Cuba: le « miel du pouvoir » et les signes de pragmatisme Par Oleg Viazmitinov, correspondant de RIA Novosti à Cuba suivi d’un article du correspondant de la Jordana

1178510491L’analyse du correspondant de Ria novosti est proche de celle que j’ai faite hier puisque à l’inverse des autres commentaires il ne se jette pas sur l’idée que les raoulistes remplaceraient les fidélistes mais s’interroge d’abord sur le contexte des nécessités cubaines. S’il y a eu une caractéristique des dirigeants cubains, un héritage non seulement de la pensée politique de Fidel Castro mais au-delà de lui de tous ceux qui l’ont précédé dans la volonté d’indépendance de l’île, à commencer par José Marti, c’est bien cette inscription dans l’histoire, cette volonté de tracer le destin d’une nation sur des bases éthiques qui donnent à Cuba véritablement une âme et se combine avec un pragmatisme, une rationalité exemplaire, un esprit de responsabilité dans un total dévouement.   Cuba représente la plus belle aventure humaine que le XXe a pu voir se  réaliser, qu’en sera-t-il au XXI e ? Nul ne le sait , mais comme l’avait dit Fidel dans le discours du 18 novembre 2005 à l’Université, Cuba a fait la preuve que personne ne pourrait détruire son socialisme, sa nation indépendante, personne sauf les Cubains eux-mêmes. Et là se pose, comme je l’ai écris hier, un triple questionnement, celui du remplacement de Fidel et d’une génération héroïque qui avait la confiance des Cubains, la nécessité d’institutions pour péréniser leur oeuvre. La deuxième question est celle des réformes dans une situation de crise, la troisième est celle des négociations sur le blocus et la relation à « l’ennemi ». Mais ce contexte pose aussi celui des dirigeants aptes à conduire un peuple et en quoi l’histoire les forme. Il y a l’article de Ria novosti mais suivent des extraits de l’article d’aujourd’hui du correspondant de la Jordana (Mexique)  à la Havane qui resitue bien le remaniement ministériel dans le contexte de ce qui semble être la négociation avec les Etats-Unis et l’appréciation du danger. Est jointe également la copie des deux démissions paru dans granma de jeudi.  Il est probable que comme cela s’était passé avec Robaina, les Cubains sont prévenus des dessous de l’affaire dans leur diverses instances, le parti mais aussi les organisations de masse, le syndicat).

Au delà de la péripétie, de l’événement cela pose la question du parti, des institutions, et des hommes…  Et de la génération qui est celle en âge d’exercer le pouvoir qui surgit en Amérique latine mais qui a du mal  parfois à prendre l’essor nécessaire aux tâches qui l’attendent.. Nous connaissons cette difficulté en France avec la génération que l’on a appelé « la génération Mitterrand' » qui sitôt la gauche au pouvoir s’est précipité non pour servir le peuple mais pour se servir… Elle a durablement marqué la gauche dans son ensemble, détruit l’idée d’une alternative, diffusé le cynisme et d’autres ont grandi dans les temps de contrerévolution en fuyant la bataille et hantant les allées du pouvoir, le « sérail » … C’est un problème général, des institutions, des organisations de lutte qui se sont détruites et des arrivistes, des corrompus qui alors font « carrière », ce que décrivait Fidel à l’Université et qu’il applait « les petits empereurs » et dont il dit dans sa dernière réflexion qu’ils n’ont fait aucun effort, le pouvoir leur a été donné, on sent alors de la colère et du mépris, « parlons plutôt du base ball, c’est plus sérieux! »… Et sa réflexion sur sa rencontre avec Léonel est en fait guidée par l’idée « qu’est-ce qu’un dirigeant, comment son histoire et l’Histoire le forment-elles pour qu’il soit digne de sa charge envers son peuple »… Vaste question vu les médiocres que nous avons à profusion en France, ceux qui détruisent tout sous le poids  de leur vanité et leur soif de privilèges…   C’est une période historique mais celle qui vient verra peut-être surgir des luttes de véritables révolutionnaires… Enfin je l’espère parce que partout les temps vont être difficiles et Cuba n’est certainement pas le pays le plus mal placé pour les affronter.. (note de danielle Bleitrach)


21:49 | 05/ 03/ 2009
  
 L’article de Ria novosti

 Des informations majeures concernant Cuba sont tombées ce lundi : plusieurs ministres parmi les plus importants ont été limogés et quatre ministères ont fusionné. Les fils d’informations des agences occidentales et les analyses des journaux influents ont abondé en suppositions selon lesquelles le revirement effectué dans la politique intérieure cubaine s’expliquerait par le désir de Raul Castro, le dirigeant actuel du pays, de se débarrasser des hauts fonctionnaires qui travaillaient déjà au gouvernement à l’époque de Fidel Castro et de consolider ainsi sa propre équipe.

