une situation de surproduction est moins facile à redresser. Il peut en résulter un climat de pessimisme et, bien que le pessimisme est tendance à se corriger lui-même par ses effet sur la production, ce changement risque d’avoir une conséquence désastreuse pour la prospérité.
    Parmi les cause du formidable accroissement du stock de capital intervenu au XIXème siècle et depuis, il me semble qu’on a négligé l’influence propre de la croissance démographique. La demande de capital dépend bien sûr de trois facteurs : la taille de la population, le niveau de vie, et le capital technique. Par capital technique, j’entends l’importance relative des processus longs comme méthode efficace pour produire ce qui est couramment consommé ; ce facteur étant commodément désigné comme la période de production, laquelle est une moyenne pondérée de l’intervalle qui s’écoule entre la fabrication d’un produit et sa consommation. En d’autres termes, la demande de capital dépend du nombre de consommateurs, du niveau de consommation moyen et de la longueur moyenne de la période de production.
    Un accroissement de la population augmente donc proportionnellement la demande de capital ; et c’est au progrès technique que l’on doit l’élévation du niveau de vie. Mais l’effet du progrès technique sur la longueur de la période de production dépend du type d’inventions caractéristiques de la période considérée. Il se peut qu’au XIX siècle les progrès dans les transports, les logement et les services publics aient été de nature telle qu’ils aient eu tendance à allonger la période de production. On sait que les biens très durables ont constitué l’une des caractéristiques de la civilisation victorienne. Mais il n’est pas du tout sûr qu’il en soit de même de nos jours. Nombre d’inventions modernes ont pour objet de réduire le montant de l’investissement en partie du fait de l’expérience que nous avons de la rapidité avec laquelle changent les goûts et les techniques, nous avons une préférence marquée pour les biens capitaux qui ne sont pas trop durables. Je crois donc que nous ne devons pas escompter des changements techniques ayants eux mêmes pour conséquence d’allonger la période de production. Il se peut même que, en dehors de l’effet que pourrait avoir des variations du taux d’intérêt, la période moyenne de production ait tendance à diminuer. En outre, il se peut qu’un accroissement du niveau de vie ait pour effet de réduire la période de production car, quand nous nous enrichissons, notre consommation a tendance à s’orienter vers des produits, les services personnels en particulier, dont la période de production est relativement courte.
    Il s’ensuit que, si le nombre de consommateurs décroît et que nous ne pouvons compter sur aucun allongement significatif de la période technique de production, le stock de biens capitaux ne s’accroîtra que si le niveau moyen de la consommation s’élève ou si le taux d’intérêts baisse. J’essaierai d’illustrer par quelques données numériques l’ordre de grandeur des facteurs qui sont en jeu.
    Considérons la période d’un peu plus de cinquante ans qui va de 1860 à 1913. Il ne me semble pas qu’il y ait de preuve évidente que la période de production se soit alors allongée. Les données statistiques portant sur les quantités de capital réel présentant des difficultés spécifiques . Celles dont nous disposons n’indiquent cependant pas de changements important dans la quantité de capital investi par unité de produit. Deux des secteurs les plus capitalistiques, la construction et l’agriculture, sont très anciens. L’importance relative de l’agriculture a diminué. Ce n’est que si nous en venions à dépenser une part notablement accrue de nos revenus en logement, ce qui semble avoir été le cas dans la période d’après guerre, que nous pourrions nous attendre à un allongement significatif de la période technique de production . Pendant les cinquante années qui ont précédé la guerre, période durant laquelle le taux d’intérêt fut à peu près constant, je pense que celle-ci ne s’est pas allongée de plus de 10%.
    Au court de la même période la population britannique a augmenté de près de 50% et la population servant de débouché à l’industrie et à l’investissement britanniques de beaucoup plus encore. Je suppose par ailleurs que le niveau de vie doit avoir augmenté d’à peu prés 60%. La demande accrue de capital était donc prioritairement attribuable à l’accroissement de la population et à l’élévation du niveau de vie et seulement dans une faible mesure à des changements techniques se traduisant par un accroissement du capital investi par unité de consommation. En résumé, les données démographiques, qui sont dignes de confiance, nous indiquent que c’est l’accroissement de la population qui a rendu nécessaire prés de la moitié de l’accroissement du capital. Les données numériques étaient peut-être les suivantes, mais j’insiste sur leur caractère approximatif :

    1860 1913
    Capital réel 100 270
    Population 100 150
    Niveau de vie 100 160
    Période de production 100 110

    Il s’ensuit qu’une population stationnaire avec la même élévation du niveau de vie et le même allongement du processus de production aurait entraîné une augmentation du stock de capital de seulement un peu plus que la moitié de celle qui est effectivement intervenue. De plus, alors qu’à peu prés la moitié de l’investissement intérieur a été mobilisé par l’accroissement de la population , une part probablement beaucoup plus importante de l’investissement à l’étranger effectué pendant cette période était attribuable à cette cause.
