LA REFORME CHINOISE DANS L’INDUSTRIE (texte très important)

shanghai-01.jpgVoici un extrait d’un très gros dossier sur la Chine qu’ont publié ou que vont publier nos camarades du PTB (Belgique), comme à leur habitude il s’agit d’un dossier extrêmement bien documenté et d’une analyse qui tranche avec les « rumeurs » courant sur la Chine. Voici donc une analyse ou plutôt un extrait d’analyse sur l’économie chinoise dans lequel est abordée la question centrale de la propriété socialiste et des réformes. Cette analyse est précédée de toute une mise en perspective de la situation chinoise, un pays sous développé qui avance à marche forcée et qu’il faut comparer à ce qui est comparable, par exemple à l’Inde. Comme l’indiquent nos camarades du PTB, durant les 29 années qui ont suivi le lancement des réformes aucune économie au monde n’a connu une croissance aussi rapide que celle de la Chine. En 1978, le produit national brut chinois par tête était le même que celui de l’Inde, aujourd’hui le PNB chinois est le double de celui de l’Inde. En Chine, 91% de la population sait lire et écrire contre 65% en Inde. En Chine, 98 % des enfants de 6 à 12 ans vont à l’école contre 50% en Inde. En 1978, la production alimentaire chinoise par tête se situe loin  au dessous de la moyenne mondiale, depuis la Chine a largement comblé ce retard. Il faudrait multiplier les faits, bien expliquer comme le fait le dossier les problèmes du sous développement dans un pays qui a un milliard d’habitants à nourrir. Comme le dit très bien un article que je suis en train de traduire sur l’université chinoise : la Chine, » sa modernisation accélérée et sa transformation en une des plus remarquables puissances mondiales du XXI e siècle sans que pour autant paradoxalement ce pays cesse d’être un pays du Tiers-Monde », cette caratéristique explique pour une part que nous ayons tant de mal à comprendre un pays qui abrite 22% de la population mondiale.  

Le dossier duquel est extrait ce texte est signé Peter Franssen et la version à laquelle je me réfère date de mars-avril 2007.

Danielle Bleitrach

La réforme de l’industrie


La réforme de l’industrie démarre de façon expérimentale. Dans la province de Sichuan, en octobre 1978, six entreprises d’État peuvent prendre les devants dans l’extension de l’autonomie des entreprises. La responsabilité de la production se déplace en partie de la structure d’État vers l’entreprise même. Jusqu’à cette date, la nature et le volume de la production dans les entreprises ont été déterminés par les autorités. Désormais, les six entreprises du Sichuan qui atteignent les objectifs économiques peuvent garder pour elles-mêmes jusqu’à 20 pour cent du bénéfice de leur excédent de production. Les travailleurs reçoivent des primes quand ils dépassent la production à atteindre. Sur un chantier naval, par exemple, les travailleurs perçoivent un bonus dès qu’ils dépassent la quantité imposée de 55 chargements. En un minimum de temps, la quantité digérée par travailleur passe de 30 mud (un mud représente environ 70 kilos) à 80 mud, soit plus que le doublement de la productivité . L’expérience du Sichuan est très rapidement imitée. Fin 1980, 6.600 grandes et moyennes entreprises appliquent déjà le système. Ensemble, elles représentent 60 pour cent du volume industriel et 70 pour cent des bénéfices de l’industrie.

