les révélations du Figaro sur le financement de reporters sans frontières

Révélations sur le financement de Reporters sans frontières

Marie-Christine Tabet

21/04/2008 |

L’association dirigée par Robert Ménard, qui a pris la tête de l’opposition aux JO de Pékin, bénéficie du soutien financier de chefs d’entreprise.

Si l’activisme humanitaire était une discipline olympique, cet été à Pékin, les trois lettres de Reporters sans frontières brilleraient sur la plus haute marche du podium. Même un juge de la République populaire de Chine serait obligé de reconnaître la performance de l’organisation qui s’est juré de gâcher les Jeux des Chinois. Cette semaine, les militants de RSF se sont rendus à l’assemblée générale des actionnaires de Coca-Cola, dans l’État du Delaware aux États-Unis. Sous le regard abasourdi et bienveillant des petits porteurs américains, les dirigeants du principal sponsor du relais de la torche, ont dû répondre aux questions comminatoires de Lucie Morillon, la représentante à Washington de RSF. Elle a intimé à Neville Isdelle, le PDG de la firme, de prendre position en faveur des libertés en Chine et de créer un fonds de soutien aux familles de prisonniers politiques. Ce dernier, visiblement embarrassé, a éludé en rappelant les valeurs de l’olympisme et de sa compagnie. La bataille contre les marques qui se sont associées aux JO vient de commencer. Prochaines cibles : McDonald’s toujours aux États-Unis, Adidas en Allemagne, Omega à Genève, Atos Origin à Paris… «Chaque fois nous allons leur proposer de signer une charte sur les droits de l’homme en Chine, précise Lucie Morillon, ils doivent prendre position. Sinon nous irons jusqu’à demander aux consommateurs de boycotter leurs produits.»

RSF, qui s’oppose depuis 2001 à l’attribution des JO aux Chinois, veut également obtenir des chefs d’État occidentaux qu’ils refusent de participer à la cérémonie d’ouverture du 8 août prochain. Les hostilités ont éclaté le 30 mars dernier sur le mont Olympie, près d’Athènes, le jour du départ de la flamme. Robert Ménard, le fondateur de l’association, et deux comparses ont déroulé derrière un officiel chinois une banderole sur laquelle des menottes avaient remplacé les célèbres anneaux. Quelques jours après ce premier coup d’éclat, à l’occasion du catastrophique passage de la flamme dans la capitale française, le même Ménard a escaladé de nuit la façade sud de Notre-Dame pour y hisser son emblème et le drapeau tibétain. En fin de semaine, il tiendra une conférence de presse à Tokyo qui accueillera la torche à son tour puis il devrait se rendre à Nagano pour manifester aux côtés de militants japonais.

En quelques mois, RSF, ONG française de 25 salariés à Paris, avec seulement 5 bureaux à l’étranger et une dizaine de sections à travers le monde, est devenu la bête noire du géant chinois.

La facilité avec laquelle l’association spécialisée dans la défense de la liberté de la presse a pris la tête de l’opposition aux JO de Pékin a ravivé les rumeurs qui circulent depuis plusieurs années sur son compte. Créée en 1985 à Montpellier, elle serait dit-on financée aujourd’hui par les anticastristes, l’extrême droite américaine, infiltrée et manipulée par les agents de la CIA. Des centaines d’articles lui sont consacrés sur Internet et le sujet anime nombre de forums de discussion aux relents conspirationnistes et antiaméricains. Les sources d’information proviennent majoritairement de médias cubains. Maxime Vivas, un romancier toulousain, actuellement en villégiature en Chine cela ne s’invente pas , vient de publier un ouvrage chez l’éditeur belge Aden, qui reprend cette théorie. Mais la démonstration de celui qui se présente comme le «référent littéraire» du groupe altermondialiste Attac n’est guère concluante. Parmi les détracteurs de RSF, on retrouve également Thierry Meyssan, l’homme qui présente les attentats du 11 Septembre comme un complot interne aux États-Unis et nie le crash d’un avion sur le Pentagone.

Bureau de style et techniques marketing

En réalité, RSF perçoit depuis 2005 une subvention de quelque 35 000 euros de la National Endowement for Democracy (NED), association américaine de promotion de la démocratie dans le monde. La somme allouée à Reporters sans frontières est destinée à l’aide aux journalistes en Afrique. Depuis 2002, le Center for a Free Cuba, fondé par les anticastristes de Miami, lui verse quelque 64 000 euros. Ces deux subventions représentent moins de 2,5 % du budget total de l’association. L’argent des deux fondations américaines n’en a pas moins provoqué des remous chez certains militants de RSF. Les sections allemande et espagnole ont notamment plaidé pour un abandon de ces subsides. «En y renonçant nous donnerions du crédit à ces calomnies fondées sur un antiaméricanisme nauséabond et une sympathie incompréhensible pour le régime castriste. Ce pays arrive juste après la Chine par le nombre de journalistes incarcérés dans ses geôles», s’insurge Robert Ménard. «Pourtant nous pouvons vivre très largement sans cet argent…», poursuit-il.