    D’un autre côté, il se peut que la hausse du revenu moyen, la réduction de la taille des familles et certains autres éléments de nature sociale et institutionnelle aient eu tendance à augmenter la part du revenu national qui est épargnée en situation de plein emploi. Je n’en suis pas tout à fait sûr, dans la mesure ou d’autre facteurs, notamment la taxation des très riches, agissent dans la direction opposée. Je pense cependant que la part du revenu national qui serait épargnée aujourd’hui dans une situation de plein emploi se situerait quelque part entre 8 et 15%. Quel taux d’accroissement annuel du stock de capital ce taux d’épargne impliquerait-il ? Pour répondre à cette question nous devons estimer le nombre d’années de revenu national que représente notre stock de capital. Ce n’est pas une donnée que nous connaissons avec précision, mais nous pouvons indiquer un ordre de grandeur. Quand je vous aurait indiqué la réponse, vous trouverez sans doute qu’elle diffère notablement de ce à quoi vous vous attendiez. Le stock de capital national est approximativement égale à quatre fois le revenu national annuel. Ce qui signifie que, notre revenue annuel étant d’environs 4 millions de livres, notre stock de capital est de l’ordre de 15 millions de livres( sans compter l’investissement à l’étranger qui ferait monter le rapport à 4.5). Il s’ensuit qu’un investissement net à un taux situé entre 8 et 15 % du revenu annuel implique un taux de croissance du stock de capital entre 2 et 4% par an.
    Récapitulons. Notez d’abord que, jusqu’à présent, j’ai implicitement fait deux hypothèses, à savoir : que la répartition de la richesse ou de tout autre facteur affectant la part du revenu épargnée ne connaisse pas de modification notable ; que le taux d’intérêt ne varie pas suffisamment pour modifier de façon appréciable la durée de la période de production. Nous lèverons ces deux hypothèses par la suite. Si nous les retenons pour le moment, il apparaît qu‘avec l’organisation sociale existante, et en situation de prospérité et de plein emploi, nous devrons trouver une demande de capital qui entraîne un accroissement net du stock de l’ordre de 2 à 4% par an. Et cela devra continuer d’année en année, indéfiniment. Considérons dans ce qui suit l’estimation la plus basse, à savoir 2% ; si elle est trop basse, l’argumentation vaudra à fortiori.
    Jusqu’ici, la demande de capital nouveau est venue de deux sources à peu prés d’égale importance : un peu moins de la moitié pour répondre à la demande d’une population croissante ; un peu plus de la moitié pour répondre aux demandes d’inventions et d’améliorations qui augmentent le produit par tête et permettent d’accéder à un niveau de vie supérieur.
    L’expérience nous montre qu’un taux de croissance du niveau de vie supérieur à 1% par an se révèle difficilement réalisable (Keynes est ici plutôt pessimiste puisque après la seconde guerre mondiale les taux dépassaient 3%). Même si l’inventivité technique permettait plus, nous ne serions pas capables de nous adapter au rythme de changement accru que cela impliquerait. Peut-être y a-t-il eu dans ce pays une ou deux décennies au cours des cent dernières années pendant lesquelles le rythme de l’amélioration a été de 1% par an. Mais, en règle générale, il semble avoir été quelque peu inférieur à 1%.
    Vous remarquerez que je distingue les inventions qui permettent à une unité de capital de créer une unité de produit avec moins de travail qu’auparavant, de celles qui entraînent une variation de la quantité de capital employée plus que proportionnelle à celle du produit. Je suppose que les améliorations de la première catégorie se produiront dans l’avenir au même rythme que dans le passé récent, et je suis prêt à supposer qu’elle seront, dans le proche avenir, de la même qualité que les meilleures que nous avons connues au cours de n’importe quelle décennie passée ; et j’estime que les inventions de ce type n’absorberons probablement pas plus de la moitié de notre épargne, dans les conditions de plein emploi et avec une population stationnaire. Mais dans la seconde catégorie, certaines inventions vont dans un sens et d’autre en sens inverse et, en supposant un taux d’intérêt constant, l’effet résultant sur la demande de capital par unité de produit n’est pas évident.
    Il s’ensuit que, pour assurer les conditions de la prospérité pendant plusieurs années, il est essentiel, soit que nous modifions nos institutions ou la réparation de la richesse de façon à réduire la part de du revenu qui est épargnée ; soit que nous réduisions le taux d’intérêt suffisamment pour rendre profitables de grands changements dans les techniques ou dans la composition de la consommation, qui impliquent qu’une beaucoup plus grande quantité de capital soit employée par unité de produit. Il serait évidemment plus sage de poursuivre simultanément les deux types de politique.

