COMAGUER: LA RUSSIE MARQUE DES POINTS

Grand échiquier eurasiatique : la Russie marque des points. Après la chute de l’URSS, une des principales préoccupations de l’impérialisme occidental a été de s’emparer des richesses énergétiques de la Russie.

Deux objectifs :

– le premier : prendre le contrôle des nouveaux groupes pétroliers privés. Il n’y est pas vraiment parvenu et a raté sa plus belle opération, mettre, avec la complicité du jeune loup KHODORKOVSKY, la main sur YUKOS, devenu après les privatisations, le premier groupe pétrolier russe.

– le second court-circuiter le réseau russe de pipelines et de gazoducs géré par la Société TRANSNEFT qui est restée publique

 

Ce second objectif a conduit à une véritable guerre des tuyaux dont le caractère stratégique n’a échappé ni à la Russie, ni aux Etats-Unis, petit consommateur de pétrole russe mais voulant contrôler le marché mondial, non plus qu’à l’Union Européenne, gros client du pétrole et surtout du gaz russe.

Dans une première période, du temps d’ELTSINE, la politique «occidentale » a enregistré des succès :

– mise hors service, à force d’attentats, d’un pipeline qui transportait le pétrole d’Azerbaidjian vers le port russe de NOVOROSSIYSK sur la Mer Noire en traversant la Tchétchénie

.- Construction et mise en service en Juin 2006 avec beaucoup de retard d’un nouveau pipeline, le fameux BTC (Bakou- Tbilissi- Ceyhan) qui, à travers la Georgie et la Turquie achemine le pétrole d’Azerbaidjan vers le port turc de Ceyhan sur la Méditerranée. Malgré son coût : un parcours de 1700 km sur un trajet accidenté, le projet a été fermement soutenu par CLINTON et par la Banque mondiale et son caractère « anti-russe » n’a fait aucun doute pur personne.

– Ce caractère anti-russe pourrait assez rapidement être remis en cause par la prise de contrôle financière par le géant russe GAZPROM de son opérateur et principal actionnaire : la compagnie anglo-russe BP-TNK. Dés à présent GAZPROM vient de reprendre à BP-TNK la majorité dans la société d’exploitation du gisement de gaz est-sibérien de KOVYKTA qui aura comme principaux clients la Chine et la Corée.

La Russie est en train de reprendre progressivement la main

– le pétrole azéri embarqué à NOVOROSSYISK ne passe plus en Tchétchénie mais par un autre tuyau sur le territoire russe au Nord de la Tchétchénie

– elle vient d’enregistrer au printemps 2007 trois succès qui changent la donne géostratégique :

– un accord a été signé entre les gouvernements du Turkménistan du Kazakhstan et de Russie pour créer un nouveau pipeline (tracé rouge sur la carte) qui va écouler directement les pétroles turkmène et kazakh dans le réseau russe. Ce projet rend caduque ou très improbable la réalisation d’un pipeline sous-marin sous la Caspienne qui aurait au contraire conduit le pétrole de ces deux républiques directement vers Bakou et le BTC. Sans cet approvisionnement supplémentaire, le BTC aura des difficultés à atteindre le seuil de rentabilité.

– Un autre accord a été signé entre les gouvernements de Bulgarie, de Grèce et de Russie pour construire très rapidement un pipeline court (environ 250km) entre le port bulgare de Burgas et le port grec d’Alexandroupolis (tracé rouge sur la carte) qui a deux avantages, l’un celui d’éviter le passage de navires pétroliers de plus en plus nombreux et volumineux à travers le Bosphore et l’immense agglomération d’Istanbul, demande justifiée de la Turquie. Ainsi le pétrole chargé à Novorossisk sera débarqué à Burgas et rechargé sur un autre pétrolier à Alexandroupolis, l’autre celui de rendre caduque ou d’une rentabilité douteuse le projet concurrent qui, depuis Burgas devrait conduire un nouveau pipeline vers le port de Vlöre en Albanie en traversant la Macédoine. Ce projet n’est pas abandonné mais il sera plus cher et plus long à construire que le BURGAS-ALEXANDRUPOLIS. Il est à remarquer que deux pays membres de l’Union Européenne n’ont pas hésité à signer un tel accord avec la Russie, les retombées économiques consistant pour eux, outre les budgets de construction, en droits de passage et en recettes portuaires

– L’Autriche a signé avec la Russie un accord pour la fourniture de gaz assorti de la création sur le territoire autrichien d’un stockage souterrain de gaz destiné à pallier tant pour l’Autriche elle-même que pour les autres clients de GAZPROM en Europe de l’Ouest – dont la France- les inconvénients d’une brève rupture des approvisionnements toujours possible en cas d’incident technique sur un gazoduc.

– A l’issue de deux réunions : un sommet Russie-Balkans qui s’est tenu à Zagreb le 24 Juin et une réunion de l’organisation de coopération économique de la Mer Noire (créée en 1992 siège à Istanbul) qui s’est tenue à Istanbul le 25 Juin il a été annoncé la construction d’un gazoduc sous-marin de 900 km dans la Mer Noire qui conduira la gaz russe jusqu’au port bulgare de Burgas. De là deux trajets sont possibles : le premier à travers les territoires serbe et croate jusqu’en Italie, client final du gaz, le second à travers la Grèce avec un autre prolongement sous marin jusqu’à l’Italie du Sud. Ce projet sera réalisé par GAZPROM et l’ENI italienne traiter avec des pays. II a immédiatement reçu le soutien du Premier Ministre grec. Ce projet appelé SOUTHSTREAM est l’exacte réplique du gazoduc sous-marin en construction sous la Baltique entre la Russie et l’Allemagne. Une fois réalisé il sera le second gazoduc sous-marin en Mer Noire puisque d’ores et déjà le gaz russe est livré en Turquie par le gazoduc BLUESTREAM.

Ainsi, Dans le même temps où les médias occidentaux se gargarisent des résultats d’un sommet de l’UE qui n’est guère qu’un ravalement minimal d’une façade lézardée d’une part par les référendums français et hollandais de 2005, d’autre part par l’alignement des gouvernements polonais, tchèque, baltes,roumain sur les Etats-Unis , la Russie contourne les difficultés, laisse sur la touche ses adversaires les plus farouches : Pologne et république baltes au Nord, Roumanie au Sud et traite directement avec l’Italie, la Grèce et la Bulgarie. Elle se paie même le luxe de rassembler autour d’une même table tous les « frères ennemis » des Balkans : Albanie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Serbie, Monténégro, Macédoine pour parler de projets économiques d’avenir autour de la question centrale de l’énergie. Entre les politiques de guerre et de fragmentation de l’espace balkanique orchestrées depuis 15 ans par Washington et Bruxelles et la politique russe actuelle, se dessine une exacte opposition entre destruction et construction.

Ce croquis sommaire et simplificateur qui ne satisferait pas les sociétés qui construisent oléoducs et gazoducs permet de voir l’existant avant l’avancée russe décrite dans ce bulletin : les tracés rouges (dessin COMAGUER)L’oléoduc BTC – pointillé bleu – et le gazoduc sous-marin BLUESTREAM (Russie-Turquie) pointillé gris – sont aujourd’hui en service

Un commentaire

  1. Analyse correcte.


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