Le Boomerang iranien contre la France et le Royaume-Uni, par Luis Ubeda

source : Opciones (Cuba), 20 février 2012

traduit de l’espagnol et présenté par Marc Harpon pour Changement de Société

Opciones est une des sources récurrentes de Changement de Société. Il s’agit d’un journal économique et financier publié à Cuba. Il est souvent plus fiable que Negocios en Cuba, dont les articles sont moins spécialisés. Le texte ci-dessous porte sur l’embargo pétrolier européen qui devrait frapper l’Iran dans quelques mois. Il suggère que la riposte iranienne pourrait aggraver la crise de la zone euro puisque, la Grèce, l’Espagne et l’Italie dépendent à 14% du brut iranien pour leur consommation de pétrole. Certes, l’Union Européenne devrait s’être préparée à ce problème d’ici la mise en place de l’embargo mais les iraniens menacent de fermer les vannes avant que les l’Union ne soit prête : l’arme économique de l’Occident risque de se retourner contre lui. Changement de Société tient à rappeler son opposition égale à la dictature iranienne et aux projets d’agressions nourris à son égard. Sur l’Iran, on lira entre autres « L’Arabie Saoudite et le nucléaire- pourquoi pas de levée de boucliers ?« , où l’on trouvera une comparaison des programmes nucléaires iranien et saoudien, ainsi que de la position de la « communauté internationale » sur l’un et l’autre.

Au début du mois de janvier, l’Union Européenne a édicté de sévères sanctions contre la République Islamique d’Iran, qui comprenaient le gel des actifs de la Banque Centrale du pays, et un embargo pétrolier qui devrait entrer en application au début du mois de Juillet prochain.

A ce moment là, le ministre du pétrole iranien, Rostam Qassemi, n’a pas hésité à prévenir qu’il « pourrait suspendre les exportations de brut aux pays européens hostiles », étant donné que les 27 pays d’Europe consomment 18% des exportations iraniennes de pétrole.

Le fait que l’Iran compte se concentrer sur la Grande-Bretagne et la France, peut s’interpréter comme une décision politique pour punir des gouvernements qui appuient le durcissement des sanctions contre son programme nucléaire. D’où le fait que l’annonce de dimanche dernier arrive après une vague d’affirmations contradictoires de la part de l’Iran sur les représailles contre l’UE, pour avoir imposé un boycott du brut iranien.

La semaine dernière, par exemple, les organes de presse publics ont informé que l’Iran pensait cesser ses exportations de brut vers six pays de l’UE, y compris la France, bien que d’autres articles disaient que ces pays avaient été seulement « informés » de ce que la nation perse « n’avait aucun problème pour les remplacer par d’autres clients pour ses exportations vers l’Europe… »

Dans le cas qui nous intéresse -le Royaume-Uni et la France, peut-être que la réaction n’aura que peu de conséquences, étant donné que les deux pays ont réduit sérieusement leur dépendance vis-à-vis du brut iranien, au point que ce dernier ne répond plus qu’à 3% de leur demande quotidienne.

Il vaut la peine de rappeler que depuis la fin du mois de novembre dernier, les États-Unis, le Canada, et la Grande-Bretagne ont approuvé des sanctions unilatérales contre les secteurs énergétiques et financiers iraniens, et auxquelles s’est ajoutée le 23 janvier l’annonce de l’embargo du brut par l’UE pour la seconde moitié de cette année.

L’Iran pourrait surmonter le blocus pétrolier.

Avant la fin 2011, l’analyste international Txente Redondo avait averti que « l’Union Européenne va être gravement frappée par les conséquences de sa politique de suivisme vis-à-vis de Washington », en allusion à l’accord de l’UE avec les États-Unis sur l’embargo sur les importations pétrolières iraniennes, bien qu’il estime que l’Europe a préparé l’introduction de l’embargo pour que les pays européens les plus dépendants des hydrocarbures iraniens disposent d’une marge de manœuvre pour trouver de nouveaux fournisseurs.

Comme cela été clairement dit, la contre-attaque iranienne, si elle n’affecte pas sévèrement la France et le Royaume-Uni, pourra donner de sérieux maux de têtes aux gouvernements d’autres pays de la Vieille Europe, dont les économies sont montrées du doigt presque quotidiennement par les agences de notations, étasuniennes « comme par hasard ».

Néanmoins, l’expert considère que le principal promoteur de cette politique, les Etats-Unis, « ne perdra rien dans cette affaire, parce qu’il ne dépend pas du pétrole iranien et n’en importe pas depuis une trentaine d’années ».

Les sanctions de l’UE, associées à d’autres mesures punitives imposées par les États-Unis, font partie des actions occidentales contre le secteur énergétique iranien pour arrêter le soit-disant programme nucléaire de Téhéran, dont le pays a précisé une fois de plus qu’il n’avait de buts que pacifiques.

Ali Reza Nikzad-Rahbar, porte-parole du Ministère du Pétrole iranien, a également annoncé hier sur le site internet de son Ministère que « nous avons des clients et nous avons déjà remplacé les entreprises de Grande-Bretagne et de France par d’autres firmes ». Il a ajouté que la Compagnie Nationale du Pétrole Iranien avait envoyé une lettres à différentes raffineries européennes avec un ultimatum pour la signature de contrats à long terme de deux à cinq ans, pour contrer le blocus.

Le boomerang iranien est donc lancé, et les Etats Européens comme la Grèce, l’Espagne et l’Italie, dont les importations de pétrole dépendent à 14% du brut iranien, seront en situation très critique, puisqu’inévitablement, ils manqueront du temps nécessaire pour trouver une autre solution.

Enfin, il est utile de se rappeler que ce nouveau chapitre de la guerre économique contre la République Islamique d’Iran n’a pas les connotations que la presse internationale lui donne, puisque le gros des exportation de pétrole iranien va vers la Corée du Sud, le Japon, la Chine et l’Inde, et que les gouvernements de ces pays ont déjà demandé au pays d’accroître ses livraisons de brut.

N’est-ce pas demander la Lune que de vouloir étouffer l’Iran ? [1]

[1] L’article original contient l’expression «los perros landrando a la Luna », qui signifie mot à mot, « les chiens essayant de dérober la Lune ». Elle désigne ceux qui essaient d’atteindre l’impossible et sa traduction française la plus satisfaisante semble celle retenue ici.

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