L’extension de l’autonomie des entreprises constitue le prologue de la réforme qui se poursuit de nos jours encore. Cette plus grande autonomie débouche sur les droits de conserver les bénéfices, de gérer son propre arrivage de matières premières et d’équipements, et de gérer de même la vente de ses produits finis. Les entreprises doivent définir leur propre gestion et le système des subsides d’État et de l’achat par l’État de leurs produits est remplacé par un impôt sur les bénéfices. Dans les entreprises, la productivité croît aussi via l’instauration de schémas de travail plus stricts et plus disciplinés, la suppression du statut de maintien à vie de hetzelfde l’emploi, une rémunération supérieure au fur et à mesure que le volume et la qualité du travail augmentent. Des études économétriques montrent que, dès le début des réformes, la productivité des entreprises d’État augmente, surtout dans les entreprises où les réformes ont été poussées le plus loin .
 Dans les années 1990, s’enclenche une nouvelle phase de réformes dans lesquelles les autorités se concentrent sur les grandes entreprises d’État. En 1993, les petites et moyennes entreprises d’État constituent 95 pour cent de toutes les entreprises d’État, mais ne détiennent toutefois que 38 pour cent du capital fixe .  Cette année, le Comité central décide que l’État et ses organes subalternes peuvent procéder à la vente des petites et moyennes entreprises d’État. La vente se fait généralement au management existant et au personnel. Ce processus connaît une grande accélération quand, en 1998, le Premier ministre Zhu Rongji proclame la ligne du zhuada fangxiao, gardez les grosses et laissez aller les petites. Une bonne moitié des entreprises d’État sont donc cédées. Il s’agit pour la plupart de petites et moyennes entreprises et tombent sous la juridiction des autorités locales et non sous celle de l’appareil central de l’État. Le secteur d’État est moins étendu mais le contrôle par l’État est plus efficace et ce même secteur d’État devient donc plus rentable, ce qui lui permet de strakker mieux diriger les parties restantes de l’économie . Ce projet a toujours cours aujourd’hui. Du 5 au 7 décembre 2006 a eu lieu à Beijing une conférence centrale de travail concernant l’économie, sous la direction du président du parti Hu Jintao et du Premier ministre Wen Jiabao. L’une des conclusions a été la suivante : « Nous devons continuer à approfondir la réforme des entreprises d’État à la lumière de la consolidation de leur compétitivité et de leur faculté de contrôler et diriger l’ensemble de l’économie . »

