Pas de Tahrir Square à Benghazi : un pogrom raciste fait rage contre les africains noirs en Libye, par Glen Ford

 

source : Monthly Review Foundation

traduit de l’anglais par Marc Harpon pour Changement de Société

Les progressistes américains et les forces pacifistes ont connu un état de joyeux délire ces dernières semaines tandis qu’ils prenaient part par procuration aux victoires populaires télévisées en Tunisie et en Egypte. Voir des foules désarmées triompher contre des régimes soutenus par les Etats-Unis a eu une sorte d’effet de vertige de ce côté-ci de l’Atlantique- un sentiment indicible que, d’une certaine manière, les avants-postes étrangers de l’empire étasunien pourraient soudainement se désintégrer à la demande des peuples. Mais maintenant, la machine de guerre navale étasunienne mouille aux larges des côtes de la Libye, et il est l’heure pour le mouvement pacifiste américain- ou ce qui en tient lieu- de se rappeler qui est le plus grand ennemi de la paix sur la planète Terre : l’impérialisme étasunien.

Ce n’est certainement pas Muhamar Khadafi, peu importe ce qu’on en pense. Et le conflit qui fait rage en Libye semble, en plus d’un point important, très très différent des événements de Tunisie et d’Egypte. Les forces anti-Khadafi ont été armées presque dès le départ de l’insurrection et comprenaient des membres de l’armée. Contrairement aux opposants du président égyptien Moubarak, nous en savons très peu concernant ces rebelles libyens- excepté qu’ils ont reçu beaucoup d’aide matérielle des américains et des français et d’autres européens. Il est également de plus en plus clair à l’heure actuelle qu’un pogrom raciste et vicieux fait rage contre le million et demi de travailleurs migrants noirs d’Afrique subsaharienne qui exercent les professions difficiles en Libye, professions rejetées par les libyens relativement plus à l’aise. Des centaines de travailleurs migrants noirs ont déjà été tués par des forces anti-Khadafi- pourtant les médias privés étasuniens n’expriment absolument aucune inquiétude pour leur sécurité. Un rapport occidental notait que de nombreux africains noirs ont été capturé à Benghazi et, suppose-t-on, pendus. Ceci est un crime de guerre, que ces hommes aient été des soldats ou des travailleurs migrants, mais le correspondant occidental semblait indifférent. On soupçonne que de nombreuses atrocités se déroulent dans les zones de Libye tenues par les rebelles, en particulier contre des gens qui n’appartiennent pas à la tribu dominante du coin. Benghazi n’est pas Tahrir Square au Caire.

L’Ambassadrice des Etats-Unis aux Nations Unies, Susan Rice, qui est aussi va-t-en-guerre que Condoleezza Rice, est visiblement impatiente d’envahir la Libye sous des prétextes humanitaires. Les Etats-Unis sont le pays le moins bien bien placé moralement pour critiquer Khadafi pour son traitement des civils arabes. Souvenez-vous de Fallujah, la ville irakienne d’un quart de million d’habitants que les Etats-Unis ont rasée après avoir commencé par bombarder ses hôpitaux, faisant plusieurs milliers de victimes. Si la plupart des américains ne se rappellent pas Fallujah, le monde arabe, lui, s’en souvient.

De nombreux américains qui prétendent être opposés à la guerre attendent juste une action militaire étasunienne à leur convenance. Heureusement, le United National Antiwar Committe, UNAC, comprend que l’impérialisme est l’ultime ennemi de la paix, et dit « non à l’invasion étasunienne de la Libye.

4 commentaires

  1. « Dans le même temps où l’homme asservi s’arc-boute et rejette l’opresseion, il se produit en lui un boulversement radical qui rend impossible et scandaleuse toute tentative de maintenir le régime dictatorial. »
    F:Fanon
    Ca m’a donné plein d’espoir
    Kirk

  2. Pôle Position du PRCF

    5 Mars 2011

     

    LIBYE : refuser l’alibi démocratique de l’intervention néo-coloniale US

    Les impérialistes occidentaux ne savent plus quoi faire pour récupérer et désamorcer le grand mouvement insurrectionnel qui secoue le monde arabe de la Tunisie au Yémen.

    Prenant prétexte de la répression sanglante que le régime de Kadhafi a déclenchée contre une partie de son peuple insurgé, Hillary Clinton annonce que la 6ème Flotte US (que diable fait-elle en Méditerranée à des milliers de km de Washington ?) doit se mettre en capacité d’ouvrir le feu sur Tripoli pour « libérer » le peuple libyen de son tyran. Pour justifier cette intervention de l’impérialisme, qui vise ni plus ni moins qu’à recoloniser la Libye comme au bon vieux temps du roi Idris, un énorme battage médiatique est mis en place qui tend à cacher la complexité de la situation interne dans ce pays.