C’est un fait indéniable. RSF dispose d’un confortable budget de près de 4 millions d’euros qu’il finance avant tout par ses activités éditoriales. Si Robert Ménard n’est pas un homme d’argent, ce fils de commerçant a un vrai sens du business. La vente de calendriers et de trois livres de photographie assure près de 60 % de ses revenus annuels. Les albums, généralement réalisés par de grands artistes qui abandonnent leurs droits, sont distribués gratuitement par les Nouvelles Messageries de la presse parisienne (NMPP) et les kiosquiers. Du coup, les 9,90 euros du produit de la vente de chaque exemplaire vont intégralement dans les caisses de RSF. Des opérations spéciales comme des ventes aux enchères ou la diffusion de produits dérivés améliorent encore l’ordinaire. En 2008, RSF pourra par exemple compter sur la vente des tee-shirts noirs Pékin 2008 avec les menottes en guise d’anneaux. Depuis le début de l’année, les commandes se sont envolées et le chiffre d’affaires réalisé dépasse le million d’euros… Un coup de chance ? Pas vraiment. Ils ont été dessinés par un bureau de style, et les tissus choisis avec soin… Robert Ménard a d’ailleurs dans son équipe une ancienne de chez Price Waterhouse, rompue aux techniques du marketing, qu’il paye presque aussi bien que lui, soit un peu moins de 5 000 euros.

Les dons d’entreprises et de fondations privées apportent plus de 20 % des ressources. Sanofi-Aventis est le plus généreux mécène de l’association. Chaque année la direction de la communication du groupe pharmaceutique lui signe un chèque de quelque 400 000 euros. Le PDG de Sanofi, Jean-François Dehecq, a rencontré Robert Ménard à Montpellier où la firme possède l’un de ses plus importants sites de production. Et lui est resté fidèle.

«Aider près de 1 500 journalistes»

En 2007, François Pinault a fait son entrée parmi les «amis» de RSF. L’ancien patron de PPR a en effet permis à Robert Ménard d’acquérir 180 mètres carrés de bureaux à Paris, à quelques mètres des Grands Boulevards de la capitale. Outre une aide financière, Pinault a également demandé à un de ses conseillers de gérer l’ensemble de l’opération immobilière d’un montant total de 2,5 millions d’euros. RSF peut également compter de façon plus ou moins occasionnelle sur le soutien de la Fondation de France, de l’Open Society Institute de George Soros, du Sigrid Rausing Trust ou encore de Benetton. Les subventions publiques comptent pour moins de 10 % du total des recettes, un niveau équivalent à celui des dons des particuliers. «Les journalistes ne suscitent pas la générosité du public», explique Fanny Dumont, ancienne responsable des finances de RSF. À côté de ces généreux mécènes, Robert Ménard s’appuie sur son carnet d’adresses pour relayer ses combats. De la comédienne Carole Bouquet à Patrick Poivre d’Arvor, Christine Ockrent en passant par le photographe Yann Arthus-Bertrand, les people n’hésitent jamais à lui venir en aide. Stéphane Courbit, fondateur d’Endemol France, va participer à l’augmentation de Médias, une revue d’analyse dont RSF détient 20 % du capital et que dirige Emmanuelle Duverger, l’épouse de Robert Ménard.

Mais cette exposition permanente a un coût. En 2007, les opérations de mobilisation des médias ont englouti près de 20 % des dépenses de l’association. Avec l’opération Pékin, la note devrait être encore plus salée en 2008. «Cette visibilité nous permet d’aider près de 1 500 journalistes chaque année et de soutenir financièrement les familles. Personne ne vient m’interviewer lorsque je veux parler des problèmes des journalistes érythréens», justifie Robert Ménard. C’est en effet dans les cortèges des manifestations pour la libération d’Ingrid Betancourt, les tractations pour celle des journalistes pris en otages en Irak, Chesnot, Malbrunot et Aubenas, que Ménard a imposé l’image de Reporter sans frontières. Plus que par la diffusion de ses rapports sur l’état de la presse dans le monde. Au Qatar, RSF vient de prendre en charge pour le compte de Sheikha Moza, la mère du prince héritier, la création d’un Centre international de la presse, entre Villa Médicis et mémorial de la presse du monde arabe. Une nouvelle diversification pour cette singulière PME de l’humanitaire devenue spécialiste en événementiel.

http://www.lefigaro.fr/actualites/2008/04/21/01001-20080421ARTFIG00365-revelations-surlefinancement-de-reporters-sans-frontieres.php

9 commentaires

  1. Une chose que j’ai toujours pas compris c’est pourquoi RSF peut faire de l’agitation sur toute sorte de sujets qui n’ont rien à voir avec la défense des journalistes sans que ça fasse question pour personne.