Le poids du secteur d’État


Selon ses structures de propriété, on peut sous-diviser l’industrie en Chine en une partie placée sous propriété communautaire, une partie privée et une partie qui est un mélange des deux premières. La partie sous propriété communautaire prend à son compte 38 pour cent de la production, la partie privée 30 pour cent et la partie mixte 32 pour cent . Ces proportions ont à peine changé depuis la fin des années 1990 . Dans la partie mixte, on trouve des entreprises où la communauté a un rôle dominant et d’autres où c’est le privé qui est majoritaire. On ignore les proportions exactes, dans cette partie de l’industrie.
 Fin 2006, le nombre d’entreprises sous contrôle de l’État et de ses organes subalternes s’élevait à 122.000, soit 11 pour cent du nombre total des entreprises industrielles. Les entreprises d’État sont caractérisées par leur production de masse, leur important capital fixe et leur main-d’œuvre considérable. Même si elles ne constituent que 11 pour cent du nombre total d’entreprises, les entreprises d’État prennent néanmoins à leur compte la quasi-moitié du profit total réalisé .
 Au printemps 2005, la Fédération nationale des Entreprises de Chine publie un Top-500 des plus grosses entreprises. Le numéro un de cette liste est Sinopec, la première compagnie pétrolière. À peine 15 pour 100 des entreprises de ce Top-500 sont privées, toutes les autres sont des entreprises d’État. Les dix premières sont également de gigantesques entreprises d’État comme State Grid, CNPC et China Mobile, dont les bénéfices communs s’élèvent à 47 pour cent du total du Top-500 .
 Au printemps 2006, China United Financial Consultants, de son côté, établit un Top-100 de toutes les entreprises cotées en bourse. Ici aussi, la plupart des places en vue sont réservées aux entreprises d’État : 21 d’entre elles, comme Sinopec, Baosteel Steel, Sinoair et COSCO prennent à leur compte 68 pour cent du volume d’affaires du Top-100. Des 1.300 et quelques entreprises cotées en bourse, le Top-100 établi par China United Financial Consultants ne constitue qu’une petite minorité. Et pourtant, ces cent entreprises prennent pour elles 70 pour cent du bénéfice net total de toutes les entreprises cotées en bourse .
 En 1998, trois entreprises chinoises figuraient dans le Fortune 500 du magazine Forbes, la liste des 500 plus grosses entreprises au monde. En 2005, elles sont 15. Toutes sont des entreprises d’État.
 Bien que moins nombreuses, ce sont quand même les entreprises d’État qui dirigent l’économie. L’économie privée ligt ingebed est reprise dans la partie de l’économie contrôlée par les autorités. L’État détient tous les postes de commandement économique. Il détient le monopole ou, à tout le moins, la majorité dans les secteurs économiques qui forment l’épine dorsale de toute l’économie et qui en constituent les fers de lance : le secteur financier, celui de l’énergie, celui de l’acier, la pétrochimie, les télécommunications, la construction navale, la construction aéronautique, les métaux ferreux et non ferreux, les mines, le transport, le secteur automobile, celui de la construction. Même dans les secteurs moins essentiels comme l’industrie du tabac, le commerce de gros, l’industrie brassicole et les textiles, ce sont les autorités qui assurent le contrôle.
 Le journal boursier britannique Financial Times constate : « Des gens de l’extérieur croient que le secteur capitaliste en Chine peut suivre sa voie avec le soutien et l’aide du gouvernement communiste. En réalité, les entreprises privées doivent travailler dans le cadre que leur imposent les entreprises d’État et les autorités politiques. Tous les secteurs clés sont dominés par les entreprises d’État . » Et aussi : « Le principe directeur de Beijing est de ne pas renoncer aux postes de commandement léninistes dans l’économie et la politique mais, au contraire, de les renforcer. Le secteur privé reste entravé par les limitations et les discriminations imposées par les autorités . »
