Mc Cain, un dangereux illuminé par Anatol Lieven

Parce qu’il pense que les Etats-Unis sont « la plus grande force de bien dans l’histoire de l’humanité », le candidat républicain pourrait être un président plus dangereux que George Bush, prévient le chercheur britannique Anatol Lieven*. Certes le cirque électoral aux etats-Unis et désormais en France consiste à se faire peur tant on vote de moins en moins pour quelqu’un ou pour un programme et de plus en plus par haine de l’autre mais ce portrait de John McCain présente quelque intérêt. D’abord parce que les électeurs nord-américains imposent leur « choix » au reste de l’humanité. Ensuite parce que je suis tout à fait d’accord avec l’idée que la politique des Etats-Unis depuis quelques années a consisté à accumuler sur tous les continents des poudrières et voici que surgit terminator, celui qui sera prêt, parce qu’il est convaincu que Dieu protège et bénit les Etats-Unis, à faire exploser le feu d’artifice. 
 
 
 
John McCain
AFP 
 
 
Il semble peut-être incroyable de dire une chose pareille compte tenu des expériences passées mais, dans quelques années, c’est peut-être avec nostalgie que l’Europe et le monde repenseront à l’administration Bush. Ce sera le cas si les Etats-Unis élisent John McCain en novembre prochain. Au cours des dernières années, les Etats-Unis ont créé des poudrières dans différentes parties du monde. Et le Parti républicain est aujourd’hui sur le point de désigner comme candidat une allumette susceptible de mettre le feu aux poudres. Le problème que pose John McCain vient de son idéologie, de sa politique et surtout de sa personnalité. Son idéologie, comme celle de ses principaux conseillers, est celle d’un néoconservateur. Il était par le passé considéré comme un conservateur de la vieille école, un réaliste. Actuellement, les réalistes qui figurent dans son équipe n’ont plus qu’un rôle décoratif.Poussé en partie par son intense engagement en faveur de la guerre d’Irak, John McCain s’appuie sur des néoconservateurs comme William Kristol, de l’hebdomadaire Weekly Standard, qui est un ami proche. En politique étrangère, il a pour principal conseiller Randy Scheunemann, autre néoconservateur en vue et fondateur du Comité pour la libération de l’Irak. John McCain partage leur foi dans ce que William Kristol appelle « le conservatisme de grandeur nationale. » Il est persuadé que « les Etats-Unis sont le pays indispensable parce que nous nous sommes avérés être la plus grande force du bien dans l’histoire de l’humanité… nous avons fermement l’intention de continuer à utiliser notre primauté dans les affaires mondiales pour le bénéfice de l’humanité. » « J’instituerai une politique que j’appelle ‘réduction des Etats voyous’. J’armerai, j’entraînerai et j’équiperai des forces qui finiront par renverser le gouvernement en place et instaureront un gouvernement démocratiquement élu », avait, pour sa part, déclaré John McCain en 2000, en se fondant sur le programme néoconservateur d’instauration de la démocratie par la force. John McCain souhaite d’ailleurs qu’on attaque l’Iran si nécessaire pour l’empêcher de développer des armes nucléaires. Il a été filmé, en 2007, en train de chanter « Bombardez, bombardez l’Iran » sur l’air de Barbara Ann des Beach Boys.

Tout cela ne serait pas aussi inquiétant si John McCain n’était pas connu pour sa promptitude à s’enflammer devant les insultes – véritables ou supposées – adressées à lui-même ou au pays. « Depuis que je suis ici, je n’ai connu aucun président avec un caractère pareil », explique le sénateur républicain Thad Cochran. Voilà pourquoi ce ne sont pas seulement les électeurs américains qui devront mettre à profit les neuf mois à venir pour réfléchir aux conséquences d’une élection de John McCain à la tête des Etats-Unis. Les gouvernements européens doivent aussi se poser la question et songer à la façon d’empêcher un gouvernement McCain de poursuivre une politique incendiaire, ou si nécessaire de protéger l’Europe des conflagrations qui en découleraient.

* Auteur de Le Nouveau Nationalisme américain (éd. Folio Essais, 2006) 
 
Anatol Lieven, chercheur britannique
Financial Times
Why we should fear a McCain presidency
L’article original traduit et reproduit dans Courrier international 
 

4 commentaires

  1. EST-CE QUE CELA NE VOUS RAPPELLE PAS LA CAMPAGNE DE SARKOZY ?

    Vous remarquerez que ce que sont chargés de refléter les médias apparemment séduits c’est le mépris, la déconsidération du politique. La « rupture » pour le candidat qui pourtant se situe dans le sillage du gouvernement de Bush est une question de style, le mépris des « élites », les vertus conservatrices et patriotiques portées par un individu irrespectueux, narcissique, violent et qui reflète donc la colère populaire.
    Quiite à découvrir après l’élection que le personnage est aussi dangereux qu’un barbecue en plein mois d’août un jour de fort mistral dans l’Esterel…

    Voici donc l’article du New York Times

    ÉLECTION AMÉRICAINE • Pourquoi John McCain est devenu le chouchou des médias

    Disponible, décontracté et souvent ironique, le candidat républicain a réussi à mettre la presse dans sa poche. Une stratégie qui pourrait s’avérer payante, estime le politologue Neal Gabler.

    John McCain
    AFP

    Ce n’est pas un secret : le sénateur John McCain, candidat républicain à la présidentielle, est le chouchou des médias. Les journalistes ne manquent jamais une occasion d’accoler à son nom des épithètes homériques telles que « anticonformiste », « adepte du parler vrai » et « patriote ». Chris Matthews, de la chaîne MSNBC, a même décrit la presse comme étant la « clientèle de McCain », commentaire que le candidat a lui-même repris sur le ton de la plaisanterie. Dans l’ensemble, on ne peut pas dire des grands médias qu’ils parlent de McCain, mais qu’ils l’encensent.