    III
    Quelle relation y a-t-il entre ces conceptions et la vielle théorie malthusienne selon laquelle une augmentation du capital par tête ( envisagé par les auteurs anciens principalement sous la forme d’un accroissement de la quantité de terre) devait très fortement améliorer le niveau de vie, et selon laquelle également la croissance de la population était alors désastreuse, car elle retardait cette augmentation ? Il peut sembler, à première vue, que je conteste cette théorie ancienne affirmant, à l’inverse, qu’au cours d’une phase de déclin démographique , il sera beaucoup plus difficile qu’auparavant de maintenir la prospérité.
    En un sens, il s’agit là d’une interprétation correcte de ce que je dis. S’il se trouve ici quelques vieux malthusiens, qu’ils ne pensent pas que je rejette leur principale argument. Il est incontestable qu’une population stationnaire facilite l’élévation du niveau de vie ; mais seulement à une condition : dans la mesure où l’accroissement des ressources ou de la consommation, selon le cas, que le caractère stationnaire de la population rend possible, se produit effectivement. Car nous avons appris qu’un autre diable, au moins aussi féroce que le diable malthusien , est accroché à nos basques : LE DIABLE DU SOUS-EMPLOI QUI SURGIT D’UNE DIMINUTION DE LA DEMANDE EFFECTIVE. Peut-être ce second diable peut-il lui aussi être qualifié de malthusien, puisque c’est bien Malthus qui en a parlé le premier. Car, de même que le jeune Malthus s’est inquiété des problèmes démographiques qu’il pouvait observer et qu’il a essayé de théoriser, le vieux Malthus ne fut pas moins préoccupé par les problèmes du sous-emploi qu’il pouvait observer et qu’il a tenté de théoriser, avec sans doute moins de succès, en tout cas du point de vue de l’influence de sa pensée. Aujourd’hui que le diable P est enchaîné, le diable malthusien S risque de s’échapper. Le diable Population étant enchaîné nous sommes libérés d’une menace, mais nous sommes plus exposés qu’auparavant à la menace du diable Sous-emploi des ressources.
    Avec une population stationnaire, le maintient de la prospérité et de la paix civile dépendra ABSOLUMENT d’une politique d’accroissement de la consommation impliquant une répartition plus EGALITAIRE des revenus et d’une politique de baisse du taux d’intérêt qui rende profitable un allongement substantiel de la période de production. Si nous ne poursuivons pas, de propos délibéré, ces deux politiques, il est hors de doute que nous serons spolié du bénéfice que nous pourrions tirer de l’enchaînement du premier diable, et serions exposés aux dépradations, peut-être plus insupportables, du second.
    Diverses forces sociales et politiques s’opposent aux changements nécessaires. La prudence impose que ces changements soit graduels. Nous devons prévoir ce qui nous attend et faire la moitié du chemin à sa rencontre. Si la société capitaliste refuse que les revenus soit répartis de façon plus égalitaire et si les forces de la banque et de la finance réussissent à maintenir le taux d’intérêt aux alentour de la valeur moyenne qu’il a connue pendant l’ensemble du XIX siècle (en moyenne, un peu inférieure à celle qui prévaut de nos jours), alors une TENDANCE CHRONIQUE AU SOUS-EMPLOI des ressources sapera et finira par détruire notre forme de société (Remarque : en ce début du XXI siècle les conclusions de Keynes sont d’une cruelle actualité). Si en revanche, guidés par l’esprit et les lumières du temps, nous modifions progressivement notre attitude à l’égard de l’accumulation du capital, de la façon qu’elle s’accorde aux conditions d’une population stationnaire ou décroissante, alors peut-être pourrons nous gagner sur les deux tableaux : préserver les libertés et l’indépendance du système actuel, tout en éradiquant progressivement ses défauts les plus criants, au fur et à mesure que l’accumulation du capital et le revenu qui lui est associé seront remis à leur juste place dans la société (Keynes n’aimait pas les rentiers).
    Un déclin démographique trop rapide provoquerait beaucoup de problèmes graves et il y a de fortes raisons de penser que s’il se produisait ou simplement menaçait de se produire, des mesures devraient être prises pour le prévenir (Keynes sous-estime ici la capacité des hommes politiques à ne jamais agir de façon rationnel et à prendre des décisions irresponsables). Mais une population stationnaire ou faiblement déclinante peut nous permettre, si nous nous montrons suffisamment déterminés et prudents, d’élever le niveau de vie, tout en préservant notre mode de vie traditionnel, auquel nous sommes d’autant plus attachés maintenant que nous savons ce qui arrive à ce qui le perdent.
    En fin de compte, je ne suis donc pas en désaccord avec la vielle conclusion malthusienne. Je veux simplement vous mettre en garde contre le fait que, si nous n’y prenons pas garde, avoir enchaîné le diable ne servira qu’à en libérer un autre, encore plus féroce et intraitable.


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