 Bert De Graeve, secrétaire général de Bekaert, la multinationale belge du fil d’acier qui a des usines en Chine, déclare : « Le grand avantage de la Chine, c’est que, si vous êtes sur la voie qu’ils désirent, vous n’avez qu’une chose à faire, c’est courir pour essayer de suivre. Je pense qu’il serait malaisé de faire quelque chose qu’ils ne désirent pas. La politique y est naturellement pour beaucoup et on sait que le parti est plus important que la seule politique pure. Le parti est le véritable centre du pouvoir . »  Autre témoin privilégié, Gilbert Van Kerckhove, qui réside en Chine depuis un quart de siècle déjà et qui est actuellement consultant pour Olympic Economics, une instance des autorités qui entend rentabiliser au maximum les jeux Olympiques de 2008 sur le plan économique. Gilbert Van Kerckhove déclare : « Les profanes renvoient aux investissements étrangers et au pourcentage en baisse des entreprises d’État, et ils en concluent que l’État est occupé à perdre son contrôle. Mais il ne faut pas se bercer d’illusions. L’État a bel et bien la mainmise sur l’économie. La National Development and Reform Commission est la nouvelle appellation de l’économie étatique planifiée d’antan. Elle est active tant sur le plan national que régional. Ce sont eux qui, dans les faits, dirigent l’économie. Aucun projet n’est approuvé sans leur bénédiction . »
  En mai 2003, le gouvernement crée un nouveau ministère sous l’appellation de State Council’s State-Owned Assets Supervision and Administration Commission ou SASAC (Commission du Conseil d’État pour la Supervision et l’Administration des avoirs de l’État), qui se voit confier la tutelle des 196  entreprises prioritaires de l’État. Ces entreprises doivent devenir le noyau de l’économie chinoise et assumer la direction centrale de l’ensemble de l’économie. Chacune d’entre elles emploie en moyenne 67.000 personnes. Gilbert Van Kerckhove, déjà cité un peu plus faut, déclare : « On ne retrouve pas seulement les gens de la SASAC dans les conseils d’administration des entreprises publiques mais, par des voies détournées, dans les entreprises privées également. Dans ces dernières, les autorités exercent aussi leur influence, même si c’est d’une autre façon. Bien des gens ne le comprennent pas. Les firmes ont souvent l’air d’être à 100 pour 100 privées, mais les apparences sont trompeuses. Dans de très nombreuses entreprises de ce type, les autorités conservent une participation minoritaire, parfois de 5 ou 10 pour 100 seulement. Toutes ces participations minoritaires sont dirigées par des organes de l’État. Je puis vous dire qu’on les écoute, ces 10 pour 100, de même qu’on écoute l’éventuel conseil des autorités locales. Imaginez que le management d’une entreprise ne tienne pas compte de ce conseil : dans ce cas, il y a de fortes chances pour que, tôt ou tard, tegen de lamp loopt il se fasse rappeler à l’ordre . »
  Bref, la construction de l’économie s’opère en un front uni des entreprises d’État et des entreprises privées, zoals we in de strijd tegen de Japanse bezetter een eenheidsfront gezien hebben tussen de Communistische Partij en de burgerlijke Guomindang. La direction de ce front uni est aux mains du Parti communiste. C’est lui qui définit ce que fait le front uni et la direction que doit prendre l’économie.
 Le chef de la SASAC est Li Rongrong. Dès sa nomination, il déclare aux managers des 196 géants : « Si vous ne pouvez pas faire partie du top trois dans votre secteur, préparez-vous dès lors à être repris par une autre entreprise . » Et trois ans plus tard : « Depuis la création de la SASAC, nous avons demandé aux entreprises prioritaires de l’État d’accroître leur compétitivité internationale et de tendre à devenir les numéros un, deux ou trois de leur secteur économique. Nous avons franchi de grands pas dans cette direction . » 
 En 2006, toutes les entreprises d’État réalisent ensemble un bénéfice de 1.100 milliards de yuan (environ 110 milliards d’euros). Les 159 entreprises qui tombent sous la tutelle de la SASAC (via des fusions et remaniements entre elles, leur nombre a été ramené de 196 à 159) en prennent les trois quarts pour leur compte. En 2005, les bénéfices des entreprises d’État augmentent de 19 pour cent par rapport à l’année précédente. En 2006, ils augmentent de 18,5 pour cent. L’augmentation au sein des 159 entreprises d’État prioritaires est de respectivement 28 et 29 pour cent .
 Le gouvernement a l’intention de réduire à 80 ou 100 le nombre de ces entreprises prioritaires de l’État en les fusionnant. Les 80 les plus grosses contrôlent aujourd’hui déjà plus de 90 pour cent du capital des 158 entreprises prioritaires et elles génèrent 99 pour cent de leur bénéfice total .
 Prenons l’exemple du secteur de l’acier. Voici la liste du top dix des principales aciéries qui, à l’exception de la cinquième, sont toutes des entreprises d’État  :