Cependant, au lendemain de cette annonce, le leader de la révolution cubaine en personne a fait connaître son évaluation des événements. Dans un article intitulé « Changements salutaires au sein du Conseil des ministres », Fidel Castro a critiqué les ministres limogés, en déclarant que « le miel du pouvoir » avait développé chez eux « des ambitions qui les ont conduits à jouer un rôle indigne ».

On retiendra avant tout, dans ce remaniement, le limogeage du chef de la diplomatie cubaine, Felipe Pérez Roque, et du secrétaire du Conseil des ministres, Carlos Lage.

Felipe Pérez Roque dirigeait la diplomatie cubaine depuis près d’une dizaine d’années, les dernières ayant été marquées par des succès importants en politique étrangère. Durant cette période, La Havane a considérablement renforcé ses positions dans la région, en ne se bornant pas à ses relations avec ses partenaires traditionnels – le Venezuela et la Bolivie. La reprise des contacts de grande envergure avec Moscou a également été l’un des principaux résultats de la politique étrangère cubaine de cette dernière période.

On peut supposer que les changements effectués au ministère des Affaires étrangères sont survenus en prévision d’une révision, attendue depuis longtemps, de la politique des Etats-Unis à l’égard de Cuba. Nombreux sont ceux, en effet, qui espèrent assister, avec l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche, sinon à la levée du blocus imposé à Cuba, du moins à son atténuation considérable. Un fait plaide, dans une certaine mesure, en faveur de cette hypothèse : Bruno Rodriguez, l’adjoint de Felipe Pérez Roque qui a remplacé ce dernier, a travaillé pendant neuf ans comme représentant de Cuba à l’ONU. Cependant, il ne faut pas s’attendre à des « avancées » immédiates : Cuba se montre assez sceptique à l’égard des initiatives émanant de l’administration du nouveau président américain.

Quant à Carlos Lage, démis de ses fonctions de secrétaire du Conseil des ministres, il est considéré comme un des artisan des réformes économiques des années 90 du siècle dernier à Cuba. Son remplacement par le général de brigade José Amado Ricardo Guerra, qui a travaillé pendant plusieurs années sous la direction de Raul Castro, ainsi que la nomination au poste de ministre de l’Industrie sidérurgique du général de brigade Salvador Pardo Cruse, témoignent d’un certain renforcement au sein du gouvernement des positions des représentants de la direction des forces armées. Cela témoigne également du pragmatisme de la politique intérieure des dirigeants actuels du pays et de la préparation d’actions décisives visant à moderniser l’économie, à l’adapter aux réalités présentes aggravées par la crise économique mondiale.

Mais on peut affirmer avec assurance que, malgré ces recadrages de politique intérieure, les relations avec la Russie resteront l’une des priorités de la politique étrangère de Cuba. La promotion, intervenue voilà une semaine, du ministre des Communications et de l’Informatique, Ramiro Valdes, et du ministre des Transports, Jorge Sierra, aux postes de vice-présidents du Conseil des ministres de Cuba en est une confirmation implicite, mais éloquente. Avec le vice-président du Conseil des ministres cubain Ricardo Cabrisas, co-président de la commission intergouvernementale russo-cubaine, ils chapeautent les secteurs de l’économie dans lesquels la coopération russo-cubaine se développe de la manière la plus dynamique.

 Les lettres publiées dans Granma

Publica Granma las cartas de renuncia de Carlos Lage y de Felipe Pérez Roque
2009-3-5
 
Léalas pinchando abajo:
Carta de Carlos Lage Dávila
Carta de Felipe Pérez Roque

 

Gerardo Arreola:  Extraits d’article
Correspondant de la Jordana à la havane

traduit par danielle Bleitrach pour changement de société

Après qu’ils aient été destitués du gouvernement Carlos Lage et felipe Perez Roque ont renoncé à leur charge dans le Parti communiste de Cuba (PCC), le Parlement et le Conseil d’Etat, comme ils le disent dans leurs lettre où tous les deux reconnaissent leurs erreur et scellent ainsi leur sortie de la vie politique.
La chute de Lage, 57 ans, éliminé du premier cercle du pouvoir la figure la plus connue et la plus expérimentée des moins de 60 ans, et de ce fait accroit le poide de la sucession dans les mains de la génération active en 1959.

