La culture populaire de la politique D’Antonio Gramsci par Anas FAOUR (Président de l’Union Générale des Etudiants de Palestine en France – GUPS France)

gramsci[1] Introduction :

Gramsci s’est intéressé de près au rôle des intellectuels dans la société;  il disait notamment que tous les hommes sont des intellectuels, mais que tous n’ont pas la fonction sociale d’intellectuels.  Il avançait l’idée que les intellectuels modernes ne se contentaient pas de produire du discours, mais étaient impliqués dans l’organisation des pratiques sociales.  Pour cela  le projet gramscien ambitieux,  veut détruire l’élitisme de la culture, afin de  construire une nouvelle culture.

       Il établissait de plus une distinction entre une « intelligentsia traditionnelle », «  culture élitiste », « l’intelligentsia », ou « la culture suprême », qui se pense (à tort) comme une classe distincte de la société, et les groupes d’intellectuels que chaque classe génère « organiquement ».

      Ces intellectuels organiques ne décrivent pas simplement la vie sociale en fonction de règles scientifiques, mais expriment plutôt les expériences et les sentiments que les masses ne pourraient pas exprimer par elles-mêmes.

       La nécessité de créer une culture propre aux travailleurs est à mettre en relation avec l’appel de Gramsci pour un type de culture qui permette l’émergence d’intellectuels qui partagent les passions des masses de travailleurs. Les partisans de l’éducation adulte et populaire considèrent à cet égard Gramsci comme une référence.

       Pour cela il avait proposé son projet, ce projet culturel et social qui recherche une nouvelle culture : un projet d’action, en recomposant et en reformulant les concepts, les rôles, et les rapports de la théorie, du parti, et des masses.

 

 1-   Antonio Gramsci, le personnage, sa formation et ses idées :

 Antonio Gramsci est né 23 Janvier 1891 à Ales en Sardaigne. Il doit interrompre sa scolarité à douze ans : son père Francesco est en prison, il faut faire vivre la famille en travaillant. Quand il est  libéré en 1904, Gramsci peut retourner s’instruire, et entamer, en 1911 à Turin, des études de philologie, d’histoire et de philosophie. Sous l’influence de son frère Gennaro, il se tourne rapidement vers les idées socialistes, s’inscrit au parti en 1913, et en devient secrétaire après les émeutes de 1917. Il crée en 1919 la revue Ordine Nuovo, où il prône un renouveau de la culture socialiste et l’importance cruciale de donner aux ouvriers des bases culturelles et politiques solides. Quand le Parti Communiste Italien est crée en 1921, il en est naturellement le secrétaire général et la référence intellectuelle. Elu député de Turin en 1924, il fonde également la revue l’Unità. Déchu de son mandat en 1926 par les fascistes au pouvoir, arrêté et condamné en 1928 à vingt ans d’emprisonnement, il part pour les Iles. Il y subit sa captivité avec résignation et courage. Pendant sa détention, il écrit ses Lettres de la Prison, puis surtout ses Carnets de prison, où il développe, entre autres domaines philosophiques et littéraires, ses théories sur l’hégémonie culturelle et l’historicisme. Déjà gravement malade, à partir de 1934 sa santé se dégrade et ne cesse d’empirer, tant et si bien que le gouvernement fasciste finit par le libérer pour l’envoyer à l’hôpital. Il y meurt en 1937 d’une hémorragie cérébrale. « 1 »

 

2- L’Hégémonie culturelle : les critiques, et les propos :

 Gramsci a voulu de traduire le système de logique marxiste, en un système historique,  parce qu’il avait voulu transférer les consciences de Karl Marx à une science d’action politique, ces consciences qui était produites par Marx en analysant le mécanisme de production du capitalisme. Cette science de l’action politique  doit dépendre de la classe ouvrière et toutes les forces sociales qui envisagent à un nouveau monde.

 Les forces qui souhaitent le changement ont besoin d’avoir une nouvelle conscience capable d’à achever ce changement, en vue de comprendre les raisons de la soumission et les méthodes et les mécanismes de ce changement social.

 En effet, pour parler de la soumission, ce n’est pas juste en évitant le concept de la domination, pour cela les propos de nouvelles consciences et de nouvelles actions, il faut ouvrir les yeux, vers des consciences, et des actions anciennes et permanentes, parce que le rapport  entre les deux  actions et les deux consciences n’est pas égale, et les forces ne sont pas égales, donc il semble que l’efficacité est monopolisée par une partie en laissant l’autre partie inefficace (Hégémonie culturelle).