Producteur Volume en 2005 (millions de tonnes) Volume en 2004 (millions de tonnes)
Shanghai Baosteel 23,8 21,4
Anben 18,4 16,8
Tangshan 16,1   7,7
Wuhan 12,0   9,3
Jiangsu Shagang 10,5   7,6
Shougang 10,4   8,5
Jinan 10,4   6,9
Laiwu 10,3   6,6
Maanshan   9,6   8,0
Panzhihua   6,2   6,0

 La Chine est le plus gros producteur d’acier au monde. Pourtant, un seul producteur d’État chinois, Shanghai Baosteel, fait partie du top dix mondial. En Chine, la production d’acier est très fragmentée et ce n’est pas bon pour la rentabilité. En 2005, on trouve plus de 1.000 producteurs d’acier dont 33 seulement lancent plus d’un million de tonnes, annuellement, sur le marché. Le 20 avril 2005, le gouvernement décrète le Plan de développement de l’industrie sidérurgique à moyen et long terme. On peut y lire : « Nous devons renforcer le contrôle et la gestion du secteur de l’acier sur le plan macroéconomique. Nous allons soumettre le lancement de nouvelles aciéries à des conditions sévères et limiter l’extension individuelle de la production de sorte que le volume, la nature et le lieu de la production soient mieux contrôlés et que nous puissions mieux procéder à la restructuration du secteur. La production d’acier doit être pleinement concentrée dans le top dix des plus grosses entreprises. Cela nous donne non seulement la possibilité d’accroître leur rentabilité, mais aussi de réduire considérablement la consommation d’énergie et d’eau par tonne d’acier produite . » En juillet 2005, le gouvernement publie un nouveau document disant que les plus grosses entreprises du secteur doivent croître en volume en absorbant les autres producteurs d’acier . Depuis lors, le numéro 2 chinois, Anben (12e mondial), a fusionné avec le producteur Liuzhou (52e mondial). Le numéro 3 chinois, Tangshan (18e mondial), a fusionné avec Xuangang (68e mondial). Au cours des années à venir, d’autres fusions auront encore lieu, de sorte qu’au sommet apparaîtront trois ou quatre géants de format réellement mondial.
 Les organisations patronales américaines du secteur de l’acier ne sont pas contentes de l’évolution de la situation. Dans un rapport involontairement drôle, elles écrivent que c’est de la faute du gouvernement chinois si le secteur chinois de l’acier est devenu le premier au monde en un minimum de temps. Les patrons américains déclarent : « Sous de véritables conditions de marché, la Chine n’aurait pas pu développer une industrie sidérurgique qui, de façon incroyable, prend à son compte 31 pour cent de la production mondiale totale d’acier. La sidérurgie chinoise dans sa forme actuelle est une création du gouvernement chinois . » En fait, cela revient à dire ceci : dans le secteur de l’acier, base de l’industrie lourde, l’économie planifiée socialiste s’avère supérieure à notre économie libre-échangiste je ne suis pas sûr si c’est bien traduit: ‘onze vrije markteconomie’ qui est la définition courante de ‘onze kapitalistische economie’. Eh bien, oui, si ce sont des patrons américains eux-mêmes qui le disent…
 Nous assistons à pareille création d’entreprises géantes, entre autres dans le secteur de la construction navale où, après fusions, reprises et restructurations mutuelles, est née la China State Shipbuilding Corporation (CSSC), le numéro 3 mondial en 2006. En 2002, la CSSC n’était encore que numéro 8. À elle seule, la CSSC prend à son compte 43 pour cent du total de la production navale chinoise. Dans les dix ans, la CSSC doit devenir le numéro 1 mondial et faire de la Chine le plus gros producteur naval de la planète .