Les originaux des lettres, envoyées au président Raul Castro et avec les signatures autographes, ont été publiées jeudi dans la presse en pages intérieures, sans commentaire ni en tête. Néanmoins, il n’a pas été question publiquement de la nature des erreurs , comment s’est prise la décision officielle et s’il s’agit du même cas ou de deux distincts.

La diffusion des ces deux textes est le troisième chapitre d’un épisode commencé le lundi avec le remplacement de dix hauts fonctionnaires du cabiner et suivi le mardi d’un article de Fidel Castro, dans lequel il accusait  Lage y Pérez Roque  d’avoir nourri des ambitions et d’exercer un rôle indigne qui emplissait d’illusions les Etats-unis.
Les lettre sont du 3 mars, le même jour que l’article de Fidel. les textes parlent d’une réunion du Bureau Politique du PCC à laquelle les deux impénétrants assistaient et dont la date n’est pas précisée, mais qui a du intervenir avant la session du Conseil d’Etat.
Lage était membre du Comité central et du Bureau Politique du PCC, député et vice président du Conseil d’Etat. Les deux, faisaient partie d’un groupe de sept dirigeants créé par raoul comme la plus haute instance de direction. Le lundi  Le lundi il avait été demis en tant que secrétaire du Comité Exécutif du Conseil des Ministres (CECM, un cabinet compact).

Pérez Roque, de 44 ans, était député, intégrant du Comité Central et du Conseil d’Etat. Il a été destitué comme ministre des Relations Extérieures.

Des textes jumeaux

 
Lage s’adresse au compañero Raúl et fait état de sa disposition à servir dans son nouveau poste de travail.  Pérez Roque appelle le destinataire » querido Raúl ». Lage déclare juste et profonde l’analyse qu’a faite le bureau politique des deux cas que tous deux respectent. 

Les lettressont deux textes jumeaux, de trois paragraphes chacun : dans le premier les deux renoncent aux charges qui leur restaient; dans le deuxième ils assument sa responsabilité et dans le troisième ils assurent de leur fidelité les frères Castro, le PCC et la Révolution.

Junto a Raúl, Pérez Roque était avec Raul le 21 février à l’aéroport pour accueillir  Hugo Chávez , mais il n’était pas là aux adieux, le jour qui a suivi. Sa dernière activité officielle fut une réunion avec le chancelier palestinien Riad N. A. Malki,vendredi dernier le soir. 

Alors qu’il était un des interlocuteurs habituels de Chávez, Lage n’est pas apparu durant la dernière visite du dirigeant vénézuélien. Il est apparu à la tête d’une réunion d’autorités régionales à la fin d’un janvier, après quoi on a plus entendu parler de lui. La désignation de trois vice-présidents du gouvernement, le 19 février, a été expliqué comme une redistribution de fonctions dans le CECM.
 

Dans la célébration du cinquantenaire de la révolution, du premier de janvier, Raúl avait fait un discours de ton énigmatique et sombre. Le président a dit alors que le système politique cubain est toujours  toujours dans un risque d’écroulement et que les générations futures de dirigeants pourraient finir par être impuissantes devant les dangers externes et internes. Raúl a suggéré qu’une solution  pour empêcher cet écroulement n’avait rien de gatrantie , et a conseillé aux leaders de l’avenir qu’ils n’écoutent pas les chants de sirène de l’ennemi et qu’ils aient conscience que, par son essence, il ne cessera jamais d’être agressif, dominant et traître

Tout de suite il a exhorté les militants à  empêcher la destruction du PCC et il a  prévenu à l’avenir que les gouvernants s’ils violaient des principes ne disposeront pas de la même de la force nécessaire et de l’opportunité de rectifier, puisqu’elle leur manquera, l’autorité morale qu’octroient seulement les masses à ceux qui résistent dans la lutte. Fidel avait suspendu dans ces jours là ses articles et il ne les a pas réécrit jusqu’au 21 janvier, après cinq semaines de silence.

Il demeure que l’on ne sait pas si Lage et Pérez Roque ou d’autres étaient les  destinataires de ces mots, mais Raúl évoquait alors le moment critique de la succession genérationnelle. Le départ de Lage laisse un âge moyen de 65 ans dans le Bureau Politique et de 73 ans dans le comité directeur du Conseil d’Etat.