    Reste à savoir pourquoi au juste la presse se pâme à son sujet. La réponse tient peut-être au fait qu’il incarne ce que les commentateurs politiques n’ont plus vu depuis un bout de temps, peut-être depuis John F. Kennedy. McCain semble se considérer lui-même et l’ensemble du processus politique avec un mélange d’amusement et d’étonnement. Maniant l’ironie, il séduit un groupe d’individus chez qui le détachement ironique est plus apprécié que la sincérité ou le sérieux. Peut-être est-il le premier candidat vraiment postmoderne, le premier à faire de ses relations avec la presse le fondement même de sa candidature.

    Evidemment, ce n’est pas en ces termes que la presse a coutume de parler de lui. En général, l’analyse de sa popularité médiatique commence par sa carrière militaire. Si les campagnes sont avant tout affaire de récit, celui de McCain est aussi brillant que remarquable, et il faudrait franchement que la corporation des journalistes soit de mauvaise composition pour passer à côté.

    Pour justifier son affection, la presse a aussi souvent tendance à citer la bonhomie du personnage. Comme l’écrivait Ryan Lizza en février dernier dans l’hebdomadaire The New Yorker, quand il est en campagne, McCain passe son temps à disserter assis au fond de son bus surnommé l' »Express du parler-vrai », jusqu’à ce que l’habitacle soit lourd du silence gêné de journalistes à bout de questions.

    Si la fraternisation de McCain avec les médias est aussi efficace, c’est parce qu’elle s’accompagne de franchise, ou du moins d’une illusion de franchise. Au fil des années, les journalistes n’ont cessé de souligner sa tendance à s’exprimer apparemment sans détour. En 1999, William Greider écrivait dans le magazine Rolling Stone : « Tandis que McCain continuait de passer ses défauts en revue, les journalistes dans le bus commencaient à donner des signes de nervosité. Quelqu’un pourrait-il faire taire ce type avant qu’il ne s’autodétruise ? » Imaginez un peu, des journalistes en train de protéger un candidat de lui-même !

    Toutefois, pour autant que sa disponibilité, son amabilité et sa franchise aient pu jouer un rôle dans son histoire d’amour avec les médias en 2000 et pour autant qu’elles continuent à le faire en 2008, autre chose est aujourd’hui à l’œuvre, quelque chose de plus complexe.

    En quoi la campagne de 2008 est-elle différente, et pourquoi McCain peut-il être qualifié de premier candidat postmoderne ? Parce qu’il admet cette symbiose entre la presse et lui, et surtout parce qu’il est prêt à lui montrer qu’il s’en sert. En ne faisant pas mystère de son rapport ambivalent avec la presse, il révèle l’absurdité du grand jeu politique. Il dévoile également le scepticisme que ce grand jeu suscite en lui. Et on peut voir dans ce mépris une attitude de gauche, d’un point de vue culturel sinon politique. Avec son sens de l’ironie, McCain est spirituellement proche des journalistes. C’est peut-être pour cela que les conservateurs se méfient de lui et que certains, à gauche, semblent le vénérer.

    La presse tire à boulets rouges sur les candidats qui ne plaisantent pas avec la politique. McCain l’ironique a droit à toute son affection. Ce qui, dans cette campagne, en a amené quelques-uns à effectuer de véritables contorsions. Si en 2000 John McCain était salué pour sa franchise, à bord de son bus et ailleurs, en 2008 on l’apprécie justement parce qu’il n’est plus le même homme. Hors de son bus, il fait plaisir aux beaufs (nous) en récitant le catéchisme conservateur. A bord de son bus, il satisfait la presse en donnant l’impression que ces discours ne sont qu’une ruse pour décrocher l’investiture républicaine.

    Pourtant, les journalistes, d’ordinaire si prompts à dénoncer l’hypocrisie, semblent considérer cette insincérité comme une vertu. Quand un Mitt Romney réputé austère vacille, on le traite de girouette. Quand McCain se met soudain à soutenir les baisses d’impôt de Bush, appuie la droite religieuse ou défend la sécurité des frontières plutôt que le droit à la citoyenneté pour les immigrés clandestins, ses camarades de la presse nous expliquent que, en fait, il ne le pense pas vraiment.

    Ce qui laisse penser que l’amour est aveugle, et que la meilleure de toutes les stratégies politiques est peut-être de séduire la presse par son détachement ironique. Une stratégie qui pourrait bien mener miraculeusement McCain jusqu’à la Maison-Blanche.

    Neal Gabler
    The New York Times

  2. Un autre parrallèle qu’on peut peut-être faire entre les deux campagnes présidentielles est l’actuel encensement (même relatif) de Obahma aux dépends de Clinton avant de probablement le démolir une fois « choisi » par les démocrates.
    Je pense que les conservateurs US ont beaucoup appris de la présidentielle française et une élection de Mc Cain ne me surprendrait pas!

  3. moi non plus, j’ai exactement les mêmes soupçons… Mais je me demande si les Etats-Unis ont appris ou si c’est parce que ce sont les Etats-Unis qui ont « fait » médiatiquement parlant, la campagne de Sarkozy…
    Ou comment fabriquer un président français entièrement voué aux intérêts nord-américains, y compris en le fabriquant lui mais également en fabriquant son adversaire la plus nulle possible.

    danielle Bleitrach

  4. c’est une raisonnement que j’ai failli ajouté dans mon commentaire précédent ;o)


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