Les multinationales capitalistes vont et viennent
En Chine, sont actives un demi-million d’entreprises étrangères. En 2004, elles ont vendu en Chine pour 400 milliards de dollars de produits et elles ont exporté de Chine des produits assemblés pour une valeur de 350 milliards de dollars. Entre 1990 et 2004, les activités en Chine des firmes américaines ont rapporté à ces dernières un bénéfice total de 250 milliards de dollars .
 La présence d’investisseurs étrangers n’a vraiment démarré qu’au début des années 1990. En 1990, les investissements étrangers étaient de 3 milliards de dollars. Pour 2005, ils étaient passés à 53,5 milliards de dollars. Les entrepreneurs qui investissent le plus viennent de  :

 Hong Kong :  17,0 milliards
 Japon :   5,0 milliards
 Corée du Sud :  4,4 milliards
 États-Unis :  4,2 milliards
 Taiwan :  3,3 milliards
 Singapour :  2,0 milliards
 
Ce montant de 53 milliards de dollars semble énorme. Pourtant, cela ne fait que 37 dollars par Chinois.  En guise de comparaison : la moyenne mondiale est de 120 dollars, la moyenne des pays développés est de 420 dollars et celle des pays sous-développés de 42 dollars . À mesure que l’économie chinoise se développe, elle fait de moins en moins appel aux investisseurs étrangers. En 1999, la part des investissements étrangers représentait 7 pour cent des investissements totaux en Chine. En 2005, ce pourcentage a diminué et n’était plus que de 4 pour cent . L’appareil économique chinois tourne à 95 pour cent sur ses propres investissements, ce qui constitue un pourcentage exceptionnellement élevé.
 Aujourd’hui, les Chinois ont toujours besoin du capital, de la technologie et des techniques de management des économies capitalistes hautement développées, mais ce besoin diminue en permanence. En juin 2005, le Bureau politique du Parti communiste déclare : « Notre politique d’encouragement des investissements étrangers doit être plus sélective. Les investissements étrangers doivent aller prioritairement à l’agriculture, aux technologies de pointe, à la rénovation des vieilles bases industrielles et à la Chine centrale et occidentale. Il faut que soit mis un terme aux investissements étrangers dans des projets ordinaires . » John Surma, le grand patron de la US Steel Corporation, dit en exagérant un peu et, surtout, avec une certaine irritation : « La Chine nous montre clairement que les entreprises internationales ne sont plus les bienvenues . » Lu Jianfeng, directeur de la section Finances du gouvernement provincial du Jiangsu, répond : « La Chine a désormais assez de capital pour que nous nous montrions sélectifs dans l’acceptation d’investissements étrangers . »
 Dans divers secteurs économiques, les Chinois sont occupés à l’emporter sur les entrepreneurs étrangers. Par exemple, dans l’automobile. Il y a dix ans, les constructeurs automobiles chinois n’étaient pour ainsi dire nulle part. Aujourd’hui, ils ont conquis 30 pour cent du marché automobile chinois. Les constructeurs chinois sont sous la direction des trois plus grands d’entre eux : First Automobile Works, Dongfeng Motor et Shanghai Automotive Industry, trois entreprises d’État. Toutes trois ont acquis du savoir-faire en contractant des alliances avec des constructeurs automobiles étrangers que, désormais, elles refoulent progressivement en Chine .
 Un autre exemple, c’est celui des équipements en télécommunications. Ce secteur lui-même (réseaux, opérateurs) est entièrement aux mains de l’État. Mais les équipements en télécommunications étaient jusqu’il y a peu contrôlés par les multinationales capitalistes comme Nokia, Motorola, Ericsson. Ici aussi, les autorités chinoises ont suivi la politique du yi shichang huan jishu, l’accès à notre marché en échange de technologie. Dans la production d’équipements de télécommunications, le gouvernement chinois affirme qu’il opère en trois étapes : 1) importer, 2) absorber et acquérir, 3) croître et s’installer sur le marché. En 1998, il était quasiment impensable, en Chine, de se procurer des GSM de fabrication chinoise. Aujourd’hui, 51 pour cent du marché chinois est aux mains de marques chinoises .
 Les gros avions qui sillonnent l’espace aérien chinois sont tous des Boeing américains ou des Airbus européens. Mais, à partir de 2008, la Chine va construire elle-même ses gros transporteurs de passagers. Fin 2005, Airbus concluait le plus important contrat de son histoire. Lequel stipulait qu’Airbus allait livrer à la Chine 150 appareils de type A320 pour un montant de 8 milliards d’euros. Une clause de ce contrat prévoit également qu’Airbus s’engage à utiliser la technologie la plus avancée dans les appareils qui seront en partie construits en Chine même. Alain Wang travaille en qualité de consultant pour des multinationales françaises désireuses d’investir en Chine. Il met en garde : « Les Occidentaux sont en train de faire de grosses erreurs avec la Chine : ils sont prêts à tout pour lui vendre leurs produits. » Et de citer l’exemple d’Airbus, qui « a accepté des transferts massifs de technologie pour pouvoir emporter de juteux contrats dans ce pays. Une logique quasi suicidaire, à long terme », dit il .
 La même chose se passe dans la production de locomotives. En octobre 2006, le groupe français Alstom conclut avec le gouvernement chinois un contrat prévoyant la livraison de 500 locomotives les plus modernes. Le contrat vaut 1 milliard d’euros. Le contrat prévoit qu’Alstom doit conclure un accord temporaire de collaboration avec l’entreprise d’État chinoise Datong Electric Locomotive pour la construction des locomotives. Le partenaire chinois accède ainsi à la technologie de pointe la plus sophistiquée d’Alstom. La direction d’Alstom admet qu’à long terme, ça va écarter la firme française même du marché chinois. Drewin Nieuwenhuis, directeur de l’organisation patronale européenne Unife dans ce secteur, déclare : « Le grand problème, c’est toujours le transfert de technologie. Les Chinois ne sont pas stupides et ils ont d’excellents négociateurs. Ils veulent toujours que les technologies les plus modernes soient prévues dans l’ensemble des conditions. » Après la firme canadienne Bombardier, Alstom est le numéro 1 dans ce secteur. Siemens, le numéro 3 mondial, a pu participer à la liaison à très grande vitesse entre Shanghai et son aéroport, à condition d’amener sa technologie de pointe dans ses bagages. Pour les liaisons ferroviaires de la province du Tibet, Bombardier a pu livrer les locomotives qui doivent être à même de supporter les conditions particulièrement dures de l’Himalaya. Mais Siemens et Bombardier ont été soumis aux mêmes conditions que Alstom. Neil Harvey, un directeur de Bombardier, déclare : « Nous acceptons ces conditions, sans quoi le contrat nous passe tout simplement sous le nez . »  
 Même dans le secteur high tech, les multinationales capitalistes doivent lâcher du lest. Les entreprises chinoises se développement trois fois plus vite ici que les étrangères. Sur le plan de la productivité et des innovations, elles sont occupées à combler le fossé qui les sépare de leurs concurrentes étrangères . Au milieu des années 1990, il n’existait pratiquement pas de firmes chinoises spécialisées dans la haute technologie. Mais, en 2004, elles couvrent déjà 67 pour cent du marché chinois et les observateurs s’attendent à ce qu’elles en couvrent plus de 80 pour cent en 2010. Pourquoi ? Elles travaillent avec de très faibles marges bénéficiaires afin de mener à bien leur stratégie politico-économique et, pour ce faire, elles reçoivent l’aide de l’État chinois .
 Au printemps 2007, le parlement chinois décide de mettre la barre à la même hauteur pour tout le monde, dans l’impôt sur les sociétés. Jusqu’à présent, les entreprises étrangères doivent payer un impôt de 15 pour cent sur leurs bénéfices. Pour les entreprises chinoises, cet impôt est de 33 pour cent. À partir de 2008, le tarif sera de 25 pour cent pour les deux. Une pilule amère, pour les entrepreneurs étrangers, car leurs impôts vont grimper de deux tiers. Les conditions sont toutes différentes aujourd’hui d’il y a dix ans, lorsque la Chine avait bien davantage besoin des multinationales capitalistes .
 