  2. ne le nommons plus que « Bob-Ménard »…

  3. Il n’est pas trop tard pour bien faire et surtout pour soulever la question du financement de l’association « Reporters Sans Frontières ».

    Le Figaro dans son édition d’aujourd’hui nous a mis l’eau à la bouche en évoquant l’affaire.

    Ainsi l’article admet que RSF a le soutien financier de chefs d’entreprise et bénéficie également de concours financiers de la NED( Agence du Gouvernement Américain).

    C’est déjà une bonne chose que d’avouer tout cela mais on a l’impression qu’en fait le Figaro veut voler au secours de RSF car finalement il laisse accroire que, malgré une partie d’aides douteuses, les ressources de l’organisation dépendraient principalement de la vente d’albums photos et de tee-shirts, ce qui relève plus de la plaisanterie ou du conte de fées que de la réalité.

    En fait on n’avoue qu’une partie du délit pour ne pas avoir à en révéler la totalité. C’est une tactique bien connue.

    Il est notoire que la quasi-totalité des ressources budgétaires de RSF proviennent des différentes officines américaines liées à la CIA, de l’Union Européenne, de gouvernements européens, de grandes entreprises notamment des entreprises françaises du CAC 40 relevant de l’industrie, de l’armement et des médias.

    Par contre le financement par les cotisations et dons des adhérents ne représente que 4 % du budget.

    Voir ci-dessous un extrait d’un forum Nouvel Obs sur RSF commenté sur vdedaj.club

    question de : revizor (postée le 21/10/2004 à 18h24)
    RSF est-elle une ONG indépendante?.En effet les comptes font apparaître un financement très important venant de la Commission Européenne et des gouvernements,ainsi que de grands groupes capitalistes industriels et de l’Edition(Lagardère ,Editis ,Dassault etc..)alors que les cotisations et dons des particuliers ne représente que 4 % des ressources.

    Réponse de Ménard : La bêtise n’a pas de limite. Avant de débiter vos aneries, allez plutôt voir nos comptes qui sont publiés sur notre site internet. Comme toute association reconnue d’utilité publique, ils sont certifiés par un commissaire au compte indépendant.

    Les faits : Encore et toujours l’insulte, qu’est-ce qui fait que le dossier RSF-USA-Cuba fait perdre son contrôle à monsieur Ménard qui aborde tous les autres sujets sans s’emporter. En allant voir les comptes (http://www.rsf.org/article.php3?id_article=591) on s’aperçoit que les cotisations sont tellement faibles qu’elles ne font même pas partie des principaux postes budgétaires et sont classées dans la catégorie « autres produits » qui représente en tout moins de 15% des revenus (le chiffre de 4% pour les seules cotisations semble donc très plausible).

  4. je signale que le texte de l’interview de Robert menard dans lequel il avoue pour la première fois qu’il reçoit des subsides de la NED est reproduit intégralement dans notre livre « Les Etats-Unis de Mal Empire », Aden. 2005

    En outre sur ce site vous pouvez lire ce qu’est la NED
    De même sur Grand soir vous avez le financement de Robert menard par l’ancien président de taiwan, lui-même menant un combat contre la Chine voulu par les USA, combat qui vient d’être désavoué par les électeurs taiwanais qui ont préféré le retour vers la mère patrie.

    Enfin sur ce site même l’article de J.G.Allard où il est décrit les liens et le scandale qui frappe la mafia cubaine de Miami les bailleurs de fond de Menard qwi ne se cache même plus.

    Pourquoi le ferait-il quand la dirigeante du PCF a la position qu’elle a, quand le PS, les élus de paris sont aux ordres de ménard, quand la LCR pire le suit, d’ailleurs ménard a été membre de la LCR, alors que maintenant sa revue média est de plus en plus proche de l’extrême-droite.
    Voilà ce que sont les communistes en France, pas un pour dénoncer le fait que les USA interviennent en Irak. Alors on peut toujours quand on est un militant de le LCR pleurer des larmes de crocodile sur la palestine, sur le sous préfet sanctionné, on accepte de soutenir Menard et de suivre les ordres de ceux qui martyrisent le peuple palestinien, le pleuple irakien.