 La science et la politique sont deux unités inséparables,  pour les capacités des classes soumises, donc Gramsci  devait chercher une connaissance efficace et majeure ; cette connaissance  doit faire passer les classes soumises de la rébellion négative à la volonté collective majeure.

  Ça cela veut dire qu’il devait approcher du sujet pour aborder le problème/sujet suivant : la connaissance de la société et l’action politique des masses sociales. 

 Cette approche l’a amené à mêler la science avec la volonté de d’établir le « marxisme sociologique ». Bien que le marxisme soit toujours défini comme unité théorique-pratique :

  L’unité a établi sa légitimité historique en s’incarnant dans l’action publique, après avoir été adopté par les masses. 

  Le concept de Marxisme sociologique pose le complexe de connaissance, science et tyrannie, du marxisme, si le  marxisme était la forme superlatif de la connaissance bourgeoise, parce qu’il résulte de la transformation théorique de cette connaissance, donc on peut se demander comment il était adopté par les masses ?, et comment on peut étudier et examiner la culture populaire des masses, afin de  la transférer théoriquement vers une nouvelle forme de la connaissance, cette forme  étant capable à produire l’action politique majeure, selon le projet marxiste.

 Le marxisme a son commencement dans la «  culture élitiste », « l’intelligentsia », ou « la culture suprême » en formant  ultérieurement la culture de des masses privées de la « culture première », après avoir reformulé la culture des masses, donc le marxisme achève son projet culturel en mitant mettant en place une action double critique :

 

–          Critiquer  la culture bourgeoise dominante.

–          Critiquer la culture des masses dominées.

–          Construire une nouvelle connaissance : Marxisme  des masses- le Marxisme sauve les masses et est sauvé par les masses.

 L’hégémonie bourgeoise que Gramsci définit est caractérisée par deux éléments fondamentaux qui se combinent : un fort niveau de structuration de la société civile et la construction de liens politiques inédits entre la bourgeoisie et la classe ouvrière dans l’Etat parlementaire à travers ses corollaires « démocratiques » (associations, presse, partis, syndicats). Un des aspects majeurs de cette forme du capitalisme est la perte d’explosivité des confrontations de classe, résultant d’une perte relative des repères de classe à une échelle de masse. C’est ce que Gramsci exprime en comparant la lutte des classes en « Occident » à une « guerre de position ». Le saut qualitatif qu’a réalisé la bourgeoisie en devenant hégémonique impose à tous ceux qu’elle domine de franchir également un saut qualitatif dans leur lutte contre le capitalisme. Pour Gramsci, l’enjeu est de « détruire une hégémonie et en créer une nouvelle ». » « 2 »

 Le projet gramscien ambitieux,  veut détruire l’élitisme de la culture, afin de  construire une nouvelle culture.

 Les différences entre la culture élitiste et la culture populaire doivent disparaître, donc l’enjeu est de « détruire une hégémonie et en créer une nouvelle » « 3». 

 Ce projet  affronte  des difficultés nombreuses, parce que c’est une nouvelle idée et qu’il contredit l’image traditionnelle de la culture. Mais ce projet écrit à la prison reste un projet théorique. Gramsci dit:

 «  La formation d’une conscience collective unitaire demande des initiatives et des conditions multiples. La diffusion d’un mode de penser et d’agir homogène, à partir d’une direction homogène, en est la condition principale- mais elle ne doit pas être la seule. Une erreur assez répandue est de croire que toute couche sociale élabore sa propre conscience, sa propre culture de la même manière, avec les mêmes méthodes, c’est-à-dire avec les méthodes, avec les méthodes des intellectuels  professionnels. » « 4 »

  Cette hypothèse gramscienne contient trois éléments :

–          Les classes sociales n’achèvent pas leur culture d’une façon homogène.

–          On ne peut pas ramener le produit culturel aux efforts des « intellectuels professionnels ».

–          Il est très nécessaire de créer des « initiatives et des conditions multiples ».