Lage, un pédiatre médical, avait plus de trois décennies dans le direction cubaine. Il était député dès 1976. Il a été un leader de la Fédération Estudiantine Universitaire (FEU) et de l’union des jeunesses communistes(ujc).En 1986 il rejoint une équipe de coordination et un appui du commandant en chef, le cabinet opératif de fidel castro et il entre au conseil d’etat de là il aboutit au CECM(1990), au comité central et au bureau politique (1991) et la viceprésidence du conseil d’etat(1993), toujours en accumulant des fonctions dans la politique économique

Pérez Roque, ingenieur électronique,est député dès 1986. Il a aussi dirigé la FEU et a été dans le direction nationale de l’UJC. En 1991, il est arrivé à l’Équipe de Coordination et s’est appuyé et au Comité Central, en 1993 au Conseil d’Etat et en 1999 à la chancellerie.

Quand Fidel Castro a délégué ses fonctions à Raúl, en juillet 2006, il a aussi nommé Lage comme préposé de politique énergétique et, avec Pérez Roque et le président de la Banque centrale, Francisco Soberón, responsable du fond spécial (…)

5 commentaires

  1. Je vois que tu as enrichi tes commentaires. Une fois n’est pas coutume, je suis loin de partager tes opinions. Au ras des pâquerettes, d’ici, les choses sont plus difficiles à juger et surtout bien plus douloureuses… Voilà donc les réflexions que j’avais écrites sans avoir lu tes dernières analyses.

    Le problème, Danielle, c’est que la population cubaine ne se situe pas à ce niveau d’analyse. Tu auras beau dire, il ne s’agit pas d’un simple changement de ministère, mais de la partie la plus visible : la destitution déshonorante (la seule clef a été donnée par Fidel : conduite indigne, soif de pouvoir, ambition, des accusations extrêmement dures) de deux cadres qui ont été depuis maintenant bien des années des piliers de la politique de la Révolution, l’un dans le domaine économique, l’autre sur le terrain diplomatique.

    Une destitution déshonorante qui survient par exemple alors que la diplomatie cubaine n’a jamais brillé aussi haut qu’aujourd’hui, à preuve le défilé au portillon de tant et de tant de chefs d’Etat, de ministres et de hauts fonctionnaires du monde entier, alors que le Mouvement des pays non alignés a repris du poil de la bête et du prestige sous la présidence de Cuba, que la modification des règles du jeu au sein du Conseil des droits de l’homme se doit en partie à l’action, justement, de la diplomatie cubaine qui a su regrouper dans ce sens les pays du Tiers-monde, que la condamnation du blocus à l’ONU n’a cessé de croître d’année en année… Je pourrais citer bien d’autres exemples. Je sais que le fonctionnement de la Révolution dans aucun domaine n’est le fait d’aucun homme individuel (même pas dans le cas de Fidel), qu’il y existe des règles collectives ; il n’empêche qu’on ne peut délier les succès de la diplomatie cubaine du ministre de tutelle.

    Idem pour Lage, à qui l’on a confié aux pires années de la Révolution la dure tâche, la tâche quasi impossible, herculéenne, de trouver les moyens de sortir du trou. Là encore, ce n’est pas son œuvre unique ; il n’empêche qu’il a joué dans ce sens un grand rôle. Dans ce domaine et dans d’autres.

    Ce qui trouble la population cubaine, ce n’est pas la restructuration ministérielle en soi qu’elle assimile comme quelque chose de normal, c’est la destitution déshonorante de deux cadres qui étaient encore hier des révolutionnaires de toute confiance, des gens modestes qu’on n’aurait jamais associés à des abus de pouvoir ou à de la corruption (il ne semble pas que ce soit là ce qu’on leur reproche) ou à d’autres « déviations ». Qu’ont-ils donc fait de si grave hier qu’on ignorait avant-hier ? C’est cela que les gens veulent savoir, parce qu’ils ne comprennent pas. Les militants du parti, en ce cas, ne sont pas mieux avancés que les autres ni plus au courant. Peut-être un jour leur passera-t-on une vidéo contenant la réunion du Bureau politique qui a pris une décision si drastique, mais pour l’instant ils nagent autant que les lampistes du coin. Et demandent à comprendre.

    Pourquoi, si, selon Fidel (la seule source d’ « information »), leur conduite a été « indigne », cherche-t-on à les ménager en ne disant pas les fautes qu’ils ont commises ? Quand le Bureau politique a destitué, voilà pas si longtemps, Robinson, le premier secrétaire du Parti dans une province du pays, la déclaration correspondante n’a rien caché : abus de pouvoir, corruption, détournement de fonds, etc. Les fautes étaient précises. Dans les cas de Felipe et de Lage, l’information officielle ne dit rien de concret et le texte très dur de Fidel suscite malheureusement plus de points d’interrogation qu’il ne lève les doutes.