  
 

2 commentaires

  1. je voudrais également souligner un fait dont nous n’avons pas la moindre idée en France, le caractère attractif de la Chine sur tous les pays en voie de développement. Le sociologue indien Ramgopal Agarwala disait: »Dans l’histoire de l’humanité aucune autre expérience ne mérite autant l’admiration que celle de la Chine. D’autres pays feraient bien de s’en inspirer au maximum » (1). Il faut bien en effet mesurer l’humiliation, la colère de ces pays du Tiers-monde (la Chine à qui on a imposé par exemple l’usage de l’opium, qui a subi des massacres terribles ne se comprend pas sans cette volonté farouche de vaincre l’humiliation, de sortir de la misère). Il y a dans l’arrogance occidentale quelque chose qui va au-delà du pillage et qu’illustre assez bien l’invraisemblable attitude de l’Université de columbia face au président iranien et que peuvent de moins en moins supporter d’antiques civilisations confrontés à la barbarie de celui qui posède des armes et croit être le maître. Mais ce qui est également intéressant c’est de mesurer comment la victoire sur l’ex-URSS s’est exercée dans des conditions humiliante pour ce pays, un dépeçage interne et externe, on ne comprend rien à l’adhésion du peuple russe à Poutine si on ne perçoit pas cela. Poutine a restauré l’honneur perdu des Russes. Et l’attitude de l’occident a rejeté une grande partie de l’opinion russe vers l’orient, vers la Chine. Comme le prouve à titre d’exemple cet interview.

    Interview de Nikolaï Ryjkov, président de la Commission sur les monopoles naturels du Conseil de la Fédération (Chambre haute du parlement russe), ancien président du Conseil des ministres de l’URSS . Ria Novosti. 08/08/07

    il explique : « Je regrette beaucoup qu’entre 1989 et 1991, quand l’URSS s’est retrouvée à la croisée des chemins, obligée de se choisir un nouveau modèle de développement économique, un point de vue erroné ait prédominé. »

    Q: On vous connaît comme un grand ami du peuple chinois…

    R: Je suis fier d’avoir figuré, à la fin des années 1980, parmi les personnes peu nombreuses qui proposaient de tourner la page de 25 années dramatiques dans les relations russo-chinoises et d’engager une coopération mutuellement avantageuse. J’insistais à l’époque sur la nécessité de la normalisation de nos relations avec la Chine.

    Q: Que pensez-vous des relations actuelles entre la Russie et la Chine?

    R: Elles ne sont pas mauvaises. Bien des décisions de taille ont été adoptées dans leur cadre. L’Année de la Russie en Chine a connu un grand succès en 2006, et l’Année de la Chine est en train de se dérouler en Russie en 2007. Une délégation de femmes chinoises est récemment venue à Moscou à l’invitation du Conseil de la Fédération.

    Il m’est souvent arrivé d’aller en Chine, où je me trouvais en visite pour la dernière fois au mois de mars dernier. En 2003, j’y ai revu mon ami de longue date Li Peng, qui m’a offert deux beaux albums de photos.

    Tout ce qui se fait en Chine depuis une vingtaine d’années mérite le plus profond respect. Je regrette beaucoup qu’entre 1989 et 1991, quand l’URSS s’est retrouvée à la croisée des chemins, obligée de se choisir un nouveau modèle de développement économique, un point de vue erroné ait prédominé. Toutefois, en 1995, Li Peng m’a dit que mes propositions de réforme de l’économie soviétique formulées à la fin des années 1980 ressemblaient beaucoup à la réforme chinoise. J’étais de son avis: « Il nous aurait fallu emprunter la voie chinoise, mais malheureusement d’autres forces ont alors pris le dessus ». J’envie les Chinois parce qu’ils ont choisi la bonne voie de développement. De nos jours, les succès et les acquis de la Chine ne sont contestés par personne dans le monde. C’est l’un des grands mérites de Deng Xiaoping. Les taux de croissance économique en Chine sont vraiment frappants: 10, 12, 14%! Les Chinois refreinent même quelque peu ces cadences, craignant une surchauffe de l’économie.

    En l’espace de douze ans, de 1995 à 2007, d’immenses transformations se sont opérées dans l’empire du Milieu. A Shanghai, par exemple, j’ai vu dans les rues bien des Toyota, des Mercedes et des Audi. J’ai dit: « Vous êtes un pays riche, pour acheter des voitures aussi chères ». Et les Chinois de me répondre: « Vous vous trompez, nous n’achetons pas toutes ces voitures – nous les fabriquons nous-mêmes! » A l’heure actuelle, on assemble déjà en Chine des avions conjointement avec les Européens. Je peux dire que notre parc d’aviation en Russie, et surtout sur celui des lignes intérieures, ne supporte pas la comparaison face au parc d’aviation des lignes locales en République populaire de Chine.