 Le concept d’ « initiative »  n’est pas une thèse théorique homogène:

 L’initiative est un propos qui demande des essais, des actions vraiment « libertaires », la libération des capacités et des compétences, et l’achèvement du nouveau créatif.  La naissance de ce nouveau semble difficile, et il manque d’auto-instance, mais ce n’est pas vrai parce que son instance est le refus de l’ « Hégémonie culturelle » et sa lutte contre cette « Hégémonie culturelle » en militant pour la détruire et la reconstruire :

–          Gramsci ne veut pas cultiver les masses, mais il milite pour libérer le mouvement des masses, parce que les masses sont les vrais producteurs  de la nouvelle culture.

–          L’essentiel n’est pas la quantité de culture des masses, mais d’avoir une culture différente au niveau formel et profond de la culture dominante, cette culture dépend de la soumission et la domination.

–          Le but est l’homme, parce que l’homme est capable de créer la culture, en créant une nouvelle culture contient des nouvelles « initiatives et des conditions multiples ».

 Antonio Gramsci croit que «  tous les hommes sont philosophes », pour libérer  la culture des concepts traditionnels qui considèrent que la culture dépend d’un hiérarchique général :

 « Il s’agit du principe «  selon lequel tous les hommes sont philosophes »: entre les « philosophes professionnels » ou « techniciens » et les autres hommes, il n’y a pas de différence « qualitative » mais seulement une différence « quantitative ». Il est vrai, comme l’écrit Gramsci, que dans ce cas, le terme « quantité » a un sens bien particulier… puisqu’il indique une plus ou moins grande «  homogénéité », « cohérence », « logicité »… une quantité d’éléments qualitatifs. Il est aussi vrai que cette différence ne se limite pas au fait que le « philosophe pense avec une plus grande rigueur logique, avec une plus grande cohérence et avec un plus grand esprit de système que les autre hommes » « 5 » 

 Mais cette différence ne distingue pas  le philosophe des autres hommes, ou des autres spécialistes, parce que c’est une spécialité dans un champ défini, et l’homme a choisi une spécialité active déterminée pour maîtriser : 

 « Le philosophe  professionnel ou technicien… connaît toute l’histoire de la pensée, c’est-à-dire, sait concevoir tout le développement que la pensée a connu jusqu’à lui… ».  Pour cette raison, « il a dans le champ de la pensée la même fonction qu’ont les spécialistes dans les divers champs scientifiques ». Néanmoins la « continuité » qualitative entre le « philosophe  spécialiste » et  « tous les autre hommes » arriverait à se stabiliser, du fait que le philosophe est spécialité d’une activité commune à tous les hommes. »    « 6 »

 Donc la fonction du philosophe dans le champ de la pensée est égale à toute fonction dans un autre champ des champs sociaux, et pour cela Gramsci a proposé que :

 
«  On en peut penser qu’il n’existe aucun homme, même s’il n’est pas philosophe, qui ne pense pas, précisément parce que le fait de penser est le propre de l’homme comme tel. » « 7 »

 
La bourgeoisie  divise le travail en deux sortes : travail manuel et travail intellectuel, donc la bourgeoisie définit donc la culture sur cette division,  en qui veut signifie que :

 

       Les intellectuels sont font partie d’une classe supérieure à la classe populaire inferieure.  Gramsci répond à cette définition en confirmant une nouvelle culture : cette confirmation dépend de la négation, ou une confirmation par  la négation, parce que la nouvelle culture n’existe pas encore, et elle doit exister par  la réclamation de la situation que l’homme doit occuper pour reformuler la société et le monde.

   C’est le sens humain qui fait l’homme : un philosophe, savant, éducateur, et dirigeant politique. Grâce à ce sens humain, on a eu l’égalité entre les capacités humaines, cette égalité qui avait obligé Gramsci à dire :

 
   «  Le rapport pédagogique ne peut être limité aux rapports spécifiquement scolaires, par lesquels les nouvelles générations entrent en contact avec les anciennes. Ce rapport existe dans toute la société dans son ensemble, pour chaque individu à l’égard des autres individus, entre milieux intellectuels et milieux non intellectuels, entre gouvernants et gouvernés, entre avant-garde et corps de troupe. Tout rapport d’hégémonie est nécessairement pédagogique« 8 » ».

    Gramsci commence par un point de vue moral en vue de reconsidérer les masses populaires, qui était toujours considérées dans les normes de la culture dominante, comme des masses n’ont pas de culture ….