    Comme on ne peut supposer que ces deux cadres ont « péché » si récemment, pourquoi n’a-t-on pris des mesures pour les empêcher de continuer de fauter ou ne les a-t-on retirés avant ? Je crois me rappeler que, justement dans le cas de Robinson, la déclaration officielle signalait que celui-ci n’avait pas fait cas des avertissements qu’on lui avait adressés. Rien de ceci ne semble être survenu pour Lage et Felipe. Le couperet est tombé, mais on ne sait pour quelles raisons. Ce n’étaient pas des cadres quelconques… ils avaient un très gros capital de confiance aux yeux de la population.

    Bref, les gens veulent comprendre, mais la déclaration officielle ne leur donnet aucune piste. Et, tout comme cela se passe à l’étranger, ils en sont réduits à faire des spéculations, à supputer. Et, politiquement parlant, ce n’est pas une bonne chose.

    Tiens, je me souviens du cas Ochoa et du ministère de l’Intérieur en 1989. Quand l’affaire a éclaté, tu me peux croire qu’elle a bouleversé les gens : le ministère de l’Intérieur, les forces armées révolutionnaires sont, aux yeux des Cubains, des institutions en quelque sorte « sacrées » et apprendre qu’elles étaient pourtant exposées à ce genre de corruption et d’agissements a été un choc douloureux. Et pourtant, dès la première information, on nous a tout dit ; au fur et à mesure des nouvelles découvertes, on nous informait, même si ce n’était pas très beau : trafic de drogues, acoquinement avec des cartels, contrebande d’objets, corruption, recel de grosses quantités d’argent, etc. Ce qu’ont censément fait Lage et Felipe serait-il pire que ça ? Et la direction du pays et du parti tenait tant à ce que les choses soient claires que le procès qui a duré plusieurs jours a été retransmis intégralement à la télévision. Et si la plaie a été pansée sans trop de déchirements, compte tenu de la gravité des faits et du douloureux de la situation, n’est-ce pas dû au fait que la population pouvait se faire son propre jugement et sentait qu’on ne lui cachait rien de l’essentiel (sauf, comme toujours dans des cas pareils, d’éventuels secrets d’Etat) ?

    Dans ce cas-ci, je ne puis pas convaincu que la population ait le même sentiment. D’autant que Lage et Felipe semblent accusés des mêmes faits. Seraient-ils donc complices, auraient-ils agi de connivence pour commettre cette faute ou ces fautes qu’on ignore ? Ou qu’on ne peut dire ? Des secrets d’État seraient-ils en jeu dans cette affaire ?

    Ce qui me surprend aussi, c’est l’extrême dureté du ton de Fidel. S’expliquerait-elle par l’ampleur de sa déception envers des cadres qui ont été nommés à leurs postes, quoi qu’il en dise, parce qu’ils étaient de son entière confiance (il suffit de lire les justifications présentées à l’époque dans les communiqués officiels).

    Les gens ont aussi relevé une autre idée qui leur semble injuste : comment leur reprocher presque d’avoir savouré « le miel du pouvoir » sans « sacrifices » ? Si les seuls sacrifices qu’il faille reconnaître maintenant, cinquante ans après, sont ceux de la Sierra Maestra ou de la lutte armée, alors il ne restera bientôt plus grand-monde auquel on ne pourra adresser ce même « reproche »… Tous deux étaient trop jeunes pour participer à l’insurrection (Lage avait huit ans en 1959, et Felipe n’était même pas né), mais serait-ce donc un vice rédhibitoire ? Leurs « sacrifices » ont été ceux, normaux, des cadres du parti et de l’Etat révolutionnaire qui impliquent une énorme charge de travail et de responsabilités sans même avoir l’espoir, contrairement à la majorité des autres gouvernements du monde, de s’en mettre plein les poches.

    Je passe sur les lettres dans lesquelles tous deux reconnaissent leurs « erreurs » (sans rien préciser ni rien spécifier) et qui, en fait, rajoutent encore plus d’ambigüité à la situation. Publiées côte à côte dans Granma, elles renforcent l’impression de complicité ou de conspiration…

    En fait, les gens ont du mal à croire aux gravissimes « péchés » de Lage et de Felipe qui exigeaient un pareil « châtiment ». Et c’est à mes yeux le plus grave, parce que cela risque d’éroder le capital de confiance dont les dirigeants de la Révolution ont toujours joui de la part, hormis les irréductibles détracteurs, de la population cubaine. Celle-ci est devenue bien plus « hétéroclite » du point de vue des valeurs révolutionnaires, n’est pas aussi « soudée » qu’au début, de nouvelles générations entrent en scène qui n’ont pas fait, tant s’en faut, les « sacrifices » des générations fondatrices et dont la vision du monde n’est plus la leur. Il me semble qu’il faudrait, sans rien transiger sur les principes, tenir compte de ce « brassage » ou de cette nouvelle donne.