    Q: Pendant de longues années vous avez travaillé au poste de président du Conseil des ministres de l’Union soviétique. Comment pourrait-on aujourd’hui améliorer la coopération économique entre la Russie et la Chine? Qu’en pensez-vous?

    R: On ne peut évaluer notre coopération de manière tranchée, car les formes mêmes de coopération du temps de l’URSS et celles d’aujourd’hui sont parfaitement différentes. Il y avait à l’époque un tout autre système, d’autres formes de coopération économiques, y compris une assistance soviétique, l’URSS ayant construit en Chine plus de 200 entreprises sidérurgiques, de construction automobile, aéronautiques et d’armements.

    De nos jours, tout a changé. On observe aujourd’hui un tout autre modèle économique. Nous vivons à l’heure actuelle dans le contexte des relations de marché. A présent, celui qui gagne est celui qui vend une marchandise de qualité au meilleur prix.

    Il faut augmenter sensiblement le chiffre d’affaires du commerce entre la Russie et la Chine. En ce moment, notre industrie de la chaussure souffre énormément de l’expansion chinoise. Aussi bon nombre d’entreprises russes mettent-elles tout simplement la clé sous la porte.

    Une grande attention est réservée en Chine à la promotion des technologies innovantes. J’en ai déjà parlé en 1995 après avoir visité des zones économiques libres à Shanghai. En 1995, il n’y avait là qu’une seule tour de télévision, entourée de simples villages. Aujourd’hui 2,5 millions de personnes y habitent! C’est toute une ville avec des instituts, des salles d’expositions et ainsi de suite. Quoi qu’il en soit, notre gouvernement s’est mis alors à créer des zones économiques libres de type offshore. Ce sont des zones tout à fait différentes de celles qu’on trouve en Chine. J’espère cependant que la riche expérience chinoise en matière de création de zones économiques libres nous sera encore très utile.

    Q: Quels sont les grands axes de votre travail au poste de président de la Commission sur les monopoles naturels du Conseil de la Fédération?

    R: Je m’occupe des problèmes des monopoles naturels, qu’il s’agisse du secteur gazier, des télécommunications, des transports, y compris des chemins de fer, et de l’énergie, dont le nucléaire civil. Nous avons aussi en charge les problèmes de l’industrie pétrolière. De nos jours, notre pays, et surtout son potentiel d’exportation, s’appuie essentiellement sur la production des monopoles naturels. La contribution des monopoles naturels au budget fédéral de la Russie approche 60%. Une telle situation s’observera sans doute encore longtemps. La part des constructions mécaniques dans les exportations russes ne constitue que 3% tout au plus. Autrement dit, aujourd’hui la construction de machines n’est pas compétitive en Russie. Somme toute, les monopoles naturels définissent aujourd’hui le développement économique de notre pays. A mon avis, une telle disproportion est néfaste. On ne peut pas construire le modèle de développement économique de l’Etat sur la base de sources qui ne sont pas récupérables, car dans 20, 30 ou 40 ans, il est possible que la génération suivante n’ait tout simplement plus de gaz ni de pétrole. C’est pourquoi j’admire l’exemple de bien des pays du Proche-Orient. Ainsi, l’Arabie Saoudite, qui regorge littéralement de pétrole, a un budget et un produit intérieur brut (PIB) qui se forment à plus de 60% grâce au raffinage du brut. Par ailleurs, ce pays développe les constructions mécaniques et l’industrie du tourisme. La Russie doit, elle aussi, développer d’autres branches. Nous devons avoir des constructions mécaniques compétitives, et de fortes industries chimique et sidérurgique.

    Pour promouvoir la construction aéronautique et navale, ainsi que le nucléaire, des holdings d’Etat ont été créés en Russie. Nous proposons de créer aussi une structure – un comité ou une agence – qui puisse coordonner le développement de l’industrie chimique.

    Propos recueillis par Iouri Ploutenko.
    (1) Josuha Cooper Ramo, the Beijing consensus, The Foreign Policy Centre, Londres 2004, p.36

  2. nous portons a voutre conaissonce que j’ai lire ce text
    je vous remerci pour cet information
    j’ai bosoine les information sur la réforme des équipement mécanique
    je vous prée informé moi
    et merci


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