   Dans ce sens-là, il faut reconsidérer la culture des masses pour bien reconsidérer ces masses populaires, ce qui veut dire qu’il faut critiquer la culture dominante, et (se) concevoir une nouvelle culture. A partir de cette conception, les slogans des Gramsci  viennent  de  la philosophie spontanée, la  philosophie des hommes qui ne sont pas des philosophes, la philosophie de l’homme de la rue……

      Si tout homme est philosophe, tous les individus des masses populaires ont leur philosophie propre. Pour cela Gramsci a adopté une nouvelle théorie qui définit  l’adjectif  la nouvelle culture, et un projet d’action concernant la politique culturelle. On peut trouver la cette théorie de nouvelle culture dans les Cahiers de Prison:

     «  Créer une nouvelle culture ne signifie pas seulement faire individuellement des découvertes «  originales », cela signifie aussi, et spécialement, répandre de façon critique les découvertes déjà faites, les « socialiser » pour ainsi dire, et par conséquent faire qu’elles deviennent autant de bases pour des actions vitales, en faire un élément de coordination et d’ordre intellectuel et moral. Qu’une masse d’hommes soit conduite à penser de façon cohérente et sur un mode unitaire le réel présent, c’est un fait « philosophique » bien plus important et « original » que ne peut l’être la trouvaille, de la part d’un « génie » philosophique, d’une vérité nouvelle et qui reste le patrimoine de petits groupes intellectuels .» « 9 »

 La philosophie est donc une manière pour lui de diriger une masse sociale ou des masses sociales en vue d’influencer au présent concret en vue d’influencer le présent concret de manière unitaire et homogène. 

 La philosophie devient politique, et la politique devient philosophie, la philosophie comme politique peut diviser, propager les connaissances, diriger les masses, et influencer le présent concret dans le domaine de la nouvelle philosophie. Donc la philosophie ne reste plus une série fermée de paroles, mais un art de transformer  le présent concret par une volonté collective, homogène, et organisée.

 

 3-    Le projet gramscien de la réforme culturelle et sociale :

 
     Cette conception nous amène à découvrir le concept célèbre de Gramsci sur la réforme culturelle et sociale, mais il suppose, tout d’abord la nécessité de détruire l’image traditionnelle de la philosophie, également l’image traditionnelle de la politique. Pour cela il avait proposé son projet, ce projet culturel et social qui recherche une nouvelle culture :

   « Il faut détruire le préjugé fort répandu selon lequel la philosophie serait quelque chose de très difficile, étant donné qu’elle est l’activité intellectuelle propre d’une catégorie de savants spécialisés ou de philosophes professionnels et faiseurs de systèmes. Il faut donc démontrer au préalable que tous les hommes sont « philosophes », en définissant les limites et les caractères de cette « philosophie spontanée » qui est celle de « tout le monde », autrement dit de la philosophie qui est contenue : 1) dans le langage même, lequel est un ensemble de notions et de concepts déterminés, et non pas seulement un ensemble de mots grammaticalement vides de contenu; 2) dans le sens commun et le bon sens; 3) dans la religion populaire, et donc également dans tout le système de croyances, de superstitions, d’opinions, de façons de voir et d’agir, qui se manifestent dans ce qu’on appelle généralement le « folklore ». « 10»

  Par conséquent la philosophie, selon cette définition, est le guide de l’homme pour la pratique théorique et pratique,  et la philosophie spontanée des masses est une mêlé du langage, le sens commun, le bon sens, la religion populaire, et le folklore, tous ces éléments peuvent entrer dans le domaine du folklore, parce qu’il y a une possibilité  de transférer ces éléments de son état propre aux états des éléments proches, et il n’y a pas de cas brut, donc il y a des éléments de la religion populaire dans le sens commun, et le sens commun a une influence efficace sur le folklore.

  Bien que «  tous les hommes soient des philosophes », les masses ont leur philosophie propre: cette culture est adorable à lui, il la prend par l’amour et sérieusement, il a écrit à sa belle sœur Tatiana, le 19 mars 1927 :

  «  J’ai pensé jusqu’ici à quatre sujets, et cela déjà un indice que je n’arrive pas à me recueillir », «  Au fond, à y regarder de près, il y a une certaine homogénéité entre ces quatre sujets : l’esprit populaire créateur. » « 11 »

Gramsci parle de l’« esprit populaire créateur »,  et de la moralité des masses et du bon sens, mais il parle précisément de la culture populaire en vue de parler des masses cultivées, parce que la culture des masses est l’élément principal de ce projet,  sinon  cette culture rend partie de la culture dominante :

.