    Une bonne part de la population ne croira aux « crimes » des deux cadres et ne leur retirera (moralement) sa confiance que si elle sait de quoi il retourne.

    J’espère qu’on saura un jour, et le plus tôt serait le mieux, toute la vérité.

  2. cher jacques François,

    il n’est pas grave que nous ne soyons pas d’accord. D’ailleurs s’agit-il de désaccords? Nous ne voyons pas les choses dans la même temporalité et de ce fait tu as le privilège du terrain et moi celui de la distance, les deux sont indispensables. Et à propos de Felipe je ne sais si tu t’en souviens ce n’est pas la première fois. Te souviens-tu c’était après le discours de Fidel à l’université, il y avait eu la réunion du pouvoir populaire, un discours de Felipe auquel je ne croyais pas et qui te paraissait trés bon, trés émouvant et moi je trouvais qu’il en faisait trop, que c’était démagogique dans une situation où était exigée de la réflexion . ce n’est rien bien sur mais il y a aussi tout le petit monde de la culture dont j’ai du mal à partager les indignations.Parfois c’est trés intéressant sincère, mais parfois c’est trés aisément manipulable. Je reçois systématiquement des textes qui disent ce que tu dis plus des ignominies, hier par exemple d’un torchon signe les fils rebelles de la révolution il y a toutes les informations officielles truffées de remarques qui laissent entendre que c’est la même plume qui rédige les discours de Fidel et les démissions, pour la photo où Fidel est avec Leonel ils vont jusqu’à dire que c’est un sosie. Bref l’angle d’attaque est préparé: après avoir laissé diffuser partout que Raoul se débarrasse de l’entourage de Fidel, pour opposer les deux dirigeants et destabiliser, maintenant après la ferme et écoeurée réaction de Fidel, il font courir le bruit que celui-ci n’existerait plus, serait gâteux.
    L’atmosphère est la même que lorsque après l’intervention des deux anciens cadres des années grises à la télévision(qui l’avait provoquée? ) il fallait laisser entendre que Raoul voulait en revenir à ces années là, alors qu’il détestait autant que vous ces gens là et n’était pour rien dans leur ré-âpparition. Je dois te dire que toute cette histoire me paraissait sentir trés mauvais peut-être à cause de ma distance mais aussi de mon expérience.

