CHINE • Pékin fait son marché autour du monde

 Grâce à leurs abondantes liquidités, les entreprises chinoises multiplient les achats à l’étranger. Aucun secteur n’échappe à l’appétit des investisseurs venus d’Extrême-Orient. La Chine signe des contrats y compris avec l’iran malgré les mises en garde des Etats-Unis.

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illustration : Tom Albanese, le directeur de Rio Tinto (métaux), et Xiao Yaqing, le président de Chinalco signent un accord, Londres, 12 février 2009
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Au mois de février, les entreprises chinoises se sont livrées à une débauche d’achats. Que ce soit en Iran, au Brésil, en Russie, au Venezuela, en Australie ou en France, elles ont fait main basse sur des dizaines de milliards de dollars d’actifs, qu’elles ont pu se procurer à prix réduits en raison de la crise financière. Ces opérations ont permis à la Chine de s’assurer des réserves de pétrole, de minerais, de métaux et d’autres ressources naturelles stratégiques dont elle a besoin pour continuer à alimenter sa croissance. L’ampleur même des contrats perturbe les marchés énergétiques et attise les craintes sur la disponibilité future de ces ressources et leur prix dans des pays comme les Etats-Unis.

Il y a encore quelques mois, de nombreux Etats accueillaient avec suspicion ces offres venant de Chine. Mais, à présent que les entreprises et les banques hésitent à fournir de l’argent à des entreprises en difficulté ou qu’elles n’en ont plus les moyens, la Chine, qui dispose d’abondantes liquidités, est devenue une nouvelle locomotive du prêt et de l’investissement. Le 12 février, le géant chinois de l’aluminium Chinalco a signé avec le groupe australien Rio Tinto un contrat de 19,5 milliards de dollars [14,4 milliards d’euros] qui doublera sa participation dans la deuxième entreprise minière du monde. Les 17 et 18 février, China National Petroleum, la principale entreprise gazière et pétrolière, a signé avec la Russie et le Venezuela deux accords distincts, en vertu desquels la Chine s’engage à fournir respectivement des prêts de 25 et 4 milliards de dollars en contrepartie de livraisons de pétrole à long terme. Enfin, la China Development Bank a signé, le 19 février, un contrat similaire avec Petrobras, la compagnie pétrolière brésilienne, à qui elle a consenti un prêt de 10 milliards de dollars en échange de pétrole.

Malgré le net ralentissement des flux financiers mondiaux, la Chine a considérablement accru ses investissements à l’étranger. En 2008, ses opérations de fusion-acquisition à l’international ont représenté 52,1 milliards de dollars. En janvier et février 2009, les entreprises chinoises ont déjà investi 16,3 milliards de dollars à l’étranger. A ce rythme, le chiffre de 2009 pourrait représenter le double de celui de l’année dernière. Les médias officiels chinois présentent cette frénésie d’achats comme un phénomène ne se produisant qu’une fois par siècle, et certains analystes dressent un parallèle avec le Japon des années 1980. « Que la Chine ait commencé à investir ou à acquérir des entreprises de ressources minières à l’étranger à des prix relativement bas pendant la crise économique mondiale est parfaitement normal. Le Japon en a fait autant pendant les années de sa bulle économique », remarque Xu Xiangchun, directeur de Mysteel.com, une société de recherche et d’études.

Les entreprises chinoises ne sont pas les seules à profiter de la crise économique pour venir en aide à d’autres tout en y trouvant leur compte. Le gouvernement chinois s’est lui aussi porté au secours de pays en difficulté, tels que la Jamaïque et le Pakistan, dont il veut se faire des alliés, en leur consentant des prêts bonifiés. Les consommateurs chinois dépensent également leur argent à l’étranger. Lors d’un voyage organisé en février par une agence immobilière, un groupe de 50 Chinois s’est rendu à New York, Los Angeles et San Francisco pour acquérir des immeubles à des prix sacrifiés en raison de la crise immobilière. A la fin du même mois, le ministère du Commerce chinois a mis sur pied une expédition similaire mais en invitant, cette fois, des sociétés. Le ministre, Chen Deming, a accompagné 90 chefs d’entreprise. Ces derniers ont signé pour 10 milliards de dollars de contrats en Allemagne, 400 000 dollars en Suisse, 320 millions en Espagne et 2 milliards en Grande-Bretagne. La plupart des transactions portaient sur l’acquisition de biens de consommation, parmi lesquels de l’huile d’olive, 3 000 Jaguar et 10 000 Land Rover. Le ministère du Commerce a annoncé son intention d’organiser d’autres missions d’investissement à l’étranger dans le courant de l’année et il est probable que les itinéraires incluront les Etats-Unis, le Japon et l’Asie du Sud-Est.

Les prochaines cibles pourraient être des constructeurs automobiles étrangers. Le 23 février, Weichai Power, un fabricant de moteurs Diesel, a annoncé sa décision de racheter pour 3,8 millions de dollars les produits, la technologie et la marque de l’entreprise française Moteurs Baudoin, qui conçoit et fabrique des équipements de propulsion marine. Il s’agissait d’un contrat relativement modeste, mais Chen Bin, le directeur général du département industriel de la Commission nationale pour le développement et la réforme, a laissé entendre que des acquisitions plus importantes étaient en préparation. Dans les coulisses d’une conférence de presse sur l’économie donnée en février, il a rappelé que les constructeurs automobiles étrangers avaient des problèmes de trésorerie tandis que leurs homologues chinois avaient « besoin de leur technologie, de leurs marques, de leur talent et de leurs réseaux de vente. Mais les entreprises chinoises auront des difficultés à stabiliser les activités de constructeurs étrangers et maintenir leur croissance », a reconnu Chen Bin, avant d’ajouter que, si les sociétés chinoises étaient partantes, « le gouvernement les soutiendra[it] ».

 
 
Ariana Eunjung Cha
The Washington Post

Iran-Chine : un contrat qui dérange 
 
Pékin et Téhéran ont conclu un contrat de 3,2 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros) pour l’exploitation du gisement gazier de South Pars, dans le golfe Persique. La Chine doit aider l’Iran à exploiter ce gisement, qualifié de plus grande réserve de gaz naturel du monde, rapporte le webzine iranien Mardomak. Le contrat prévoit la production de 10 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) sur une durée de trois ans.

Les médias iraniens se sont fait largement l’écho de cette nouvelle. Ce contrat montre que la Chine n’est pas très sensible aux appels lancés récemment par le président américain Barack Obama, qui a renouvelé les sanctions américaines contre l’Iran. Il a également demandé aux autres pays de ne pas coopérer avec la République islamique, car elle refuse de suspendre son programme nucléaire, malgré plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies en ce sens.

2 commentaires

  1. La France perd beaucoup avec les tartarinades tibétaines de son Président. La Chine vient de commander 100 TGV… à l’allemand Siemens. Au prochain G20, les Chinois auront des entretiens individuels avec tous les chefs d’Etat, sauf un – devinez lequel.

    La Chine vient aussi de faire une proposition très intéressante: la création d’une vraie monnaie mondiale pour remplacer le dollar, monnaie qui serait construite à partir des Droits de Tirage Spéciaux du FMI.

    http://www.pbc.gov.cn/english/detail.asp?col=6500&id=168

  2. Et s’il continue nos chères élites industrielles et financières risquent de le lacher et lui trouver un remplaçant (voir la une de l’Express) avant la fin de son mandat. Car n’est ce pas ! buiseness is buiseness….


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