 «  Il est donc nécessaire de connaître exactement le mode de pensée et l’idéologie des intellectuels pour mieux comprendre leur organisation d’hégémonie culturelle et morale, afin de la détruire ou de l’assimiler. »  « 12 »

       Gramsci n’a pas voulu poursuivre une philosophie incohérente, ou une philosophie spontanée ; il avait dessiné un projet philosophique homogène logique, pour reproduire un marxisme vivant et créateur, capable de pas comprendre le sens commun et de changer ce sens, et capable de produire les pratiques nécessaires pour faire que le sens commun se change lui-même,  en découvrant ses éléments par les essais autonomes.  Pour cela il dit :

 «  Le sens commun n’est pas une conception unique, identique dans l’espace et dans le temps : c’est le « folklore » de la philosophie, et comme le folklore, il prendre d’innombrables formes. Sa caractéristique principale est une conception du monde désagrégée, incohérente, inconséquente, conforme au caractère des foules dont il est la philosophie » « 13 »

  Cela veut dire que la philosophie pour Gramsci est agrégée, cohérente, et conséquente, et ce cette conception gramscienne dévoile les buts de son projet, en ne va pas établir une nouvelle philosophie à partir de la culture populaire : le langage, le sens commun, le bon sens, et le folklore :

  «  Quand dans l’histoire se forme un groupe social homogène, c’est-à-dire cohérente et systématique. » « 14 »

      Les buts sont plus clairs, quand Gramsci critique le sens commun et ses relations avec les religions, pour analyser ce sens et ses relations avec les systèmes philosophiques et culturelles :

      «  Connexion entre le sens commun, la religion et la philosophie. La philosophie est un ordre intellectuel, ce que ne peuvent être ni la religion, ni le sens commun. Voir comment dans la réalité, la religion et le sens commun ne coïncident même pas, la religion étant un élément de cet ensemble désagrégé qu’est le sens commun. Du reste « sens commun » est un terme collectif, comme « religion » : il n’existe pas un seul sens commun, il est lui aussi un produit et un devenir historiques. La philosophie est la critique et le dépassement de la religion et du sens commun, et en ce sens elle coïncide avec le « bon sens », qui forme opposition avec le sens commun. » « 15 »

     « Si par religion on doit comprendre une conception du monde (une philosophie) avec une norme de conduite qui lui convienne, quelle différence peut-il exister entre religion et idéologie (ou instrument d’action) et, en dernière analyse, entre idéologie et philosophie? Existe-t-il ou peut-il exister une philosophie sans une volonté morale conforme ?  »

     Par conséquent l’appel de Gramsci à l’évolution de du «  sens commun » au degré «  agrégée, cohérente, et conséquente  de la philosophie, ne vient pas de vide, bien qu’il critique le « sens commun », il trouve des éléments de changement, de justice, et d’égalité dans ce sens, et il trouve aussi des éléments de connaissance et d’essai, dans ce sens : «  le bon sens », et bien que ce sens soit différent logiquement et systématiquement, de la philosophie, la philosophie est un rapport des participations intellectuelles individuelles, et le « sens commun » est une image de pensée collective, dans un moment historique, et une structure sociale limitée.

      En effet, le caractère politique clair ou caché, du « sens commun », pose ce sens comme une conception alternative du monde, cette conception est contradictoire de la conception officielle, parce qu’elle a des dimensions insurrectionnelles et protestataires :

 
     «  Lorsque Marx parle de la « validité des croyances populaires », il fait référence à une réalité historico-culturelle pour indiquer la « solidarité des convictions» et leur efficacité pour régler la conduite des hommes ; mais il affirme implicitement que de « nouvelles croyances populaires sont nécessaires », c’est-à-dire un nouveau « sens commun » et donc une nouvelle culture, une nouvelle philosophie. » « 16 »

      De plus, le « sens commun », pour lui, est une étape pour rendre philosophique la culture populaire et le «  folklore », en vue de construire une « nouvelle philosophie » :

