Les leçons du scandale Madoff par Philippe Frémeaux, directeur d’Alternatives Economiques

piramydL’escroquerie dont le financier Bernard Madoff est accusé aurait coûté entre 25 et 50 milliards de dollars à ses clients.
Ce qui frappe d’abord, dans l’affaire Madoff, c’est l’énormité de la somme en jeu. A côté, l’affaire Kerviel et ses 5 milliards d’euros de pertes apparait comme un banal accident de parcours. 50 milliards de dollars, c’est à peu de chose près le budget total de l’Education nationale en France.

L’arnaque montée par Bernard Madoff s’apparente au bon vieux système pyramidal. Fort de votre réputation, de votre aura d’investisseur avisé, vous promettez à des riches épargnants des placements à très haut rendement. Vous commencez à servir des intérêts aux premiers investisseurs en puisant dans les capitaux apportés par les nouveaux clients. Le système fonctionne tant que le nombre de clients augmente et qu’ils ne demandent pas de remboursement de leur mise. On est étonné que ça marche encore, mais les exemples en sont légion. Il y a quelques mois, en Colombie, un système identique s’est effondré, ruinant des centaines de milliers de petits épargnants crédules. Mais là, nous sommes à une tout autre échelle…

Ni en Colombie. Et la question est de comprendre pourquoi c’est seulement maintenant que Bernard Madoff s’est fait prendre. Il semblerait, en l’état des informations disponibles, que le système s’est effondré pour la seule raison qu’avec la crise, la base de la pyramide a cessé de s’élargir. Tout simplement. Car jusqu’à il y a une semaine, les autorités de surveillance ; la Securities and Exchange Commission (SEC), n’y avait vu que du feu, en dépit de différents contrôles.  Signe d’un incroyable laxisme qui confine à la complicité.

Il faut dire que Bernard Madoff représentait une sorte d’idéal-type de l’investisseur respecté, une pure incarnation du rêve américain. Ancien maître nageur, parti de rien, il était devenu le patron du Nasdaq, la bourse des valeurs technologiques américaines, en comprenant très tôt l’importance des plates-formes informatiques pour la négociation des titres. Philanthrope reconnu, doué d’un grand charisme, il fréquentait des particuliers fortunés, des gérants de fonds d’investissement, qui lui confiaient sans hésiter leurs capitaux à gérer.

Mais ce que l’affaire révèle surtout, c’est la naïveté intéressée de ceux qui lui ont fait confiance, Madoff maintenait des rendements supérieurs à 10 %, y compris dans les périodes les moins fastes, ce qui aurait du éveiller la méfiance des investisseurs. Or, l’appât du gain a été le plus fort et les a conduit à fermer les yeux et ne pas se poser de questions. Comme si cet homme, qui prétendait gérer ces sommes énormes avec une toute petite équipe, était tellement plus avisé que les autres… Au fond, les épargnants fortunés et les banquiers qui fréquentent les clubs chics de New-York ont montré qu’ils n’étaient pas plus malins que le petit épargnant colombien ou le médecin spécialiste qui se fait rouler par un notaire escroc rencontré au club de tennis.

En conclusion, observons tout d’abord que ces sommes ne sont pas toutes parties en fumée. Au-delà de ce que Madoff et ses proches se sont mis dans les poches, certains investisseurs du début on récupéré une partie de leur mise voire plus, s’ils n’ont pas été assez stupides pour la réinvestir chez lui. Pour le reste, c’est encore nous qui allons payer, en bons contribuables ou emprunteurs, afin de renflouer BNP Paribas et,  une fois encore, Natixis, puisque ces deux banques seraient exposées pour respectivement 350 et 450 millions d’euros.