    Il faut être clair et savoir qui on défend et avec qui on est ici dans ce blog du moins.

    Danielle Bleitrach

  5. Le Figaro tente de discréditer les arguments qui montrent l’instrumentalisation de RSF par les services américains et le rôle probable d’agent d’influence que joue Robert Ménard en les associant aux théories conspirationnistes et négationistes. Ce type de « calomnie par contiguité » pour diaboliser et mettre en quarantaine est un procédé de plus en plus fréquent, et le PCF a vu des experts à l’œuvre : tout opposant (de gauche bien sûr) est rangé dans le pandémonium.

    Cela dit, il existe effectivement une mouvance gauchiste dont « la Vieille Taupe » avait été le prototype qui évolue directement paranoia aidant vers le racisme, à ma connaissance le dernier en date est Alain Soral.

  6. Tout à fait, il s’agit d’un contrefeux. Hier soir, l’émission contre enquête est allé dans ce sens, il faut dire que Marie georges Buffet y a joué sa pitoyable partie, en l’écoutant j’ai été contente de ne plus rien avoir de commun avec cette incapable au meilleur des cas. mais pour revenir à l’émission, un chef d’oeuvre du genre, on peut dire que Menard y était peint comme un aventurier un peu fou mais bien sympathique, puisqu’il défend la juste cause des Tibétains.
    Occulté l’essentiel le fait qu’il soit un agent des Etats-Unis et qu’il jouit de ce fait d’un droit de regard sur la politique de la ville de Paris.

    Occulté avec cette mise en cause ce que décrit trés bien l’article de Rebelion sur la campagne anti-chinoise, le rideau d’ombre, l’invention de grandes manifestations relayées par le système de propagande et de mensonge médiatique.

    C’est une forme de vassalité de l’Europe dont le Kosovo est la manifestation la plus extraordinaire, il a été installé par l’OTAN au coeur de l »Europe un pouvoir mafieux, un facteur de déstabilisation permanent.

    Il est vrai qu’il existe aussi des paranoïas antisémites que l’on active également sous une forme provocatrice pour déconsidérer ceux qui interrogent la domination de la CIA sur le politico-médiatique européen et singulièrement français.

    Mais le fond de tout cela est dans l’article que j’ai posé sur « qui va payer la crise? » tant qu’on a pas compris cela, on reste effectivement dans la simple théorie du complot. C’est une classe qui se défend en créant des campagnes, en jetant les peuples les uns contre les autres.

    danielle bleitrach

  7. Qu’a raconté MGB à cette émission?

  8. Toujours la même chose, que le problème des droits de l’homme au Tibet était grave et qu’il fallait que l’Europe le traite mais que l’olympisme était au-dessus de ça, donc pas de boycott mais appel à l’intervention de l’Europe dans les affaires chinoises, et accusation de la Chine.

    Remarque il y aurait pu avoir pire, si on avait interviewé Besancenot ça aurait été « il faut suivre la campagne de Robert ménard », ce qui a été le fond du communiqué de la ligue.

    Le reportage était invraisemblable, pas un mot bien sur sur l’origine de la campagne, Robert Menard agitateur mais en tant qu’individu, donnant envie à des jeunes épris d’aventure de s’engager derrière ce Goebbels… Reportage aux Etats-Unis où ont été mobilisés contre financement bien sur (6000 dollars pour le reportage) un des anciens héros de Mexico qui a du faire une petite manifestation d’une cinquantaine de personnes pour dire qu’il fallait aller défendre le Tibet contre les méchants chinois, que c’était la poursuite du combat pour les droits civiques en 68, complétement paumé le pauvre mec, pas un mot de cet homme ou d’un autre qui milite contre la Chine au Darfour contre la présence étasunienne en iraq. Tous contre la Chine, et rien contre l’armée étasunienne, le contraire des années soixante et la mobilisation contre le Viet-nam et pour les droits civiques aux Etats-Unis.
    Rien d’étonnant à ce que MOGB et besancenot se sentent à l’aise dans cette comédie droits de l’hommistes, leur projet c’est de nous conduire à la situation italienne.
    Danielle Bleitrach

  9. ET oui ça va étre de plus en plus contre la Chine que vont se mobiliser les laquais des USA , parceque une Chine prospére et développée ce sera un point d’appui pour tous ceux qui ne veulent pas subir l’empire. A nous d’expliquer les enjeux et de défendre la Chine.


Comments RSS

Laisser un commentaire