      « Le « sens commun » est le folklore de la philosophie et il est toujours à mi-chemin entre le folklore proprement dit (c’est-à-dire comme il est généralement entendu) et la philosophie… »  « 17 »

        L’importance du « sens commun » vient de des premières remarques humaines sur tous les phénomènes découverts dans le monde par les êtres humains :

        «  Nous connaissons les phénomènes dans leur rapport avec l’homme et puisque l’homme est un être en devenir, la connaissance est elle aussi en devenir, comme l’objectivité. » « 18 »

         Quand Gramsci aborde  des éléments positifs de la culture populaire, c’est pour chercher une légitimité de son projet culturel- politique, parce que les masses sont les instruments des changements, pour arriver à la victoire de la révolution  par la nouvelle force populaire armée par une «  nouvelle culture » :

         «  Une théorie est précisément « révolutionnaire » dans le la mesure où elle est un élément de séparation et de distinction consciente en deux camps, dans la mesure où elle constitue un sommet inaccessible au camp adverse. » « 19 »

         Bien sûr,  il est nécessaire que  cette séparation générale retourne vers les masses populaires, en faisant un dialogue critique avec leur culture, et leur folklore.

          Bien que la politique assure les rapports entre la philosophie supérieure et la philosophie inférieure, Gramsci cherche sa légitimité dans ce sens, en considérant  la philosophie inférieure comme une philosophie transitoire, pour utiliser  tous toutes les énergies humaines en éduquant les masses par leur langage et leurs conceptions, pour changer leur vie :

 
       « Lorsque individuellement un élément de la masse surmonte critiquement le sens commun, il accepte par le fait même une philosophie nouvelle : De là justement la nécessité, dans une exposition de la philosophie de la praxis, de la polémique avec les philosophies traditionnelles.

         Bien que, par son caractère tendanciel de philosophie de masse, la philosophie de la praxis ne peut être conçue que dans une forme polémique, dans une forme de lutte perpétuelle. Toutefois le point de départ doit toujours être le sens commun, qui est spontanément la philosophie des foules et qu’il s’agit de rendre idéologiquement homogène. « 20 » » 

        Donc la philosophie nouvelle est la philosophie ancienne qui était dévoilée par la lutte quotidienne, les masses acceptent le marxisme par la négation,  par la confirmation, ça pose le concept de philosophie de la praxis :

        La transmission du marxisme supérieur au marxisme des masses. Cette transmission est la naissance d’une philosophie populaire nouvelle, donc le « nouveau prince » doit relire le marxisme et reformule le sens commun, et propose un projet d’action, en recomposant et en reformulant les concepts, les rôles, et les rapports de la théorie, du parti, et des masses, parce que le rôle du parti politique ne peut pas achever sans que développer la stratégie politique et  la culture des masses populaires.

        Donc il faut finir par reformer le parti en développant la culture des masses en remplaçant les anciennes croyances, par des nouvelles croyances:

        « Le principe selon lequel le Parti dirige la classe ouvrière ne doit pas être interprété de façon mécanique. Il ne faut pas croire que le Parti puisse diriger la classe ouvrière en s’imposant à elle de l’extérieur et de façon autoritaire […] ces déviations conduisent à une surévaluation arbitraire et formelle du rôle dirigeant du Parti : […] la capacité de diriger la classe ne tient pas au fait que le parti se «proclame » son organe révolutionnaire, mais au fait qu’ ‘il parvient « effectivement », en tant que parti de la classe ouvrière, à rester en liaison avec toutes les couches de cette même classe, à impulser les masses dans la direction souhaitée et la plus favorable, compte tenu des conditions objectives.

 
    Le fait d’être reconnu par les masses comme « leur » parti (conquête de la majorité) n’est que comme conséquence de l’action menée parmi elles, et c’est à cette condition seulement que le Parti peut se prévaloir d’être suivi par la classe ouvrière. Cette action dans les masses est un impératif qui l’emporte sur tout «patriotisme » de parti. » « 21 »

 
      La philosophie nouvelle sans créer le parti, reste une action bavarde dans la vie quotidienne, donc le projet de Gramsci ne peut pas être efficace, si on ne peut pas organiser les masses.

       Le « prince moderne » est le seul qui peut relire les théories et recruter les masses autour du milieu politique pour achever les changements sociaux et politiques souhaités.