    Tout cela n’est qu’impression corroboré par le fait que j’ai vu la dérive d’un ami qui joue depuis des mois du Canada où il a émigré un rôle immonde à partir de ce petit monde de la culture… J’ai déjà vécu cela quand les refondateurs se sont emparés du PCF, les mêmes références, la même innocente destabilisation à partir des intellectuels managé directement par le PS par le biais de francs coquins, désormais le PCF est en coma dépassé, j’en ai pris mon parti depuis le dernier congrés mais je sais comment on détruit de l’intérieur une force de résistance. Et je vois un peuple français combatif, un capitalisme qui fait tous les jours la preuve de la catastrophe qu’il représente et il n’y a plus de parti, et comme il n’y a plus cet ancrage, le syndicalisme se débat entre opportunisme et gauchisme, la gauche n’a plus de réalité… Donc je sais quand on détruit et je sais hélas que je ne peux pas grand chose sinon jouer les Cassandre et prendre des coups de toutes parts, la seule chose qui puisse se sauver c’est le collectif lui-même, ses capacités politiques, son expérience et c’est pourquoi j’affirme que les Cubains, et même toi cher franco-cubain vous êtes bien mieux placés que nous.
    Quant à ceux qui ont souffert durant la période spéciale, toi et Doris oui, les Cubains qui ont résisté oui, mais crois moi j’ai vu Robaina et sa famille à l’aéroport de santiago, ils avaient l’air de Cubains de Miami… Il y a les gens qui vivent modestement et d’autres plus tape à l’oeil… Et c’est pour cela que j’ai toujours été en désaccord ce qui ne m’a pas été pardonné ni d’un côté, ni de l’autre. Depuis des mois à ce titre j’ai subi l’enfer y compris de l’ambassade de Cuba en france et je ne suis pas la seule, il fallait écarter tous les gens politiquement formé et mettre en place des gens à qui on pouvait dicter n’importe quoi en leur assurant des séjours dans les grands hotels et la voiture du ministère. J’étais en désaccord mais ce que je n’ai pu empêcher en france il me paraissait difficile de le faire pour un pays qui n’était pas le mien, d’où ma mise à l’écart volontaire, mon refus de subir des coups immérités parce que certains opéraient une recomposition. Mais cette expérience là est venue se surajouter à celle douloureuse de la destruction du PCF, avec les mêmes insultes personnelles, les mêmes ragots, mais hélas je connais bien la tactique, la manière dont on fabrique les bons et les méchants, les intelligents ouverts, et les brutes staliniennes qui ne veulent pas changer alors que tout va si mal.
    D’autre part, je ne crois pas que Fidel soit intervenu avec cette brutalité sans raison. Tu expliques que jadis tout était dit, pas d’accord. J’étais à Cuba quand l’affaire Robaina s’est déclenchée, rien n’a été dit ouvertement mais tout est passé par le canal des organisations, j’ai vu d’abord les copains du parti convoqués au comité central, y compris les journalistes de la presse cubaine membres du parti,puis les réunions se multiplier, et j’ai été au courant par ce canal là pas par la presse qui s’est contenté de faire état des excuses du dit Robaina qui reconnaissait ses erreurs et à ma connaissance jouit actuellement du poste de directeur des monuiments de la Havane. C’est par le parti et pas par la presse je te le répète que je connais tous les détails de l’affaire, et c’était encore l’époque de Fidel.
    Si tu veux mon avis je crois qu’il y a un petit milieu qui s’agite beaucoup et tente depuis le retrait de Fidel de récolter l’héritage en inventant un Fidel opposé à un Raoul. Il va tenter par exemple d’attribuer à Felipe les succès dimplomatiques mais c’est raoul que je sache qui mène la danse, que ce soit avec les non alignés ou la Russie et la Chine. C’est lui qui a le capital de confiance et une diplomatie effective.
    Si tu lis l’article de la jordana dont j’ai traduit le début tu constateras qu’il émet une hypothèse sur l’arrivée de Chavez, qu’est-il venu dire, pourquoi à partir de ce moment là Felipe disparaît du paysage comme Lage ?
    Je crois que l’avenir nous éclairera mais je maintiens comme je l’ai dis depuis le début que tout cela doit être vu dans une triple perspective:
    – transition de l’après Fidel, passage d’une génération et de personnalités à des institutions.
    – nécessités de réformes économiques trop longtemps différées
    – arrivée d’Obama et négociations
    Que dans ce contexte il se trouve depuis pas mal de temps des gens décidés à destabiliser ne m’étonne pas. L’ennemi sait punir mais il sait aussi flatter, dire « si c’était toi qui dirigeait tout irait mieux », et il ne manque pas de vaniteurx pour le croire. Quelquefois ce sont des gens qui ont des compétences, mais j’ai vu des nullards comme le type parti au Canada se prendre pour de grands dirigeants alors que ce sont des gâcheurs et des fouteurs de désordre au mieux.
    Cela dit je crois qu’il y a d’énormes difficultés pour les Cubains et qu’ils ont besoin d’éclaircissements, ce que tu reflètes et là tu as raison.
    Cher Jacques françois je sais à quel point Doris et toi êtes attachés à la révolution, le dévouement sans borne, les privations que vous avez endurées et vous êtes parmi les gens qui me font croire à Cuba, mais tu sais bien qu’il faut se méfier des premières impressions et de la passion de l’instant face à l’événement. Wait and see.
    Personnellement je crois que toiut cela est lié à l’estimation de la transition d’Obama et les espoirs qu’elle a fait naître. Fidel, Raoul, Chavez, les Russes me paraissent d’accord pour ne pas en attendre grand chose.
    Alors qu’il y a des gens de diverses sortes qui au contraire en espérent un grand changement et se positionnent dans cette espérance. Chez nous il me semble que quelqu’un comme Ignacio Ramonet trés sympathisant de la Révolution cubaine y a cru(1). Lula, lui aussi est allé expliquer que pour que le sytème de Cuba change il faut en finir avec le blocus. Fidel a protesté. Parce que c’est toute la question, tu sais bien que l’on peut dans un tel contexte faire des bêtises, les Cubains ont parfois été pris lors de négociations avec les etats-Unis avec le charmant Clinton et les 5 l’ont payé. Tu sais tout cela, je crois que ce qui se joue aujourd’hui est d’une grande ampleur et que les chefs d’Etat qui viennent à Cuba ne sont pas des admirateurs de Felipe mais bien de la résistance cubaine et ce qu’elle a appris au monde. C’est vrai que cette resistance c’est longtemps alimentée d’une symbiose celle de Fidel et son peuple, mais tu sais aussi que les raoulistes ont toujours été les meilleurs fidélistes parce qu’il y avait dans l’ombre non seulement l’intendance mais également celui qui savait dans le peuple, dans les organisations comme l’armée révolutionnaire, les syndicats tisser des liens chaleureux entre Fidel et les masses. Tout ce système arrive à son terme générationnel dans le contexte de la plus terrible des crises imaginable.