6 commentaires

  1. L’effondrement du système Madoff n’est pas une escroquerie. Il est le produit du système boursier, donc du capitalisme. Sur quoi se fonde la Bourse ? Sur la spéculation à la hausse ou à la baisse de portefeuilles d’actions. Madoff a utilisé l’argent des spéculateurs pour spéculer. Quand la bulle spéculative boursière de dégonfle, les « investisseurs » perdent. En très grande quantité. Ce n’est pas une escroquerie, mais le simple dégonflement de la bulle, un réajustement en somme. Les mêmes qui pleurent aujourd’hui sur la crise « boursière » et qui parlent de moraliser le système, recommenceront à spéculer demain avec enthousiasme. L’escroquerie n’est pas là : l’escroquerie, c’est que ces spéculateurs vont faire payer leurs pertes au monde du travail, à coup de chômage partiel, de licenciements massifs, de fermetures de milliers de sites de production, d’attaques contre les acquis sociaux, etc.

    • chère Caroline, je suis bien d’accord avec toi et c’est excatement je crois ce que disait le texte de Jorion précédent sur l’affaire… Alternative communiste fait un trés bon travail d’éclaircissement des mécanismes économiques, et je trouve que ce texte apporte des informations et des compléments, mais Alternative économique c’est disons le PS, dans ses différentes sensibilités… Avec je le répète une grande qualité d’information… En relisant ce que tu as écris je m’aperçois qu’il y a peut-être une réduction de ta part au moment où tu dénonces celle du directeur d’Alternative… tiu limites le problème financier à la spéculation pour éviter l’escroquerie, c’est comme les gens qui n’arrêtent pas de parler d’une économie de casino… Tu devrais lire beaucoup de textes de ce blog et tu t’apercevrais à quel point il ne s’agit pas de spéculation.
      Danielle Bleitrach

  2. Encore une fois Philippe Frémeaux (et Alternatives Economiques avec lui)ne font que dé radicaliser le conflit essentiel de l’économie, celui de la répartition de la richesse produite (qui tient le couteau et qui coupe les parts?). Là ou Jorion voit la malhonnête ordinaire de tous les acteurs professionnels de la finance, il n’y voit lui que de la naïveté et de la bêtise. Çà permet d’éviter de parler de luttes des classes.
    La critique par Denis Clerc dans le dernier numéro du magazine en question des deux ouvrages récents de Frédéric LORDON et François RUFFIN, va tout à fait dans le même sens, trop extrémistes, trop radical.

  3. M Madoff n’est effectivement pas un escroc, il n’est que le pion d’un système financier basé uniquement sur la spéculation, on produit de l’argent virtuel avec du vent et cela continue, pendant que l’on renflouait la Lehman Bths avec l’argent du mouton contribuable, les courtiers de la même banque spéculaient à mort. Madoff ou Paulson sont des escrocs au service d’un système qui ne fonctionne pas et auquel des millions de naïfs croient encore, pour le bonheur de quelques privilégiés.
    J’imagine qu’il y a des milliers de Madoff dans le monde, le retour à une économie basée sur le travail et non pas sur la spéculation ou la valeur des monnaie et des matières premières soit stabilisée est la seule solution pour pulvériser ces escrocs. Au lieu de cela nos chefs d’état continuent à gaver les banques avec l’argent public, pour payer leurs crédits pourris dont la somme est stratosphérique et insolvable, donnant ainsi un espoir fou à tous les petits Madoff en herbe!

  4. Les spéculateurs ne seraient pas des escrocs ? Promettre des taux usuriers en spéculant sur des mouvements de fonds prêtés par des épargnants, système pyramidal, c’est pas immoral? – même si ce n’est pas répréhensible ni illégal, puisque c’est la base même du capitalisme?-

    A vous lire, ces gens-là ne mériterent-ils pas d’être cités à l’ordre du mérite agricole, de la Nation, de la Légion d’Honneur ?

  5. Madoff blanchit de l’argent, c’est arithmétique.

    http://ysengrimus.wordpress.com/2009/01/01/explication-de-l%E2%80%99incomprehensible-durabilite-du-scheme-de-ponzi-contemporain-il-blanchit-de-l%E2%80%99argent%E2%80%A6/

    La saga ne fait que commencer.
    Paul Laurendeau


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