 

 

 

 Conclusion :

 

 Par conséquent la culture populaire change de place, après les transmissions de forces politiques et idéologiques, le langage, le sens commun, la religion populaire, et le folklore peut exprimer les rêves du peuple, et la culture du peuple, parce que c’est la l’utopie et l’héritage utopique populaire, mais cette utopie peut prendre une image sociale, ou « un aspect social » quand tous les rêves s’unissent en une volonté collective homogène.

 

      Bien que  la beauté de ces rêves soit véritable, la lutte de classes incarne la société collectivement et individuellement, et c’est le but de la nouvelle culture et de la nouvelle philosophie.

 

       Cette lutte avait commandé les nécessités de la nouvelle culture, et de la nouvelle philosophie, et du « prince moderne ».

 

Le projet de Gramsci est social, culturel et politique :

 

–          battre ou « vaincre » d’abord sa machine de domination culturelle.

 

–          Créer une nouvelle culture révolutionnaire,

 

–          Communiquer avec les masses, ce qui est le but du changement  et l’instrument  de tout  changement.

 

 

–          Organiser les masses dans le parti communiste.

 

–          Amener  la culture populaire à se révolter.  en surmontant la culture des masses, pour battre ou « vaincre » le pouvoir exploitante exploitant.

 

 

–          Achever les changements sociaux, aboutir aux changements, faire triompher les changements.

 

 

        En effet le projet de Gramsci est de créer le mouvement des forces populaires, en établissant  une foi en la nécessité de la justice, puis en construisant une connaissance militante organisée  et  une pratique politique intellectuelle.

 

 

 

Notes:

 « 1 » Voir  Antonio Gramsci sur Wikipedia:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Antonio_Gramsci

« 2 »  Benichou Sarah : Antonio Gramsci, l’hégémonie comme stratégie, Que Faire – Numéro 9 – Août/octobre 2008

« 3 »   Gramsci, Cahiers de prison, 10, 11, 12, 13, Gallimard, 1978, P. 119.

« 4 » Buci-Glucksmann Christine, Gramsci et L’Etat, Paris, Fayard, 1975, P.47.

« 5 » Cirese Alberto M. : Conceptions du monde, philosophie spontanée, folklore, Dialectiques, No4-5, P.97.

« 6 »  La même source.

« 7 »   La même source.

« 8 »  Buci-Glucksmann Christine, Gramsci et L’Etat, Paris, Fayard, 1975, P.329.

« 9 »  Gramsci, Cahiers de prison, 10, 11, 12, 13, Gallimard, 1978, P. 177.

« 10 »  La même source, P.175.

« 11 »  Thibaudeau Jean, Premières notes sur les écrits de prison de Gramsci pour placer la littérature dans la théorie marxiste, Dialectiques, No4-5, P.69.

« 12 »  Gramsci, Cahiers de prison, 6, 7, 8, 9, Gallimard, 1983, P. 222.

« 13 »  Gramsci, Cahiers de prison, 6, 7, 8, 9, Gallimard, 1983, P. 356.

« 14 »   Gramsci, Cahiers de prison, 10, 11, 12, 13, Gallimard, 1978, P. 195.

« 15 » Gramsci, Cahiers de prison, 10, 11, 12, 13, Gallimard, 1978, P. 178.

« 16 » Gramsci, Cahiers de prison, 6, 7, 8, 9, Gallimard, 1983, P. 358.

« 17 »   Piotte Jean-Marc, La pensée politique de Gramsci, Chicoutimi, Québec, 2002, P.10.

« 18 »   Gramsci, Cahiers de prison, 6, 7, 8, 9, Gallimard, 1983, P. 359.

« 19 »    Salvadori Massimo, Actualité de Gramsci, Dialectiques, No4-5, P.142.

« 20 » Gramsci, Cahiers de prison, 6, 7, 8, 9, Gallimard, 1983, P. 196-197.

« 21 » Gramsci, La situation italienne et les tâches du PC d’I, in M.A Macciocchi, Pour Gramsci, Seuil, 1974, pp. 363-364.

Un commentaire

  1. J’ai commencé à lire avec intérêt mais j’ai l’impression qu’il y un problème de texte à partir du deuxième point, certaines phrases sont incompréhensibles.


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