    Danielle Bleitrach
    (1) Je te signale que j’ai écris un texte trés ironique qui a été traduit dans Rebelion qui expliquait à propos des documents déclassifiés que c’était une bonne chose parce que cela prouvait qu’il y avait des forces de paix aux Etats-Unis mais que ce n’était pas la première fois et que Carter par exemple était allé trés loin mais qu’il avait cédé devant le système prenant prétexte du rôle cubain en Afrique. Je terminais en citant la mise en garde de Fidel lors de la visite de Christina Kouchner. Je n’ai pas changé d’avis, il faut s’appuyer sur les forces de paix, et elles sont importantes y compris aux etats-unis qui est un pays qui peut surprendre, mais il faut savoir qu’il y a là aussi le coeur du système impérialiste dont il ne faut rien attendre. Donc je ne crois pas que l’on obtienne l’essentiel dans les couloirs du sérail mais en créant un rapport de force y compris mondial ce qui est la stratégie de Fidel, poursuivie par raoul.

  3. Bonjour, en savons-nous aujourd’hui davantage sur les raison du changement à la direction cubaine? Jacques François Bonaldi m’avait sévèrement recadré quand je m’étais permis de remarquer que Fidel était peut être resté à la tête de l’état un peu trop longtemps (47 ans sauf erreur), et avait fourni un certain nombre de raisons assez convaincantes, notamment en le définissant comme « fondateur de nation » justifiant une exception. Cela dit le problème du fonctionnement de l’appareil de pouvoir dans les États et organisations se réclamant du communisme continue à poser quelques problèmes.

    L’expression « miel du pouvoir » employée par Fidel suppose un idéal selon lequel le détenteur du pouvoir est totalement désintéressé. Dans la réalité humaine actuelle c’est rarement le cas. Si tu exiges pour la gestion courante des affaires un dirigeant parfait de ce point de vue là tu risque d’attendre longtemps.

    • Je ne sais rien sur les arcanes du pouvoir cubain mais premièrement le peu que j’en sais me prouve qu’il a au moins été possible durant de longues années d’avoir des gens totalement désintéressés.
      Deuxiémement ce que je reçois par ailleurs comme propagande, me prouve qu’il ne s’agit pas du tout de cela dans cette affaire. Pour te donner un exemple ce matin je reçoi un long texte en anglais (hélas) qui à ce que j’en ai compris défend la ligne suivant: si les Cubains voulaient enfin adopter la démocratie ce serait pour eux la prospérité et la pais avec les Etats-Unis. Ce texte provient de Miami, simplement les officines de la CIA ont changé leur fusil d’épaule et tout leur art est de profiter de Obama pour faire croire que tel est effectivement le choix offert aux Cubains alors qu’il n’en est rien et qu’il s’agit toujours et plus que jamais d’en finir avec le socialisme et de fait d’annexer l’île rebelle…

      Je crois que là est l’enjeu véritable, le reste c’edst du pipeau.

      Amitiés
      danielle Bleitrach
      PS. L’Algérie où je suis a suivi les injoctions du FMI elle a 35% de chômeurs.

  4. bonjour .il serait bon de signaler le salaire des ouvriers employees hommes et femmes et les retraites .,la monnaie de ces salaires sont payes en pesos cubanos 35pesos cubanos pour valent environ un cuc ==0’85 euros suivant le cours du dollar tout lepeuple est paye avec des pc a part quelques exceptions ===la nourriture telephone eau gaz coiffeurs sont payes en pesos cubanos ??tout ce qui est electronique outillage frigo telephone vetements parfumeries sont payes en cuc d’ou vient cet argent ??,des etats unis de la Floride des touristes ?les cubains ne payent pas d’impôts par contre on leur a impose a acheter( a credit la (cocote minute) le frigo et l’appareil air conditionne ils ont la carte de ravitaillement il serait bon de lire l’atlas des voyages CHARLES HENRI FAVROD EDITIONS RENCONTRE 1962 CUBA ,???surtout ne pas passer devant EUX ++LA COLA .j’aime ce beau pays c’est pourquoi je m’informe sans critiquer amities


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