    Il y a peu de chances pourtant que les Libyens aient oublié que l’attitude de Washington à leur égard a toujours été dictée par l’impératif unique de maintenir ce pays pétrolier sous la domination des Etats-Unis et, par leur intermédiaire, sous la coupe réglée des « majors » du pétrole. Quand dans les années 70 Kadhafi prenait position contre les menées impérialistes, il était aussitôt classé parmi les dictateurs fous et les terroristes. Quand, suite à la chute de l’URSS, le « fou » en question a cru de son intérêt de rallier prudemment le camp occidental, de laisser les sociétés pétrolières occidentales américaines, françaises, etc., faire main basse sur les hydrocarbures, quand il a approuvé l’invasion de l’Irak de Saddam Hussein, le « fou sanguinaire » est brutalement redevenu un ami de l’Occident fréquentable par les officiels US….. et par Henri Guaino, le calamiteux inspirateur de la politique « française » sur le pourtour méditerranéen…

    Mais surtout, il faut voir clair sur les « buts de guerre » de l’impérialisme US dans l’équipée anti-Kadhafi qu’il prépare. Qui peut croire qu’il peut s’agir sérieusement de venir en aide aux populations alors que la jeunesse libyenne aurait fait l’essentiel du boulot en payant lourdement de son sang le prix de la liberté……….selon les informations qui nous parviennent !.!

    La réalité est tout autre. Il s’agit de profiter d’une situation extrêmement grave, sanglante et confuse pour poursuivre dans l’accoutumance – que les peuples commencent à avoir ! –  au prétendu « droit d’ingérence humanitaire » ; cet énième précédent permettrait à nouveau à l’impérialisme US et à ses satellites européens d’intervenir où ils le souhaiteraient en violation de la Charte de l’ONU qui repose sur le principe du droit inaliénable des peuples à disposer d’eux-mêmes. Bien entendu la fausse gauche se félicite : c’est Fabius en personne qui ces jours-ci appelait à demi-mots à une intervention impérialiste contre l’aviation libyenne par blocage de l’espace aérien : entre l’impérialisme d’Obama, qui prétend dicter l’avenir du peuple libyen, et le social-impérialisme du PS et de toute une partie de la gauche établie, il n’y a décidément que l’espace d’un adjectif suivi d’un trait d’union.

    Quelque cruel et irrationnel que soit le régime Kadhafi aux abois – mais le fait que certains de ses adversaires aient repris le drapeau de la monarchie n’est pas rassurant – le PRCF ne peut que rappeler le précédent irakien : là aussi c’est sous couvert de débarquer un tyran que les USA sont intervenus. Et au nom de la démocratie made in USA, le peuple irakien a payé sa « libération » de plusieurs millions de victimes, avec une plongée du pays dans la guerre civile et le sous-développement. Il ne s’agit pas de dire aux Libyens insurgés « débrouillez-vous », mais de rappeler, sur la base de l’expérience, que les interventions « libératrices » de l’impérialisme US ont TOUJOURS été pires que le mal qu’elles prétendait résoudre.

    Soutien total donc, au peuple et à la nation libyennes en lutte (si c’est effectivement le peuple qui est en lutte ? – car nous en sommes à cette situation très grave, pour la vie démocratique, et paradoxale qui consiste à ne plus pouvoir nous fier aux informations qui nous sont données par la quasi-totalité des médias !.! ), solidarité totale avec les militants de la liberté les plus engagés dans la défense des intérêts de la classe ouvrière mais non, trois fois non, à l’Oncle Sam déguisé en « libérateur », non également aux manœuvres de Sarkozy et de Juppé qui voudraient faire oublier leur collusion avec ces régimes tyranniques (c’est aujourd’hui avec des armes fabriquées par les monopoles « français » de l’armement qu’on tue le peuple en Libye !) et récupérer à leur profit le mouvement insurrectionnel des peuples du sud méditerranéen. Plus que jamais, l’impérialisme, et les tyrans qu’il rejette après avoir tiré leurs fils pendant des décennies, est et reste l’ennemi principal des peuples. Quant au peuple libyen, il saura par lui-même et avec l’aide des autres peuples de la région, trouver la route de la démocratie populaire et de l’émancipation nationale sans se mettre sous la dépendance des faux « libérateurs » de Washington et de Bruxelles, dont l’unique but est de stopper le processus révolutionnaire des peuples arabes pour mieux recoloniser le pourtour méditerranéen.

    Mais on peut redouter l’imminence d’une intervention US ou de l’OTAN , ce qui revient à dire la même chose, même si une telle intervention est rejetée par les insurgés eux-mêmes tant l’exemple de l’Irak fait peur dans l’ensemble du monde arabe.
    La seule proposition sérieuse, celle initiée par Chavez et reprise par les pays de l’ALBA – une mission internationale de médiation et de paix – a été immédiatement rejetée par les gouvernements des pays impérialistes et en premier lieu par Juppé au nom de la France.

  3. Je crois que ces révoltes ne sont qu’une réussite très partielle car ces Peuples ne tarderont pas à s’apercevoir que leurs conditions de vie restent inchangées ! On a remplacé des tryrans par d’a

  4. (suite)
    par d’autres moins virulents mais la justice sociale n’est pas au rendez-vous . D’ailleurs l’impérialisme capitaliste aurait-il appuyé un tel changement? Je pense que ces Peuples ont encore bien des luttes en perspective!!!


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